par Paul Malartre, Secrétaire Général de l’Enseignement catholique

A l’heure où, dans notre système scolaire, les enjeux éducatifs deviennent de plus en plus des défis à relever, à l’heure où chacun ressent combien ce système ne doit pas seulement s’adapter mais innover :
- Quel peut-être le rôle et la place de l’Enseignement catholique : refuge, recours, contournement, enseignement parallèle, concurrent, ou partenaire associé ?
- Pour quelle contribution originale et spécifique ?

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Le Président : « Repenser l’Education nationale » n’est-ce pas le plus souvent repenser exclusivement l’Enseignement public ? Or, « l’Enseignement privé, sous contrat, contribue au service public de l’éducation, ce que reconnaît la Loi Debré. L’Enseignement privé sous contrat n’est pas un enseignement indépendant subventionné » .
On observe à son égard deux attitudes contradictoires. D’une part, on lui conteste la qualité de partenaire associé de l’Education nationale. Monsieur Malartre ne manquera pas de nous dire les grands retards de l’Etat vis-à-vis de ses engagements. En sens inverse on nous dit que nombreux sont les enfants de parents peu favorables à l’enseignement privé qui sont inscrits dans des écoles catholiques, preuve de la qualité de leur enseignement et de l’ambiance qui y règne.
Ainsi, entendre une communication sur l’Enseignement privé dans un cycle consacré à l’Education nationale, loin d’être hors du programme est dans le programme. Il faut en donner acte à Monsieur Malartre qui représente au plus haut niveau l’Enseignement Catholique.
Vous êtes originaire de Saint-Étienne. Philosophe de formation, vous avez été professeur de philosophie dans une école catholique de Saint-Étienne et vous avez par la suite suivi la filière de l’Enseignement catholique.
Vous avez été Directeur diocésain de l’Enseignement catholique à Saint-Étienne, pour la Loire. Vous avez été appelé alors au Secrétariat général de l’Enseignement catholique par un vote des évêques de France et votre nomination signifiée par le Président de la Conférence, le Cardinal Billé.
On entend parler de vous. Vous pratiquez une communication active de propos délibéré, pour marquer la place importante de l’Enseignement catholique dans l’enseignement en France. Il n’en a pas toujours été ainsi et nous pouvons le regretter car, en démocratie, les convictions doivent savoir se faire entendre. La presse a rendu compte de vos correspondances récentes avec le Ministre, Jacques Lang. Le 1er décembre prochain, vous tiendrez à l’UNESCO un rassemblement national de tous les établissements, qui s’y préparent d’ores et déjà.
Nous avons en mémoire les propos de certains responsables politiques sur la place de la religion dans la société, et sur son effacement souhaité. On ne peut dissocier la question de l’Enseignement catholique de la laïcité. Pour les uns, reconnaissance de la liberté religieuse, pour les autres, combat contre la liberté religieuse.
Cher Monsieur, nous vous écoutons avec beaucoup de sympathie et une attente fervente !

Paul Malartre : Monsieur le Président, merci pour l’amabilité de votre accueil. Je remercie l’A.E.S. pour son invitation. Ayant eu l’occasion de rencontrer le Président et quelques membres du Bureau, j’ai pu vérifier que si jamais vous nous aviez oubliés, ce n’aurait été qu’accidentel tellement vous portez, aussi, je m’en suis vite rendu compte, le souci de l’Enseignement catholique.
Si j’ai répondu volontiers à votre invitation ce n’est peut-être pas, d’abord, pour parler de l’Enseignement catholique ; c’est parce que vous aviez comme thème d’année toute une réflexion sur l’Education nationale. En m’accueillant dans le cadre de ces conférences sur « Repenser l’Education nationale » c’était une façon d’exprimer d’emblée que l’Enseignement catholique fait, aussi, partie de l’Education nationale. A ce titre, il en partage les recherches, les échecs, les réussites. Il doit – et ce sera le sens de mon propos – être un partenaire qui doit faire entendre et vivre sa spécificité.
Je vous propose, dans une introduction, – rassurez-vous, je n’insisterai pas sur les chiffres – quelques repères. Il vaut mieux parfois, surtout pour ce qui nous concerne, donner des chiffres plutôt que laisser se véhiculer une image pas toujours exacte.
Ensuite, dans un premier temps, j’essaierai de préciser ce qui fait la spécificité de l’Enseignement catholique dans le système éducatif français.
Dans un deuxième temps, nous préciserons le contexte de cette spécificité. J’approcherai explicitement, je me le permettrai, votre thème d’année.
Dans la troisième partie : comment l’Enseignement catholique prend-t-il et prendra-t-il sa part à une refonte de notre système éducatif qui nous paraît nécessaire en profondeur ?
INTRODUCTION
Quelques chiffres. Entré en fonction en novembre 1999, j’ai d’emblée souhaité rencontrer les médias pour me présenter et pour qu’ils se présentent. Je le savais intellectuellement, mais j’ai pu vérifier combien, journalistes ou autres – sans doute dans ce cas-là reflet de l’opinion publique – avaient une image inexacte de l’Enseignement catholique. Je parle sous le contrôle de gens on ne peut plus qualifiés pour savoir que l’Enseignement catholique ce n’est pas seulement tel ou tel grand établissement, fut-il prestigieux !
En général, l’opinion n’a aucune idée du nombre d’élèves que nous scolarisons : 2 millions d’élèves, dans 10 000 établissements dont 5 400 écoles et donc 4 600 collèges et lycées.
Si l’on additionne les enseignants et toutes les personnes qui travaillent dans ces 10 000 établissements, nous employons 200 000 personnes dont 130 000 enseignants.
En pourcentage, nous représentons environ 20 % de la population scolaire de notre pays. 1 élève sur 5 est scolarisé, en France, dans l’Enseignement catholique. Mais ce pourcentage ne signifie pas grand-chose. C’est très inégal. Le pourcentage le plus faible est en école, le pourcentage moyen est en collège et le pourcentage plus élevé est en lycée, enseignement général, professionnel et surtout en lycée d’enseignement agricole où la part de l’Enseignement privé – cela nous vaut d’ailleurs quelques ennuis actuellement avec le Ministre de l’Agriculture – est de 60 %.
Ces 20 % ne disent pas grand-chose car, reconnaissons-le, c’est l’une de nos fragilités, nous sommes, pour des raisons historiques, très inégalement répartis sur le territoire français.
2 millions d’élèves mais 35 diocèses ont moins de 10 000 élèves. Sur les 2 millions, on en compte environ 300 000 sur plus du 1/3 des diocèses ; ce qui veut dire que d’autres ont beaucoup plus d’élèves et que le 1/4 de l’effectif, soit environ 500 000 élèves, se trouve dans 2 régions sur 25 : Pays de la Loire et Bretagne.
60 % de l’effectif de l’Enseignement catholique, c’est-à-dire 1 million 170 000 élèves se trouvent dans 5 régions sur 25. C’est vous dire les disparités. J’ai évoqué : Bretagne, Pays de la Loire auxquels on peut ajouter l’Ile de France, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes. 40 % de l’effectif est donc réparti dans 21 régions sur 25. Nous avons de très fortes disparités.
Nous avons parfois une image d’établissement « centre-ville », souvent justifiée : Paris, Lyon, Toulouse… dans toutes les grandes villes, tel ou tel établissement catholique est très connu et depuis longtemps. Mais sur 5 400 écoles nous en avons 60 %, donc environ 3 800, qui ont 5 classes et moins.
C’est dire la très forte ruralité de l’Enseignement catholique, proportionnellement plus forte que l’Enseignement public. Cela est dû sans doute entre autres à l’expansion d’un certain nombre de congrégations religieuses et de sœurs en particulier qui, pratiquement, occupaient tout une vallée, dans le Massif Central par exemple. Il n’est pas rare de trouver aujourd’hui encore, en Ardèche, en Haute-Loire, dans la Loire, comme dans certains villages de Bretagne, une école catholique et pas d’école publique, ce qui n’est pas sans poser de question d’ailleurs.
L’observation la plus importante à faire dans ce panorama introductif : si nous scolarisons aujourd’hui, un élève sur cinq, c’est une famille sur deux qui, en France, inscrit l’un de ses enfants dans l’enseignement catholique.
Ce phénomène nouveau a beaucoup attiré les médias car si nous disons « l’Enseignement catholique scolarise 1 enfant sur 5 » nous donnons l’impression, même si cela représente 2 millions d’élèves, d’être aux marges, presque épiphénomène. Quand nous rappelons – et ce sont des sociologues tout à fait neutres qui l’ont fait, pas nous, c’est beaucoup mieux – qu’une famille sur deux inscrit ou inscrira un de ses enfants dans l’Enseignement catholique nous devenons un phénomène social et, en tous cas, dans le concert éducatif, beaucoup plus important qu’on ne le soupçonnait auparavant.
1 famille sur 2 cela veut dire, incontestablement, que nous vivons, sans que nous puissions bien, aujourd’hui, à la fois les maîtriser et les analyser des évolutions sociologiques et géographiques importantes.
Ce n’est pas dans les régions où nous sommes fortement implantés, sauf l’Ile de France qui est un cas à part, que nous avons de fortes demandes nouvelles : nous voyons s’allonger – c’est un problème pour nous – les listes d’attente en milliers d’élèves refusés dans le Sud de la France et en particulier dans le Sud-Est, de Perpignan à Nice. Je crois que cela s’explique surtout par le fait que des familles qui, il y a quatre ou cinq ans seulement, n’auraient jamais eu l’idée d’inscrire l’un de leurs enfants dans l’Enseignement catholique, y pensent aujourd’hui. Elles découvrent que c’est moins cher que ce que l’on dit (je vous parle de réactions entendues dans le Sud). Et puis j’avance d’une façon personnelle, peut-être d’une façon imprudente, l’idée qu’il y a des évolutions idéologiques très rapides dans notre pays.
Il me semble qu’au niveau des familles et de l’opinion publique en général, on regarde de plus en plus ce que l’on pense être l’intérêt de son enfant et que, s’il apparaît à la famille que l’Enseignement catholique peut être une réponse plus adaptée dans le cas précis de la fille ou du garçon, on hésite beaucoup moins qu’avant à l’inscrire. On a moins peur de s’entendre dire « tiens ! tu l’as mis chez les curés… » Cela a joué : des échos récents permettent de dire que ce n’est pas complètement passé.
Dans ces évolutions sociologiques, géographiques, je dois évoquer l’Ile de France. Je vous ai dit que c’était un cas à part. Les établissements catholiques d’enseignement sont complets à Paris pour la rentrée prochaine. En Seine-Saint-Denis, c’est plein depuis beaucoup plus longtemps. Dans les Yvelines, Académie de Versailles, c’est plein. Nous allons injecter beaucoup de postes pour la rentrée prochaine. Nous mettons dans l’Ile de France 165 postes, nouveaux. Malgré ces 165 postes, pour la rentrée 2001 nous sommes déjà sûrs que nous refuserons des élèves.
Le phénomène est parisien, mais il faut le voir plus globalement. Les établissements de Paris intra-muros ont de plus en plus de demandes de la couronne parisienne pour des raisons qu’on peut sans doute deviner. Cela ne nous met pas toujours très à l’aise quand des journalistes nous disent « est-ce que vous ne tirez pas les marrons du feu de la carte scolaire rigide ? » Sans doute oui, ne nous le cachons pas.
Plus profondément n’y a-t-il pas de plus en plus, sur le rôle et l’apport de l’Enseignement Catholique, de la part des familles qui ne savent pas toujours l’exprimer clairement une demande éducative, et j’ajoute spirituelle, forte. Exemple concret immédiat : nous sommes de plus en plus sollicités par des familles musulmanes, en Seine-Saint-Denis, dans le Sud de la France et en d’autres endroits.
Quand j’étais chef d’établissement, j’inscrivais déjà quelques élèves musulmans. Je demandais aux familles pourquoi elles nous choisissaient, c’était bien clair (l’établissement s’appelait Saint Paul) : la raison était « parce que chez vous il y a moins d’Arabes ». Aujourd’hui, quand je questionne les directeurs diocésains et les chefs d’établissement, ces familles musulmanes disent de plus en plus souvent « je les mets chez vous parce que là, peut-être, entendront-ils parler de Dieu ». Ceci me fait penser qu’il y a dans le dialogue inter religieux une quête spirituelle à laquelle nous devons être très sensibles.
I – QUELLE EST LA SPECIFICITE ET LA PLACE DE L’ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE DANS LE SYSTEME EDUCATIF FRANCAIS ?
Je vais commencer par vous dire ce qu’il n’est pas. L’enseignement catholique n’est pas l’enseignement public. Dans l’esprit des gens, et même chez les membres de l’Enseignement catholique, 40 ans de loi Debré laissent parfois penser que, finalement, il y a tellement peu de choses qui distinguent l’Enseignement catholique de l’Enseignement public, que nous allons inéluctablement et subrepticement vers une forme d’assimilation. Nous devons y être attentifs.
Nous ne sommes pas enseignement public, nous ne sommes pas non plus enseignement privé. Cela étonne davantage. Nous ne sommes pas enseignement privé au sens où, faute de mots pour l’exprimer, nous disons « nous ne sommes pas du privé-privé ». On a ainsi recours à une sorte de redondance pour dire « ce n’est pas nous ».
Nous ne sommes pas un enseignement privé organisé sur une économie de type libéral. Nous ne sommes pas à but lucratif. Nous ne sommes pas enseignement privé, nous sommes enseignement ecclésial. Tout établissement catholique est sous tutelle d’une congrégation religieuse ou sous tutelle diocésaine. Un établissement catholique n’est donc pas isolé. Il est rattaché à un réseau d’établissements catholiques au plan diocésain et congréganiste. C’est dans ce sens-là que je dis que nous ne sommes pas des établissements privés.
Nous ne sommes pas non plus des établissements subventionnés. C’est-à-dire des établissements qui recevraient de l’argent de l’État ou des collectivités territoriales et qui en feraient ce que bon leur semble. Nous ne le souhaitons pas d’ailleurs.
Alors, qui sommes-nous ?
Les accords Lang-Cloupet redisaient très clairement « l’Enseignement privé sous contrat est partenaire associé au service public d’éducation ». Tous les mots portent. La loi Debré nous fait une obligation, – c’est le sens du mot “public”- d’être ouverts à tous. On comprend en effet qu’un État ne pourrait pas financer un enseignement qui serait sélectif sur des critères subjectifs. Nos obligations sont dans l’ordre des programmes, des horaires par discipline mais nous pensons avoir le droit d’être en conséquence bien reconnus comme partenaire associé.
C’est pourquoi, sans cesse, nous devons rappeler que nous sommes associés à l’Etat par contrat et que si nous en reconnaissons un certain nombre de devoirs, nous devons rappeler aussi un certain nombre de droits et un certain nombre d’exigences de l’État vis-à-vis de nous, parce que cela ne va jamais de soi.
En d’autres termes, pour être partenaires, il faut être deux, au moins. Pour l’instant, c’est surtout nous qui rappelons que nous sommes partenaires. Mais nous ne désespérons jamais…
“Associés à l’Etat par contrat”, je tiens à le préciser, pas seulement par obligation légale, celle de la loi Debré, mais par volonté de l’Église. En effet, depuis Vatican II et cette volonté d’une Eglise présente au monde ; depuis le préambule du statut de l’Enseignement catholique de 1992, signé « les évêques de France » ; depuis un texte romain de la Congrégation pour l’éducation qui a pour titre L’Enseignement Catholique au seuil du IIIe millénaire, à chaque occasion le Pape, les évêques, l’Eglise rappellent que l’enseignement catholique est pour l’Église un espace de présence au monde de l’éducation, pour tous, donc placé dans une volonté missionnaire.
Mais si nous ne sommes qu’associés, nous risquons d’être un enseignement parallèle. “Associé” pour quelle contribution originale ?
Ce qui fait la spécificité de l’Enseignement catholique, pour reprendre l’expression de la loi Debré « son caractère propre », c’est de lier dans une même démarche – tout est dans le verbe “lier” et “dans une même démarche” – l’enseignement, l’éducation et la proposition d’un sens de la vie et, pour nous, d’un sens chrétien de l’homme. Parfois je suis un peu irrité quand on nous présente l’enseignement catholique comme l’enseignement public plus la catéchèse. J’allais dire, on s’en sort à bon compte ! Certains disent même « vous, dans vos lycées, c’est simplement qu’il y a l’aumônerie à l’intérieur ». La catéchèse est partie essentielle du vécu de notre caractère propre, j’ai parlé de la proposition d’un sens chrétien de l’homme. Mais nous ne serions pas Enseignement catholique si ce qui se dit en catéchèse et la proposition de la Foi et de Jésus-Christ n’avaient aucun rapport ou étaient coupés de ce qui se vit au quotidien dans les choix éducatifs, pédagogiques et pastoraux de l’établissement.
Le caractère propre de l’Enseignement catholique c’est de dire que tout le projet éducatif de l’établissement est fondé sur un sens de l’élève éclairé par l’Evangile.
Je vous entends déjà dire qu’il y a parfois décalage entre cet objectif qu’on peut qualifier d’idéal et la réalité de la vie dans nos établissements. Mais si on ne rappelait pas quel est l’objectif, nous aurions du mal à essayer de nous en rapprocher chaque fois un peu plus.
Notre projet éducatif doit être éclairé par un sens de l’homme évangélique ; cela veut dire, pour nous, éducation de toute la personne, dans ses dimensions intellectuelles – nous sommes établissement scolaire – mais aussi relationnelles, affectives, spirituelles, religieuses.
Cela nous pose une question toute simple à propos de projet éducatif et de sens de la personne. Dans notre école, collège, lycée, qu’est-ce qu’un élève qui réussit ? que voulons-nous vivre avec les élèves en termes de réussite ? Notre projet éducatif ne s’appuiera pas seulement sur des notions d’efficacité, même s’il ne faut pas le négliger, mais sera aussi, éclairé par l’esprit des Béatitudes. Nous avons à voir aussi comment nous sommes interpellés par la parabole des talents. La spécificité est dans cette démarche qui ne coupe pas en tranches l’enseignement et l’éducation. Nous partons du principe qu’aucun enseignement ne peut être neutre. Tout enseignement, y compris dans l’enseignement public, dit quelque chose du sens de l’homme et de la personne.
II – UNE PLACE, UNE SPECIFICITE, DANS QUEL CONTEXTE ?
Nous vivons dans le système éducatif, le reflet de notre société, cause et conséquence à la fois des mutations accélérées.
Trois mutations conditionnent profondément les évolutions dans l’école. Ici, quand je dis “école”, j’englobe collèges et lycées. Je l’entends dans tous mes déplacements, rencontrant de nombreux chefs d’établissement, enseignants : nous changeons actuellement de plus en plus vite de génération d’élèves. Les enseignants dès la maternelle disent que quand on se reporte trois ou quatre ans en arrière, on constate qu’on n’avait pas tout à fait les mêmes élèves. Parfois les comportements ont varié profondément. Qu’est-ce qui bouge, et pourquoi ?
D’abord, sans aucun doute, l’affaiblissement des repères. On dit que les enfants, les jeunes, manquent de repères. Je me demande s’ils n’en ont pas trop. Ils sont tellement sollicités, de tous côtés, qu’ils ne savent plus où est le chemin.

Repères institutionnels : On peut parler de l’armée, de l’Eglise, de l’Etat… Mais je voudrais insister sur le repère institutionnel de la famille.

La famille : La semaine dernière j’étais en Guadeloupe et à La Réunion, à la rencontre de l’Enseignement catholique. Le recteur de Guadeloupe, à qui je demandais quelles étaient les caractéristiques de l’enseignement dans ce département d’Outre-mer, m’a fait cette réponse : On ne sait plus où est la famille. On ne sait plus qui est le père, la mère. Ils vivent beaucoup le pluralisme conjugal, hommes et femmes. Qui va écrire un mot d’absence, signer le carnet scolaire ? On peut moins s’appuyer qu’auparavant sur une structure conjugale et familiale. On ne peut plus faire classe sans avoir en tête qu’un nombre d’enfants, important et en augmentation régulière vit d’abord des situations familiales, conjugales extrêmement complexes. On nous dit, par exemple, que l’affaiblissement du rôle du père crée une difficulté d’identité sexuelle, garçon-fille et a des répercussions sur la manière de vivre la mixité.

Le travail : Un décalage s’accroît entre ce que les enseignants pensent de ce qu’est le travail et l’image que peuvent en avoir des élèves. J’arrive d’une région où il y avait un fort taux de chômage. Les enseignants m’alertaient en me disant : « vous savez, tel enfant, en primaire et jusqu’en CM2 a été le seul dans la famille à se lever le matin pour aller au travail. » Quand j’étais professeur de philosophie, le chapitre sur le travail était un des chapitres importants. On proposait facilement une dissertation dans le style de Saint-Exupéry : « Tout travail travaille à faire un homme en même temps qu’une chose ». Aujourd’hui on pourrait plus difficilement poser ce genre de sujet. La philosophie du travail a profondément évolué dans notre société.
L’école à 4 jours, je l’ai connue. Je ne suis pas là pour parler des avantages et des inconvénients, je ne suis pas compétent pour en parler et d’ailleurs je me demande si quelqu’un l’est puisqu’on n’a pas fait d’évaluation sérieuse. Des enseignants ont vite vu que l’un des inconvénients c’est que l’enfant va à l’école le lundi, le mardi, s’arrête une journée, reprend le jeudi et le vendredi puis s’arrête deux jours. Des enseignants m’ont dit « on crée, inconsciemment, l’idée que l’école est un mi-temps ». Avec les 35h, la part du travail, en tous cas psychologiquement, même si ce n’est pas tant quantitatif, est en train de fondre.

La chronologie et le sens du temps : Il faut savoir que nous sommes dans les générations du “zapping“, ce que j’appellerais plutôt des “morceaux choisis”. Les enseignants doivent aujourd’hui intégrer que l’enfant, l’adolescent, de par notre culture sociale, aura de moins en moins le sens de la chronologie.
Nous aurons de plus en plus besoin d’insister dans l’enseignement sur l’importance de la durée. Ce n’est pas loin de la notion d’effort dont on discute beaucoup. Les jeunes n’auraient-ils pas moins le sens de l’effort que nous ? Je reste prudent. Méfions-nous de certaines idéalisations. Mais je me demande s’il n’y a pas un lien à faire entre ce qu’on ressent parfois comme un effort moins soutenu par le fait que, peu à peu, on crée une autre philosophie d’une durée qui deviendrait davantage une succession d’instants. Ce que j’appelais le “zapping”.

Les nouvelles « technologies » : On ne pourra plus concevoir l’enseignement sans ces applications techniques.
Je voyais, au Salon de l’Education, au mois de novembre, des démonstrations de cartables électroniques. Ce n’est pas encore commercialisé. On nous a dit que cela allait être vulgarisé dans les cinq ou six ans qui viennent. Les manuels seront supprimés sans doute. L’enseignant fera apparaître sur l’écran la page sur Napoléon, celle sur Baudelaire etc.
On se demande déjà si l’enseignant, l’école, aura un rôle. Evidemment ! Non seulement ces technologies n’atténuent pas le rôle de l’enseignant mais au contraire elles le valorisent ! Même si l’enseignant sera de moins en moins le seul – il faut qu’il en prenne acte – à transmettre des connaissances et des informations, son rôle devient majeur. Il lui faut aider l’enfant à hiérarchiser tout ce qu’il reçoit par les images, à organiser – ce n’est pas si simple d’aller chercher sur Internet – à ordonner une recherche et à savoir à quel contenu l’élève veut arriver et par quels moyens il va y arriver. C’est pourquoi, l’éveil de l’esprit critique de l’élève sera essentiel.

Rôle et mission de l’école : profondément bouleversés ? Oui, en un certain sens. Non en un autre sens.
Entendons-nous bien. Nous sommes là pour faire réussir le maximum d’élèves à condition, bien sûr, que cette réussite scolaire soit dans une démarche beaucoup plus globale d’éducation et de réussite de toute la personne.
Lieu d’enseignement de qualité, c’est notre objectif, pour tous les élèves, quelles que soient leurs aptitudes, mais cela veut dire aussi que le rôle de l’enseignant sera de plus en plus d’être un enseignant compétent dans le savoir-faire éducatif.
Je me méfie des enseignants qui disent « je ne suis ni psychologue, ni éducateur spécialisé, ni assistante sociale ». C’est vrai. Mais un enseignant qui n’aurait aucune dimension éducative et psychologique manquerait de satisfaire les attentes éducatives des générations qui arrivent.
J’ai trouvé intéressant que Monsieur LANG, ait eu récemment cette formule : « Il nous faut restaurer cette belle idée d’autorité ». Ceci veut dire qu’on dérive si on oublie qu’un établissement scolaire n’est pas qu’un lieu d’enseignement.
Les Assises de l’Enseignement catholique que nous avons lancées en septembre dernier, jusqu’au 1er décembre 2001 se veulent d’abord analyses lucides, réalistes mais sereines de toutes ces mutations que j’évoquais à grands traits.
Non pas pour porter des jugements de valeur. Nous sommes dans une impasse si nous le faisons dans des termes tels que « les élèves aujourd’hui sont impossibles ». Et il faut se méfier des effets boomerang !
Pas pour porter des jugements de valeur et comparatifs d’une génération à une autre.
Pas pour gémir. On dit trop, qu’il est très dur d’enseigner, que les élèves sont difficiles, etc. Un des premiers résultats immédiats, c’est que le nombre de candidats à l’enseignement est en train de baisser. Pas pour gémir mais pour essayer de répondre.

III – QUEL PEUT-ETRE LE ROLE DE L’ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE, AVEC SA SPECIFICITE, ET DANS UN TEL CONTEXTE ?
Je vous invite à un retour à nos fondatrices et à nos fondateurs. Qu’ont fait nos fondatrices et fondateurs de Congrégations qui, aujourd’hui encore, sont présentes dans l’Enseignement catholique ?
Ils ont vécu, on ne peut mieux, ce que j’évoquais. Ils ont toujours lié l’instruction, l’éducation et la proposition de la Foi, quel que soit leur charisme particulier, d’une congrégation à une autre.
Ils ont su discerner des besoins éducatifs non satisfaits par leur société.
Les sources de l’Enseignement catholique sont toujours d’actualité. Nous sommes invités, aujourd’hui, à notre tour, comme nos fondatrices et fondateurs, à être des pionniers. Cela rejoint votre thème « Repenser l’Education nationale ».
Nos Assises nous invitent à réécrire de nouvelles pages éducatives. Je vois déjà fleurir des petites dérives. On dit « il faut que l’Enseignement catholique innove ! » Il ne s’agit pas de rechercher l’innovation pour l’innovation.
L’innovation c’est, comme pour nos fondateurs, essayer d’apporter des réponses nouvelles à des besoins éducatifs nouveaux.
L’erreur majeure de l’Education nationale en France, depuis la Seconde Guerre mondiale, a été d’avoir pensé – ce qui, intellectuellement, au premier abord est satisfaisant et qui s’avère parfois catastrophique – qu’il y a un lien entre l’égalité des chances et un enseignement à peu près identique pour tous. Nous payons très cher une idée généreuse, démocratique, républicaine : qui est contre l’égalité des chances ? L’erreur s’est glissée, à mon avis elle devient une faute, d’avoir pensé que, pour que tout les petits Français aient les mêmes chances, pour reprendre l’expression véridique d’un recteur devant moi, de la petite section de maternelle jusqu’en fin de classe de 3e ils doivent passer par le même cylindre.
À l’Enseignement catholique de jouer sur sa marge d’autonomie et de créativité pour offrir des parcours beaucoup plus diversifiés qu’un cylindre. En école, il n’y a rien, pratiquement, entre la CLIS (classe d’insertion scolaire) qui accueille de plus en plus d’enfants à handicap assez fort et l’enseignement ordinaire. Ce n’est pas vrai qu’il y ait des enfants handicapés, des enfants en grande difficulté et tous les autres. En collège, il n’y a rien entre la SECPA (section d’éducation par alternance) et le collège.
Je note avec satisfaction que Monsieur Mélanchon est en train de dire que « le collège unique est une vaste hypocrisie ». Je l’avais dit dans le Journal La Croix, en mai 2000. Je note avec intérêt cette mutation. Nous avons récemment rédigé un communiqué de presse nous élevant contre la suppression demandée par plusieurs recteurs en France, dans l’Enseignement catholique, des 4e et des 3e technologiques. C’est une aberration ! J’en ai connu de très près. Si elles sont bien pensées, loin d’être des voies de relégation, ces classes offrent une nouvelle chance à des élèves mal à l’aise dans le cursus conceptuel dont nous sommes si friands dans notre façon d’enseigner. Ce n’est pas un drame de passer par le cycle technologique et le lycée professionnel. L’Enseignement catholique le sait depuis longtemps et j’ose avancer que c’est un de ses meilleurs savoir-faire et on voudrait nous le supprimer.
Le nombre d’élèves en rupture de scolarité à l’âge du collège est en train d’augmenter. De plus en plus de jeunes n’arrivent pas à une classe de 3e et quittent le système scolaire et on les retrouvent, dans la rue. Ils ne font pas autre chose. Voilà un problème social important.
D’autre part, on jette un voile discret sur le premier cycle de l’enseignement supérieur. Or, nous savons tous plus ou moins qu’environ 1 étudiant sur 2 rate son premier cycle post-bac. C’est énorme ! En général, au bout de deux ans, il reprend d’autres études. Il dit « Je n’étais pas dans la bonne voie ». On lui dit « Ce n’était pas votre voie ». Est-ce que l’Enseignement catholique n’a pas des propositions très concrètes à faire sur ce passage délicat entre la classe terminale et la première année de l’enseignement supérieur ?
Besoins nouveaux, aujourd’hui, dans l’esprit de nos fondateurs : de plus en plus penser à des établissements de la seconde chance. Nous aurons beaucoup plus de jeunes et de moins jeunes qui voudront reprendre des études. Que fera l’Enseignement catholique ? Il faut qu’il soit présent sur ce créneau. À Paris il y a un établissement joliment nommé “Les oiseaux de nuit”. Il offre des cours aux jeunes et aux moins jeunes, qui préparent un bac L ou ES. C’est excellent parce qu’on peut penser que dans notre société, où nous serons appelés de plus en plus à exercer plusieurs métiers différents dans une carrière, le clivage formation initiale/formation continue s’estompera de plus en plus. Il ne faudrait pas penser Établissement catholique seulement de 2 à 18 ans.
Nous avons également à creuser beaucoup les relations école/famille. On ne progresse pas beaucoup dans ce domaine. Il y a toujours un peu de méfiance parents/enseignants. Il ne faut pas généraliser, mais quand même… Or, devant les enjeux éducatifs qui nous attendent, on gaspille beaucoup d’énergie dans le domaine éducatif, à délimiter le périmètre des uns et des autres. Notre conviction, en Église, c’est que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants et qu’on ne va quand même pas en faire fi ! Mais ils ne sont pas les seuls éducateurs. École/famille, c’est une des grandes intuitions de l’École catholique, doivent collaborer, ils sont tellement complémentaires dans l’éducation et pour nous dans la proposition de la Foi aux enfants.
J’ai évoqué l’éducation affective. En France, on fait comme si la mixité allait de soi. Or, elle ne va pas de soi. La mixité partout et tout le temps, ce n’est pas si évident. Je ne suis pas en train de vous dire qu’il faut retourner aux établissements de jeunes filles et aux établissements de garçons. J’évoque que la mixité partout et tout le temps n’est pas forcément pertinente, y compris dans les mouvements d’Eglise, mais c’est un autre sujet.
Il y a quelque chose à chercher par rapport à l’éducation affective, pas seulement sexuelle. Plutôt que de seulement s’interroger, en aval, sur les réponses que nous faisons sous forme de pilules du lendemain ou de mallettes, l’Enseignement catholique doit aussi se situer en amont. Comment accompagne-t-on les enfants, dès le plus jeune âge, en lien avec les familles, le plus possible pour la découverte de l’autre, l’éveil au sens de l’autre, au respect de l’autre, aux sentiments et à l’amour ?
CONCLUSION
Cette démarche d’Assises, je l’ai évoquée tout en essayant de traiter le sujet, en essayant aussi de m’intégrer, modestement, dans le cadre de votre thème d’année « Repenser l’Education nationale » car ce thème rejoint tout à fait nos Assises : analyse de ce qu’on vit, rappel de notre identité pour innover et ne pas rester les bras croisés.
C’est pourquoi nous avons intitulé ces Assises « Eduquer, passion d’Espérance ». Nous avons tenu au mot “éduquer” et non au mot “enseigner”. On ne peut pas enseigner sans éduquer, on ne peut pas éduquer sans proposer du sens. Il faut tout voir dans ce mot “éduquer”.
Passion : Dans les deux sens principaux du mot. L’aspect douloureux, la souffrance, de l’acte d’éduquer. Ce qui est le plus dur chez un éducateur c’est que l’éducateur aura d’autant mieux réussi qu’il sera devenu peu à peu inutile. Ce n’est pas simple à vivre psychologiquement. Dans l’éducation, on a tendance quand même, dans une certaine mesure, à s’approprier un peu ceux dont on est en charge d’éducation. Passion-souffrance dans l’acte éducatif parce que le projet que j’ai sur mes enfants, le projet que j’ai sur mes élèves ne rencontre pas toujours le projet que mes enfants ont pour eux-mêmes ou le projet que mes élèves ont pour eux-mêmes.
Mais il est passion au sens aussi d’enthousiasme. L’acte éducatif, parce qu’il est en phase permanente avec l’humain, a toujours ce côté illimité, toujours jamais achevé qui le rend passionnant.
« Éduquer, passion d’Espérance », c’est le mot auquel nous tenons le plus. Il ne s’agit pas d’espoir. Je ne prendrai pas les paris pour dire qu’un jour les élèves seront bien meilleurs qu’aujourd’hui, que tout va aller bien. Est-ce à dire que nous allons sombrer dans le scepticisme, le pessimisme ou, pire, le fatalisme, dans notre système éducatif et dans l’Enseignement catholique français ? Non. Nous parlons d’Espérance.
Pour nous, ce n’est pas n’importe quelle espérance. C’est l’Espérance née un certain matin de Pâques. Finalement, l’acte d’éduquer, pour nous, c’est de se dire au nom de cette Foi en la Résurrection du Christ, au sens fort du verbe “croire”, que tout élève a un avenir. C’est dire, en d’autres termes, qu’il n’est pas d’éducation sans cette Espérance.

ECHANGES DE VUES

Le Président : La richesse de votre propos et surtout la conviction qui vous anime me fait vous poser une question.
Quel est votre pouvoir sur l’Enseignement catholique ? Est-ce qu’on peut dire que vous êtes le Ministre de l’Enseignement catholique !

Paul Malartre : Non. Le responsable de l’Enseignement catholique, si vous en cherchez un, c’est l’évêque dans son diocèse. Je vous cite le Statut de l’Enseignement catholique : « L’évêque est le responsable de l’Enseignement catholique de son diocèse, y compris par rapport aux établissements congréganistes. »
Le responsable de l’établissement c’est le chef d’établissement. Il est nommé par la tutelle c’est-à-dire l’évêque qui participe au Conseil de tutelle diocésaine ou le Supérieur majeur pour une congrégation religieuse.
C’est pourquoi, ce n’est pas seulement un symbole que le Secrétaire général de l’Enseignement catholique soit nommé par vote, par l’ensemble des évêques de France. Les évêques de France lui confient un rôle de coordination, d’orientations nationales qui naissent du Comité national de l’Enseignement Catholique où environ 50 personnes représentent toutes les instances : organismes, syndicats, associations… En fait, je suis en mission, par l’Église de France, et je dois répondre de la cohérence entre les orientations nationales, ce qui se vit dans les diocèses. Mon rôle est de rappeler partout, auprès des directeurs diocésains, auprès des congrégations, auprès des chefs d’établissement ou des enseignants : où en sommes-nous ? Je crois que c’est la principale responsabilité. Où en sommes-nous de la cohérence entre le projet de l’Enseignement catholique, qu’il faut rappeler, et le vécu dans nos établissements ?
Le mot du Statut que j’aime bien c’est de « vérifier l’authenticité ». Nous sommes des humains, il y a des décalages entre le projet et ce qui est vécu. C’est un rôle d’inspirer des orientations, avec l’avis des uns et des autres, d’interpellation et puis, ne le cachons pas, d’évaluation parfois pour dire « attention, nous sommes loin du compte ! »
Enfin, la responsabilité du Secrétaire général, plus objective, plus nette c’est de représenter l’ensemble de l’enseignement catholique français auprès du Ministre de l’Education et des pouvoirs publics.

Catherine Berdonneau : Vous avez parlé tout à l’heure de la mixité. On a des résultats de différentes expérimentations et de recherches qui sont faites dans d’autres pays, qui mettent en évidence qu’un garçon et une fille, à un âge donné, n’ont ni les mêmes besoins, ni les mêmes modes d’expression.
Est-ce que l’Enseignement catholique dispose d’une marge de manœuvre suffisante, non pas – et je vous suis tout à fait – pour ressusciter des établissements de filles et des établissements de garçons mais, au moins pour que pour certains cours, voir lesquels, il puisse y avoir des classes de filles et des classes de garçons ?

Paul Malartre : La réponse est : oui. Le contrat avec l’Etat ne stipule rien dans ce domaine. Ce qui n’est pas précisé est autorisé.
Pour être honnête, nous ne nous sommes pas vraiment penchés sur la question jusqu’à maintenant.
La mixité est une question éducative majeure, qui n’a pas été vraiment étudiée, y compris au niveau des sciences de l’éducation, au niveau très civil et civique. On a quelques écrits qui commencent à venir parce que je crois qu’on était quand même tous plus ou moins complices d’une sorte de terrorisme intellectuel et que cela allait de soi, que c’était le sens de l’Histoire et que, enfin, on avait fait sauter des tabous.
L’Enseignement catholique lui-même a là-dessus peu de travaux, peu de recherches. J’entends votre question comme une insistance pour y travailler. D’autant que, sur ce que vous dites des filles et des garçons, ça se complique. Excusez-moi, Messieurs, mais les statistiques montrent que, proportionnellement, les garçons sont plus en retard que les filles. Et en même temps le nombre d’enfants qui entrent en 6e avec 1 ou 2 ans de retard est en train d’augmenter. Cela veut dire qu’ils rentrent à 13 ans en 6e. Malheureusement pour eux, ce sont souvent ceux-là qui redoublent. Les statistiques sont cruelles. Celui qui a redoublé son CP a je ne sais plus combien de chances de redoubler avant la 5e etc. Calculez : vous en avez en 3e qui ont 17-18 ans. C’est l’une des situations qui expliquent la violence au collège. Il y a des écarts d’âge énormes ! Alors que le petit élève brillant en études rentre avec un an d’avance en 6e va se retrouver à des 13-14 ans en 3e. Si vous y ajoutez la différence garçon-fille, vous créez des mélanges détonnants.

Isabelle Mourral : Monsieur, vous nous avez rendu un grand service parce que nous sommes à la recherche d’une véritable réforme de l’Education nationale, nous voulons véritablement la repenser. Vous nous avez donné des idées qui me paraissent capitales.
D’abord le malheur que cause le collège unique. C’est bien connu. On connaît bien le mot de François Bayrou « collège unique, collège inique ». Il faut absolument, que dans le collège on différencie les programmes. Cela ne dépend pas absolument de vous, mais il faut que vous le réclamiez ! Une différenciation des programmes, des matières étudiées et des exercices proposés.
La deuxième idée capitale, nous allons la traiter prochainement, c’est l’importance de l’enseignement technologique et professionnel. A ce sujet-là vous allez avoir à vous battre sérieusement contre les familles ! Ce sont les familles qui ont exigé le collège unique. L’idéologie politique est venue au secours de cela, mais les familles l’ont vraiment demandé.
Vous nous avez donné aussi l’idée extrêmement de la seconde chance. Il faut que l’on travaille là-dessus. Parmi nos chômeurs, combien étaient incapables de faire quelque chose ? Combien d’élèves a-t-on lancé dans ce qu’on appelait pudiquement la vie active, à 16 ans, avec une absence totale de formation à quelque niveau que ce soit ? Dans la massification du chômage que nous avons connue, il y a des gens qui n’étaient pas prêts au travail.
Vous avez posé le problème de la mixité c’est un problème important, et celui, connexe, de l’éducation sexuelle.
J’ajouterai quelque chose, c’est l’emploi du temps. Vous avez parlé du temps à un autre moment. Mais il est vrai que, maintenant, nous ne savons pas nous servir du temps. Vous n’ignorez pas que nos élèves, à l’heure actuelle, ont entre 160 et 170 jours de classe, plus près de 160 que de 170, cela fait combien de jours de loisirs ? Quelle éducation est possible pendant ce temps de loisir ?

Janine Chanteur : En accord avec les questions qui viennent d’être posées, je voudrais dire, Monsieur, que la clarté avec laquelle vous avez dissipé nos erreurs ne nous permet plus d’avoir d’alibi. Nous trouvons, il est vrai, des retraites faciles quand il s’agit de difficultés qui nous laissent sans réponses ou qui nous demanderaient beaucoup de courage pour leur faire face.
Je voudrais vous poser deux questions et faire une remarque rapide.
Ne pensez-vous pas que l’éducation par l’image si elle devient constante, ne permettra pas à l’intelligence de conceptualiser ? Est-ce qu’il n’y a pas, entre l’usage de l’image et la possibilité de la conceptualisation une antinomie ? C’est une question que je me pose parce que nos enfants sont submergés par les images.
D’autre part, je voulais vous demander ce que vous comptiez faire, ce que comptait faire l’Education catholique pour les enfants qu’elle ne peut pas recevoir, faute de place. C’est un drame pour les familles.
Enfin, une remarque à propos de la mixité. Je me suis proprement fait remettre à ma place dans une Institution catholique dans laquelle un de mes enfants était élève. On ne m’a pas permis d’enseigner l’instruction religieuse dans les classes terminales parce que j’avais dit que la mixité me paraissait devoir être repensée : en effet, on met en présence des enfants des deux sexes, à une période de leur vie où ils ne peuvent pas maîtriser les transformations qui s’opèrent en eux ; ils auraient besoin de sérénité dans les relations extérieures qu’ils nouent avec leurs camarades pour pouvoir justement passer moins difficilement à l’adolescence. Qu’est-ce qui va leur permettre de maîtriser leur pulsion sexuelle quand elle est éveillée, si elle se trouve tout près de sa satisfaction possible ? Si l’enfant n’est pas immédiatement sollicité, s’il n’est pas directement en présence de la tentation, il a un peu plus de chances de pouvoir réfléchir. Ce n’est pas le péché qu’il faut éviter, c’est la tentation. On m’a répondu « les familles sont mixtes », mais dans les familles, il y a l’interdit de l’inceste ! Les relations ne sont pas les mêmes.

Paul Malartre : Par rapport à l’image, ma réponse sera d’autant plus rapide que je ne me sens pas aujourd’hui compétent pour répondre. Je me pose la même question que vous. Je suis de formation très classique, latin, grec, philo et je souffre quand on me dit que la dissertation est remise en cause. En même temps je comprends bien qu’entre Internet et la dissertation, le lien ne saute pas aux yeux peut-être, pour un pédagogue aujourd’hui.
On peut penser que le fait de ne travailler que par images aura des conséquences sur la manière d’envisager d’enseigner, par exemple, les mathématiques.
La réponse est difficile parce que nous manquons de recul et que c’est plutôt un phénomène auquel il faut s’attendre qu’un phénomène déjà en place. Pour l’instant, grosso modo, il n’y a pas de chamboulement dans la manière d’enseigner.
Il est vrai qu’il vaut mieux anticiper plutôt que, dans dix ans, se rendre compte qu’on a mal pris le virage.
Les élèves refusés. J’ai évoqué le nombre important – on n’avait jamais fait un effort identique pour Paris et l’Ile de France – de professeur recrutés. Mais je crains que des élèves soient encore refusés faute de place.
Notre problème n’est pas seulement les postes, c’est l’immobilier. Nous avons payé très cher le fait que la révision de la loi Falloux ait échoué. Politiquement nous sommes dans des situations bloquées sur des grandes décisions. Les uns gardent un très mauvais souvenir des grandes manifestations de 1984. Les autres, nous, gardons un très mauvais souvenir de cette révision ratée de la loi Falloux. En termes politiques, cela fait match nul.
Aujourd’hui, quel que soit le Gouvernement, je ne vois pas comment nous avancerions sur cette question de l’immobilier. Les aides de l’État concernent d’abord la rémunération des enseignants et des forfaits d’externat ou forfaits communaux ou départementaux qui couvrent légalement les frais de fonctionnement d’un élève dans l’établissement mais ne couvrent pas les frais d’investissement immobilier. Donc, cela passe par les familles. Si jamais se continue ce phénomène que les journaux ont peut-être exagéré l’an dernier en parlant de « ruée vers le privé » (je ne dirai pas de “ruée” mais de “pression” sur le privé) le problème de l’immobilier s’accentuera.
Sur la mixité, je vous ai bien entendu. Vos réactions confirment que c’est une question que l’on ne peut plus taire.

Henri Hude : Monsieur le Secrétaire général, je suis directeur d’un établissement, « Stanislas », dans le VIe arrondissement.
Vous avez parlé de discerner des besoins non satisfaits. Il y en a beaucoup et les prêtres présents dans l’assemblée pourraient parler des besoins spirituels. Je dirai, sur un plan plus laïc, il y a un besoin de relancer l’ascenseur social et un besoin d’humanisation de la technologie.
Sur le besoin d’humanisation de la technologie. Des produits nouveaux viennent de sortir, il y a quelques semaines à peine. Le constructeur IBM lance Think scribe ou Think pad. Il s’agit de surfaces électroniquement actives sur lesquelles vous écrivez de telle sorte que le texte écrit à la main peut rester tel quel non seulement sur papier mais encore sur support électronique. Vous avez diverses possibilités de traiter le texte écrit de la même façon que l’on traite aujourd’hui le texte imprimé. Ce produit se présente, non pas comme un portable classique, mais comme un livre ou un grand cahier. A gauche, vous avez une page où l’on peut afficher ce qu’on veut et à droite, une page où écrire. Ainsi vous avez dans un seul objet, à la fois un livre et un cahier. Nous avons là la possibilité d’insérer la culture de l’écrit, donc de la réflexion, à l’intérieur d’une pédagogie qui utilisera la puissance considérable de calcul et de traitement qui est celle de l’électronique. De telles innovations me paraissent extrêmement prometteuses.
Concernant l’ascenseur social. Je suis Directeur d’un établissement bourgeois. Lorsque les gens me disent « vous êtes Directeur d’un établissement bourgeois », je présente le CCP des Anciens élèves qui fait des bourses aux élèves nécessiteux et je dis : « commencez par me faire un chèque et nous continuerons cette discussion après ». On ne peut s’en tenir à ce genre de réponse. Supposez qu’un établissement comme le mien veuille ouvrir une annexe dans un endroit impossible, la Goutte d’Or ou des coins perdus de la Seine-Saint-Denis. On pourrait avoir une éducation différenciée en primaire, puis au collège avec des possibilités de remédiation et ensuite, on pourrait insérer, intelligemment, dans des lycées de qualités des élèves au niveau de la seconde ou de la première.
Si nous trouvions des financements privés, ce ne serait pas difficile. Mais celà resterait une réalisation ponctuelle. Avec le système existant, et notamment avec les programmes uniques et les systèmes de financement que nous avons, on ne peut faire plus. Ce qu’il est possible de faire à la marge, est-ce qu’il est possible de le faire exister d’une manière un peu plus générale ? Est-ce qu’on peut avoir les moyens d’une école qui veuille assurer la mobilité sociale et la cohésion sociale, mais d’une manière suffisamment différenciée et avec les moyens pédagogiques et financiers adaptés ?

Chantal Lebatard : Ma question porte sur la liberté du Chef d’établissement, de recruter ses collaborateurs, non enseignants et enseignants, sur leur adhésion au projet éducatif, de les sélectionner sur une formation et une valeur humaine qui dépassent les seuls critères académiques, afin de mieux pouvoir assurer au long cours la cohérence du projet éducatif de l’établissement dont il a la responsabilité.

Gilbert Sibieude : Quelle est la marge de manœuvre réelle d’un chef d’établissement ? Pour illustrer ma question, quelques exemples :
1 – Avez-vous le choix de la méthode d’apprentissage de la lecture en 11e, 10e, méthode globale ou semi-globale, ou autre méthode ?
2 – En ce qui concerne le redoublement d’une classe ; dans les établissements publics il est quasiment limité à un redoublement dans le cycle, ce qui fait que des enfants grimpent sans rien savoir. Qu’en est-il dans l’Enseignement Privé ?
3 – Etes-vous présents en ZEP ? Et comment cela se passe-t-il ?
4 – Enfin, je voudrais savoir si, lorsque vous parlez Enseignement catholique, vous incluez l’enseignement catholique hors contrat ?

Hervé de Kerdrel :Juste une question, que vous avez déjà esquissée, sur les moyens financiers de l’Enseignement catholique. Est-ce que vous estimez qu’il y a des risques à court terme sur ces moyens financiers ? Je pense aux problèmes de l’entretien de l’immobilier, je vois tel grand collège qui vend à l’encan aux marchands du Temple ses sous-sols, est-ce que ce sont des phénomènes qui doivent se développer et est-ce que c’est représentatif d’un vrai risque pour les finances de l’Enseignement catholique ?

Gabriel Blancher : Monsieur le Secrétaire général, vous avez brillamment exposé la spécificité de l’Enseignement catholique par rapport à l’Enseignement Public. Comment, par ailleurs, envisagez-vous leur complémentarité ?

Paul Malartre : Il y a les établissements en ZEP et les établissements reconnus classés en ZEP. C’est une première distinction à opérer. L’Enseignement catholique a dû attendre l’an dernier pour se voir reconnaître un classement d’établissement en ZEP : 7 à Marseille, 3 en Seine-Saint-Denis, 1 à Perpignan. Pour la Seine-Saint-Denis, cela a duré 3-4 mois, cela m’a valu ma première réaction publique comme nouveau Secrétaire général car, comme 50 personnes ont défilé à Bagnolet, un samedi matin, pour protester contre le classement en ZEP d’établissements catholiques, le Recteur est revenu sur cette décision et le Ministre, qui, à l’époque, était Madame Royale est revenu sur sa signature. Ce qui n’empêche pas que nous avons beaucoup d’autres établissements catholiques en zone d’éducation prioritaire. À Saint-Étienne, ville industrielle, j’ai vu un travail remarquable des Jésuites par des Écoles de Production dans des zones très populaires qui étaient largement des ZEP, mais on ne le dit pas. Si vous vous promenez dans certaines rues de Roubaix ou de Tourcoing vous verrez une présence forte de l’enseignement catholique dans ces quartiers.
Reconnaissons quand même – on a essayé de jouer la transparence – que, proportionnellement, l’Enseignement catholique est moins présent dans les quartiers difficiles que l’Enseignement public.
Pour les implantations, pour répondre à Monsieur Hude, je serai prêt à en rediscuter, à réexaminer les dossiers.
Je vais avancer une petite idée qui rejoint la question sur l’Enseignement catholique hors contrat. Je n’ai parlé que de l’Enseignement catholique sous contrat. S’il y a un établissement hors contrat dans son diocèse, l’évêque le reconnaît-il comme établissement catholique d’enseignement ? Il ne m’appartient pas d’y répondre.
A propos du hors contrat, j’irai presque jusqu’à penser, que si nous sommes sûrs d’avoir une idée pertinente, dans le sens de nos Fondateurs, je me demande si l’Enseignement catholique au plan national ne doit pas trouver les moyens pendant un temps, de le faire hors contrat. Je vous en parle parce que j’ai eu l’expérience de l’ouverture d’une classe pour enfants autistes. C’est une bonne idée, parce que, s’il y a des élèves non scolarisés aujourd’hui, ce sont bien les enfants autistes. L’administration nous la refuse. Finalement on l’a ouverte quand même, mais hors contrat, avec des sponsors. Un an ou deux après, elle a été mise sous contrat. La pression politique de l’opinion publique a été telle que cela s’est débloqué.
Sur l’humanisation de la technologie, rejoignons ce que vous avez dit, Madame, c’est une invitation très forte. J’ai lu quelques articles, ils commencent déjà à se contredire. Ce que j’entends surtout c’est « n’ayons pas peur de ces technologies », comment les intégrer en gardant la maîtrise de l’acte pédagogique ? Concrètement, on va voir comment cela se passe en classe et c’est là qu’on manque de recul.
Par rapport à la liberté de manœuvre d’un Chef d’établissement, elle est assez différente selon les cas de figure sur lesquels vous avez questionné.
Sur le redoublement, nous devons appliquer les textes en vigueur dans l’Enseignement public.
Par rapport aux méthodes pédagogiques de lecture : oui. Il y a autonomie de l’établissement. Ce qu’il faut, c’est arriver à l’objectif du programme, que l’enfant sache lire au moins à la fin du CP. La manière d’y arriver va être contrôlée par un inspecteur pédagogique.
Le fond de ma pensée c’est que, quelquefois, la Loi Debré, le contrat avec l’État, nous a servi d’alibi pour ne pas être très audacieux. L’Enseignement catholique est loin d’avoir exploité toute la marge d’autonomie que lui laisse quand même le contrat avec l’État. La loi Debré est très brève ! Ce doit être une bonne loi.
Pour le recrutement des enseignants, il y a une différence entre l’esprit et la pratique. L’esprit c’est que le Chef d’établissement est libre de constituer son équipe enseignante. Aujourd’hui nous le pouvons moins. Les enseignants sont eux-mêmes organisés en syndicats. L’Enseignement catholique, depuis maintenant une trentaine d’années, s’est doté de textes internes pour assurer la sécurité de l’emploi des enseignants. Si une classe ferme dans un collège, l’enseignant sous contrat victime de cette fermeture de classe est prioritaire pour la réembauche dans un autre établissement. Cela est déjà une entaille importante dans la liberté de choix du Chef d’établissement de constituer son équipe enseignante.
Cette liberté de recruter va être de plus en plus collégiale. Comme nous savons que, pour des raisons syndicales ou autres, des enseignants vont aller d’un endroit à un autre ; nous avons aussi de plus en plus des suivis de conjoint de par les mobilités professionnelles.
A mon avis, la question se pose en amont, au moment du recrutement. Je souhaite que les Commissions académiques de l’Enseignement catholique prévues pour ce recrutement exercent à ce moment-là la vigilance nécessaire. Pourquoi ? Pour se dire que tel jeune que l’on accueille dans l’Enseignement Catholique n’ira pas seulement, et de moins en moins, dans tel établissement, mais il rentre dans l’Enseignement catholique. C’est en ce sens-là que j’emploie le mot collégial.
La question de la complémentarité. Merci de la poser ! Elle nous invite à rechercher la complémentarité.
J’espère que vous avez compris, tout au fil du propos, que je n’ai pas voulu du tout nous situer en termes comparatifs avec l’Enseignement public. Je n’ai pas voulu dire que nous étions meilleurs. En vertu de quoi ? Je n’ai pas non plus dit que nous étions moins bons. En vertu de quoi ? Différents et complémentaires.
Le mot de complémentaire a évoqué pour moi immédiatement la notion de laïcité, mais d’une laïcité qu’on peut souhaiter ensemble intelligente et ouverte. C’est une des richesses françaises. J’ai été invité en Afrique pour parler à 17 pays francophones de la loi Debré, devant 8 évêques et 17 collègues Secrétaires généraux de l’Enseignement catholique de leur pays. Il n’y a qu’une chose qu’ils ne comprennent pas, c’est la laïcité étroite. Mais une laïcité, telle que nous la comprenons, c’est qu’un système éducatif doit permettre le pluralisme scolaire et que nous respectons – bien sûr, cela va de soi, mais je le précise – tout autant les enseignants de l’Enseignement public et les parents qui choisissent l’enseignement public. L’Église a toujours eu ce discours pour dire qu’elle ne privilégie pas tel ou tel. Ce qui est important c’est la fidélité de l’Enseignement catholique à son projet éducatif. Mais nous sommes aussi attentifs à ce que, dans l’Enseignement public, puissent exister des propositions d’aumônerie. Sur ce plan pastoral, nous sommes ensemble. C’était très typique et réjouissant de voir tous ces jeunes aux J.M.J. qui arrivaient de l’Enseignement catholique, mais aussi de l’Enseignement public.
Je crois beaucoup en une laïcité qui fait place à un Enseignement catholique lui-même respectueux. Si nous le sommes et si l’Enseignement public nous respecte, nous aurons gagné une belle partie. Aujourd’hui, après tout ce qu’on a dit, les enjeux éducatifs sont tels qu’Enseignement public et Enseignement catholique ne sont pas de trop pour les relever, chacun avec son identité.

Le Président : Cher Monsieur, nous partons avec deux grandes joies :
1 – de voir l’Enseignement catholique entre des mains fermes, convaincues : les vôtres !
2 – Et nous sommes heureux de voir cet Enseignement catholique assurer la présence de l’Eglise et donc de notre Foi dans cette société qui en a tant besoin.

Vivent vos prochaines Assises !