par l’A.E.S.

Conformément à l’un de ses buts : « perfectionner l’éducation de l’enfance et de l’adolescence », l’A.E.S. se devait de consacrer un cycle d’étude à la situation actuelle de l’Education nationale. Elle en a étudié les aspects préoccupants : échec massif, profonde altération du climat des établissements scolaires, désenchantement des élèves, des maîtres et du public, perte de confiance dans ce qu’on peut attendre de l’école. Son objectif était non de conclure par ce constat négatif, mais de présenter, en vue de l’avenir, des propositions constructives. Elle l’a fait en adhérant à la générosité et à la valeur de l’objectif envisagé : instruire et éduquer tous les enfants qui vivent en France. C’est dans cet esprit qu’elle présente les conclusions suivantes.

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I – Pas d’éducation possible sans une idée de l’homme :
On ne construit pas sur le vide. Tout grand système éducatif est nourri d’une idée de l’homme. La France est héritière d’une grande tradition judéo-chrétienne et humaniste. Les exigences de la modernité ne peuvent pas faire rayer des programmes ces éléments fondamentaux, sans créer une rupture culturelle déstabilisante et injustifiée. Tout éducateur, tout parent se doit, aujourd’hui, d’avoir une formation suffisante en sciences humaines pour enrichir sa connaissance de l’homme et se délivrer d’un certain nombre d’erreurs concernant l’autorité, la responsabilité, la culpabilité, l’interdit, le désir, les ressorts du vouloir, le bon usage de la liberté, la nature humaine qui retentissent actuellement dans l’éducation.

L’éducation ne peut vivre que d’une grande idée de l’homme. Cet impératif est politique, nul ne relèvera la tête s’il se considère comme un singe évolué ou un super-ordinateur. En revanche, l’homme est fier de se penser comme éminemment respectable, libre et digne, sujet de droits et soumis à ses devoirs. Aucun projet éducatif reposant sur une conception purement matérialiste de la société ne peut être accepté.

II –L’école doit se voir assigner des finalités claires et positives
Nous connaissons les critiques dirigées aujourd’hui contre le savoir : il est instable, il ne rend pas meilleur. L’A.E.S. maintient, cependant, que l’ignorance constitue un lourd handicap dans l’édification des personnalités et reconnaît, comme finalité essentielle à l’école, d’instruire et de civiliser en instruisant.

Elle estime aussi que, si la laïcité, en tant que telle, ne peut pas choisir et imposer un modèle achevé de l’homme, elle repose sur un très large consensus des citoyens sur les comportements, le savoir-être et le savoir-vivre, la volonté de travail, le respect dû à chacun, l’honnêteté, la pudeur, le souci du bien commun, l’acceptation des lois et règlements nécessaires au travail et à la vie communautaire, qu’il convient de poser comme des impératifs de la vie scolaire et de la formation civique. Le relativisme moral et le scepticisme désabusé qui sont fréquents dans la société contemporaine ont rendu la tâche des éducateurs impossible.

III – L’A.E.S. propose une restauration de la relation éducative qui doit se construire non sur le conflit mais sur la confiance et l’amitié, et une remise en honneur solennelle du règlement intérieur, qui est une base indispensable de l’éducation civique : il n’y a pas de société sans loi.

IV – Remédier à l’échec scolaire
Un climat scolaire paisible n’est possible que si l’école est source d’espérance, suscite l’intérêt et conduit au succès. Sauf handicap mental lourd, tout le monde doit pouvoir apprendre à lire, à écrire et à compter. Ces acquisitions, nécessairement progressives, doivent comporter des progrès immédiats et journaliers. Pour les obtenir, il faut recourir à des méthodes éprouvées. On doit savoir lire et écrire en un an, exécuter les quatre opérations et résoudre un problème simple à la fin de l’école élémentaire. Le succès scolaire au départ est impératif. L’échec dans les premières années discrédite l’institution et décourage à jamais les écoliers.

V – Remédier à l’inadaptation scolaire
Si la généralisation de la scolarité jusqu’à seize ans a souvent conduit à la réussite, il y a eu, il y a toujours un nombre important d’élèves déçus, inadaptés, mécontents, révoltés. « L’inappétence scolaire », le refus scolaire sont des phénomènes bien connus dans l’Education nationale. Les demandes d’un enseignement autre, plus concret, plus près du réel et de l’actuel se sont fréquemment exprimées. Le même enseignement offert à tous au-delà du savoir de base est une erreur. Dès le début de l’adolescence, les goûts, les intérêts, les personnalités se différencient, créent des attentes, motivent des refus. L’Education nationale ne l’ignore pas, mais, par une conception idéologique de la justice, elle a offert et persiste à offrir le même enseignement à tous et tend à sacrifier à cette conviction irréaliste le savoir lui-même. Une différenciation des programmes et des activités offertes s’impose rapidement à la fin de l’école élémentaire. Les formes d’intelligence sont diverses. Certains élèves s’épanouissent dans le faire et d’autres dans le dire. Le collège unique doit être condamné.

VI – Satisfaire une ambition légitime : la réussite sociale.
Les vingt-cinq années de pesant chômage que nous venons de traverser ont contribué à dévaluer l’institution scolaire. La préparation à l’emploi ne doit pas prévaloir sur la joie de connaître. Une opposition entre l’une et l’autre n’en est pas moins dangereuse. L’école doit ouvrir les possibilités de réussite sociale. Une saine ambition doit être entretenue chez les écoliers. Mais l’ascenseur est une mauvaise image promotionnelle. L’éventail en est une beaucoup plus réaliste. Il y a d’innombrables formes d’excellence. A chacun de trouver la sienne, avec les conseils de maîtres clairvoyants, dans un système ouvert et diversifié. Y a-t-il lieu de regretter de n’être pas bachelier si l’on est « meilleur ouvrier de France » ? Considérer les orientations technologiques ou manuelles comme un pis-aller est un préjugé à combattre vigoureusement car il est tenace.

VII – Ne pas demander à l’école plus qu’elle ne peut donner

1 – Le temps scolaire est actuellement écourté et morcelé. Tel qu’il est conçu, il ne peut pas prendre dans la vie des élèves la place prépondérante qu’il devrait avoir.

2 – Qu’il s’agisse de la transformation qui s’est effectuée du surveillant général en Conseiller d’éducation ou de la multiplication, dans les lycées et les collèges, des assistantes sociales et des infirmières, d’importantes questions se posent sur le droit d’intervention de ces différents acteurs quand il s’agit, pour les élèves, de choix moraux intimes qui ne relèvent que de la conscience personnelle. L’enseignement de l’éducation sexuelle est totalement à repenser.

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L’A.E.S. pense avoir rempli sa mission en concluant que l’éducation des enfants est l’affaire de tous et en mobilisant les volontés à ce sujet.

Il faut mener à bien le projet initial : instruire au moins jusqu’à seize ans, c’est-à-dire jusqu’au seuil de l’âge adulte, tous les enfants. L’Education nationale est loin d’être seule responsable de tous ses malheurs actuels. L’état de notre société contribue pesamment à ses difficultés de fonctionnement et nous pourrions dire, en un sens, l’état du monde, car les phénomènes que nous déplorons ne sont pas exclusivement français. La première éducation ne se donne pas à l’école mais dans la famille et dans la société. Si ces deux milieux se désintègrent, si les enfants n’y trouvent pas, dès le plus jeune âge, quelque modèle de comportement et de savoir-vivre, ils changeront l’école avant que l’école ne les change.

Nous avons donc tous besoin de réfléchir en profondeur, sans fermer les yeux, sur nos responsabilités personnelles. Cela dit, une chose est indispensable en vue des prochaines échéances électorales : chaque citoyen doit exiger des candidats qu’ils expriment des idées claires sur le grave problème de l’éducation. Comme la question est complexe, dégageons les points sur lesquels tout se jouera :

1. Définir les finalités de l’école :
Instruire et civiliser en instruisant ; et non façonner un homme nouveau, répondant à un projet de société.

2. Préciser le contenu et les limites de l’éducation laïque en reconnaissant expressément les droits de la famille. Harmonisation des compétences entre l’école et la famille.

3. Assurer à tous les savoirs fondamentaux.
Différencier la formation :
Permettre à chacun d’acquérir une formation adaptée à ses goûts et à ses possibilités.

4. Valoriser les différentes formes d’enseignement y compris les disciplines manuelles.

5. Offrir des chances de perfectionnement par des passerelles.
Donner une chance aux élèves qui, après avoir quitté prématurément l’école, éprouveraient le besoin d’un complément d’étude.

6. Mieux employer les loisirs :
Intégrer les loisirs dans l’éducation des jeunes.