Par Pierre-Patrick Kaltenbach, Magistrat à la Cour des comptes et président des Associations familiales protestantes
Édouard Secretan : On m’a confié l’honneur et la responsabilité de présenter le Président Kaltenbach à ceux qui ne le connaîtraient pas déjà en raison de ses nombreuses activités dans des domaines qui sont aussi, souvent, ceux de l’Académie.
Mais avant, permettez-moi de saluer la présence de Madame Kaltenbach, professeur de sciences, qui collabore aux travaux de son mari et qui a elle-même écrit, avec Michèle Tribalat, un livre paru chez Gallimard en 2002 : La République et l’Islam, entre crainte et aveuglement, livre qui a reçu le prix de l’Académie française et de l’IHEDN.
Né à Paris en 1936, Pierre-Patrick Kaltenbach a quatre enfants et sept petits-enfants.
Il est licencié en droit, diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris et ancien élève de l’ENA, promotion 63-66.
La diversité de sa carrière est telle que tout en dire serait retarder le moment de l’entendre. Aussi nous bornerons-nous à l’essentiel.
De 1966 à 1977, comme administrateur civil, il remplit diverses fonctions au ministère des Travaux publics et des Transports ; au secrétariat général de la Marine marchande, au ministère de l’Aménagement du Territoire aux côtés du ministre Christian Bonnet.
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De 1976 à 1979, il est Vice-Président de l’UNAF.
En 1977, il entre à la Cour des Comptes comme Conseiller référendaire.
Dès 1984, il préside l’Association des familles protestantes.
De 1986 à 1989, il est Président de l’INED.
De 1986 également à 1990, il est Président du FAS, le Fonds d’Actions Sociales pour les travailleurs immigrés et leurs familles.
Dès 1987, il est membre de l’importante Commission de la Nationalité, la Commission Marceau Long.
En 1990, il crée “ Entreprendre en France”, un organisme qui a pour but d’aider à la création d’entreprises par caution des personnes issues de l’immigration.
Conseiller-Maître à la Cour des Comptes depuis 1991, il préside, dès 1994 le Comité de gouvernance de l’Union des Familles musulmanes dont il a suscité la création.
Depuis 1995, il est Président du Comité de certification BVQI (Bureau Veritas Quality International), pour le secteur associatif.
En 2002, il entre dans le Comité d’éthique entrepreneuriale du MEDEF et dans l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.
Conseiller maître honoraire de la Cour des Comptes en 2005, il est nommé la même année membre de la Commission consultative des Droits de l’Homme.
Ses activités nombreuses, comme vous le voyez, n’empêchent pas le Président Kaltenbach d’écrire. Là aussi, on ne peut citer tous les titres. Notons les suivants :
• La famille contre les pouvoirs, de Louis XIV à Mitterrand, paru en 1985 ;
• La France, une chance pour l’Islam, paru en 1991, en collaboration avec son épouse. Pierre Chaunu est l’auteur de la préface de ce livre.
• Associations lucratives sans buts, paru chez Denoël en 1995 ;
• Tartuffe aux Affaires : génération morale et horreur politique, aux Éditions de Paris, 2001.
De tous les articles sur l’Islam, je retiens celui qui a pour titre “Pour un Islam réformé de France”.
La diversité de ses activités ne signifie pas dispersion. Leur seule énumération révèle une préoccupation centrale : la famille, non seulement française mais aussi immigrée, en particulier la famille musulmane.
Le Président Kaltenbach en analyse tous les aspects, tous les problèmes, avec la rigueur du calviniste et du magistrat de la Cour des Comptes.
Il y a un dernier élément de cette biographie que je voudrais citer car il complète et illustre bien la personnalité de Pierre-Patrick Kaltenbach.
Il figure en bas de sa notice du Who’s Who, à la rubrique “sports” : ski et alpinisme, c’est-à-dire hauteur et rapidité.
En effet, Monsieur le Président, vous aimez les sommets d’où l’on domine le paysage et peut trouver plus facilement des solutions d’ensemble, pour partir ensuite à fond de train, ou plutôt à fond de ski, afin de ne pas rester au-dessus des nuages et de passer aux réalisations que vous proposez, nettes et claires, comme le Français sait les trouver quand il en a la volonté.
C’est pourquoi l’Académie a considéré que l’apport de vos réflexions, avis et solutions seraient précieux et contribueraient utilement à enrichir notre propre recherche.
Tout, hélas, ne peut être dit dans les limites de notre réunion sur un sujet aussi considérable.
Mais nous vous serons reconnaissants de nous aider à nous y retrouver dans la complexité de la situation actuelle, j’allais dire : d’en séparer le bon grain de l’ivraie, et de nous expliquer en quoi la France est une chance pour l’Islam.
Pierre-Patrick Kaltenbach : Vous avez souhaité savoir si la thèse adoptée dans notre livre « La France une chance pour l’Islam » publié en mars 1995 restait à nos yeux pertinente.
La réponse est « oui » sous deux réserves majeures. Ce que nous appelions Islam hier n’a plus rien à voir avec les réalités que recouvre actuellement ce terme ; et surtout, l’état de la France et du monde n’a plus rien à voir avec celui qui prévalait, il y a quinze ans.
Oui, la France offre toujours aux fidèles musulmans sincères et pieux l’occasion unique au monde de compromettre entre eux, de surmonter des divisions ethniques, géographiques, politiques et religieuses, hier et ailleurs, sources d’affrontements sanglants. Oui, la France offre aux musulmans, ici divisés et minoritaires, l’occasion unique de compromettre avec une population fortement majoritaire unanime dans sa volonté de démocratie, de laïcité et d’égalité de la femme.
Oui, la France est tenue par son histoire et sa géographie de maintenir la paix avec le Maghreb et au Maghreb, et de cette contrainte, il lui faut faire un atout.
Mais encore faut-il que la démocratie française retrouve une vigueur émoussée par un affaissement intellectuel, moral et politique qui perdure. Encore faut-il que les musulmans de France se chargent d’éradiquer le poison politico intégriste qui n’a plus de religieux que l’emballage et les ingérences étrangères.
En un mot, la question de l’islam en France, ou de France, a cessé d’être une question religieuse au sens où l’histoire nous l’a enseignée. Et cette seule considération éclaire l’actuel désarroi des églises officielles face à l’immigration maghrébine.
L’explosion des banlieues nous aide à comprendre la situation créée par le discours et les pratiques relativistes des milieux qui de l’immigration font métier notamment sous statut associatif.
Parce que la ligne de feu et de sang courre désormais de Jérusalem aux Minguettes, il n’est plus possible de traiter de d’Islam, sans parler des banlieues.
La crise des banlieues a-t-elle des causes françaises ?
L’affaissement intellectuel et moral de la démocratie française depuis 1980
Une crise éducative et familiale, intellectuelle et morale aggrave la fracture politique : voici le bilan le plus désastreux de la « Génération Morale » aux affaires depuis 1980.
Le brûlot « Dictatures-Jérusalem-Pétrole-Islamisme » change de nature les difficultés d’intégration de populations d’origine majoritairement maghrébine et partant l’intelligence que l’on peut avoir de la crises des banlieues comme de la question religieuse, et des solutions qui s’imposent.
Contrairement à la volonté relativiste des « falsificateurs de préférences » , il devient vital de nommer et définir les causes françaises de l’incendie pour ouvrir enfin le débat interdit depuis le début des années 1980.
C’est ce que disait Laurent Greilsamer : « En n’osant plus utiliser les mots les plus simples, en refusant de nommer, de désigner les personnes pour ce qu’elles sont – Noires, musulmanes, juives, etc. – une partie des élites participe au brouillage général. C’est le règne du politiquement correct. Certains mots brûlent ; on les évite ; on s’étonne presque de les trouver dans le dictionnaire.
La peur des mots est caractéristique d’une volonté d’échapper au réel, de le contourner coûte que coûte. La crise des banlieues, en novembre 2005, est passée par là, sans compter les attentats du 11 septembre, de Madrid et de Londres. Le multiculturalisme est devenu le grand tabou de la France d’aujourd’hui. »
« Il n’y a pas de violences, mais des incivilités, il faut taire les violences dans les lycées pour ne pas nuire à l’image de l’établissement, il faut taire l’écart entre les violences réelles et les violences statistiques (Police et Justice). Ne rien stigmatiser : les banlieues, les maghrébins, les noirs. Ne rien avouer : le désastre de la politique de la Ville, l’échec des ZEP, des services de protection de la jeunesse. Les « jeunes » sont victimes, martyrs….ce qui légitime une « contre culture » de guérilla urbaine contre la société de consommation et sa police racisante. L’exploitation de l’idéologie sécuritaire empêche de privilégier la seule politique qui vaille : la prévention, au profit de la répression qui alimente et légitime l’incendie. Les délinquants deviennent les victimes de flics voyous ».
Le tout racisme est partout. Et comme si cela ne suffisait point voici l’anticolonialisme sans colonies et la suppression de l’esclavage sans esclaves. Le citoyen redoutant pareille disqualification morale et sociale en vient à se taire … jusqu’à ce que les élections viennent démentir les sondages… Nous avons eu un séisme en 2002, nous aurons un tsunami en 2007.
Dire cela expose l’imprudent à des sanctions sous forme d’isolement social, de dénigrement, de stigmatisation, voire même de représailles salutaires, économiques ou politiques. C’est que la remise en cause de cette falsification compromet les bénéfices de ceux qui en tirent avantage et en font métier. Ainsi, pour préserver la bonne image de son établissement, la directrice d’un lycée peut-elle qualifier le viol de l’une de ses lycéennes de « fait divers ponctuel ».
Partons de la thèse bien-pensante sur l’immigration, la thèse centrale de l’immigrationnisme, telle qu’elle est formulée dans le langage politique ordinaire : l’immigration serait un phénomène à la fois inéluctable et positif. C’est là une thèse étrange, qui a pour conséquence de fermer la discussion qu’elle semble ouvrir. Si l’immigration est inéluctable, au point d’incarner une fatalité, il n’y a qu’une politique possible : celle de l’adaptation au processus fatal. C’est là reconnaître en la matière l’impuissance radicale du pouvoir politique, dont l’exercice se réduit nécessairement à reconnaître et accepter cette figure du destin.
Les dirigeants politiques n’ont plus rien d’autre à faire que contempler et commenter l’irrésistible processus. Disparition de l’action politique, effacement de la volonté politique, annulation de la liberté de faire des choix : avènement de l’impolitique. Si, en outre, l’immigration est un phénomène intrinsèquement positif, alors il faut se réjouir devant l’inéluctable, et tout faire pour éliminer les obstacles, limites et autres restrictions susceptibles d’empêcher la totale liberté des candidats à l’immigration de venir s’installer dans le pays de leur choix. Le destin prenant le visage bienveillant de la Providence, la politique de l’immigration ne peut qu’être de style abstentionniste. Il faut commencer par exclure tout projet de réglementation de l’immigration incluant une sélection des immigrés. Si l’immigration est un bien commun de l’humanité, il faut la favoriser par tous les moyens. L’acteur politique ne peut plus être qu’un spectateur qui applaudit au réjouissant spectacle, quitte à en faciliter le déroulement.
Le droit d’immigrer dans un pays de son choix, sans restriction, s’inscrit dès lors sur la liste élargie des droits de l’homme. Ceux qui prononcent une telle série de jugements en arrivent logiquement à en déduire que les États-nations supposés résiduels doivent faire appel à l’immigration, en attendant leur disparition dans la « post histoire » ouvrant l’âge du post national, celui de la paix universelle. Dans la démocratie cosmopolite de l’avenir, il n’y aura plus ni nationaux ni étrangers, ni citoyens ni immigrés. Tous les humains seront intrinsèquement mobiles. L’indifférenciation sera la règle.
Revenons dans le monde social réel, régi par les calculs d’intérêts. Des arguments d’appoint, d’ordre économique et démographique, viennent vite renforcer la conjonction de l’inéluctable et du positif dans la figure rêvée de l’immigration. En premier lieu, on lance comme un fait scientifiquement établi qu’il y a une corrélation positive, un « cercle vertueux », entre l’immigration et la croissance. On donne en général l’exemple des Etats-Unis, exceptionnellement érigé en modèle, en oubliant les nombreux contre-exemples, à commencer par celui du Japon. En second lieu, on avance que le vieillissement et la stagnation de la population des pays de la Vieille Europe sont tels qu’il faut impérativement faire appel à des immigrés dont le taux de natalité pourrait seul compenser le déficit démographique.
L’immigration est ainsi justifiée au nom des intérêts bien compris des peuples d’accueil. Les dirigeants politiques, voués à ouvrir les bras au monde, n’ont plus rien à faire que dire et redire avec l’émerveillement requis : « L’immigration est une chance pour la France ». Certains croient y voir la main de la Providence. L’immigration, ajoute-t-on pour convaincre les adeptes de la néo religion de la diversité, est une « richesse ». Il serait donc vain de distinguer entre une immigration « subie » et une immigration « choisie ». C’est ainsi que de l’utilitarisme naît un supplément d’utopisme.
Mais il s’agit encore de faire taire définitivement les objecteurs et les récalcitrants, d’empêcher jusqu’aux murmures discordants. C’est à ce point que le moralisme est sollicité de diverses manières. D’abord sur la base d’une instrumentalisation de la compassion pour les pauvres et de l’indignation face à la misère humaine : « Il y a tant de pauvres dans le monde que nous devons les accueillir ». À gauche et à l’extrême gauche, les nouveaux tiers-mondistes décodent le message sur la base du postulat que « l’islam est la religion des pauvres », et en tirent une conclusion pratique : les immigrés de culture musulmane, transfigurés par leur pauvreté supposée et l’exclusion qu’ils sont censés subir, doivent être traités en hôtes privilégiés. La vertu chrétienne de charité se conjugue avec le devoir d’hospitalité sans limites pour donner un fondement d’allure morale à l’ouverture.
La rhétorique sentimentale remplace ainsi le courage politique. La générosité abstraite, au nom des grands principes et des bonnes intentions, chasse tout souci de responsabilité. Car après l’ouverture, comment faire pour intégrer les nouveaux arrivants, alors que la « société plurielle » qui s’annonce offre le spectacle d’une fragmentation conflictuelle ? L’éthique de la conviction, surtout si elle est forcée, n’est pas une politique. Si la mauvaise conscience de l’Occidental supposé nanti n’est pas suffisamment réveillée, une deuxième salve de moralisme peut être tirée sous la forme d’un chantage du type : « Si vous refusez l’ouverture totale des frontières et la régularisation de tous les sans-papiers qui en font la demande, alors vous êtes mû par la peur de l’autre, vous êtes atteint par le virus de la xénophobie ou du racisme. »
L’effet d’intimidation est ici maximal. L’impératif place le coupable potentiel devant un dilemme : « L’immigration, tu l’aimes et tu l’acceptes, ou bien tu es raciste et traité comme tel. »
L’occidental soupçonné de « racisme », terrifié à la seule perception vague de la mort sociale qui le menace, va donner des gages à ses accusateurs en se présentant comme un chaud partisan de l’immigration providentielle. Tel est le grand chantage des bien-pensants. Il a pour principal effet de transformer la politique en une impolitique, et, ce faisant, de désarmer les nations démocratiques face aux nouvelles menaces.
Le facteur religieux ?
NON : Les mosquées n’ont pas bougé car elles sont fréquentées majoritairement par les parents et grands-parents. Les organisations « représentatives » sont restées discrètes ou muettes. On n’a vu ni défilés avec drapeaux algériens, palestiniens, Marseillaise sifflée, ni filles voilées, ni Intifada, ni pogrom.
OUI : La question religieuse court souterraine, mais sa source est au Moyen-Orient. Pour les anciennes générations originaires d’Afrique, un islam originel, rural, élémentaire, semi-supersticieux, identitaire de passé (colonisation, humiliation..) semble transmetteur de ressentiment voire de haine historique certes mais finalement pacifique. Pas facile pour un Algérien d’expliquer à ses fils pourquoi au moment même de l’indépendance, ses parents se sont rués vers une France haïe ; pourquoi les héros moudjahid et « martyrs » d’hier finissent aujourd’hui dans l’exploitation clanique éhontée de la rente pétrolière, le rejet de la jeunesse, la torture, la corruption, la guerre civile et le dénigrement hargneux de la France.
L’obstacle à l’intégration, c’est aussi le fait familial et algérien, nié par les « falsificateurs », qui renvoient l’opinion au colonialisme, à la torture, et aux violences d’une police emmenée par M.Papon la nuit du 17 octobre 1961.
Autrement plus dangereux sur le plan « religieux », depuis une dizaine d’années, des incendiaires (Tarik Ramadan, divers barbus étrangers, Dieudonné, mais aussi les islamomaniaques : Wievorka, Ternissien, Geiser, Gresch, Aounit, etc. ) agitent leurs lance-flammes en direction des jeunes instructurés et autres ex « sauvageons » en voie de barbarisation.
La « question religieuse » court de Kaboul et Bagdad via Jérusalem en direction du « 93 ». N’en déplaise aux « archéos-laïcards », plus rien à voir avec 1905. Enfin pourquoi le nier, la grenade qui a explosé près d’une mosquée a servi de détonateur tout autant que la mort des deux jeunes électrocutés. Mais il ne faut pas confondre le détonateur et la poudrière.
L’immigration arabe ?
NON : L’Europe entière flambe sous la responsabilité première de musulmans : Pakistanais en Angleterre, Arabes sur le continent. Avec ses Turcs, l’Allemagne est relativement épargnée. Et ce sont des « nationaux » anglais qui tuent dans Londres, des français qui tuent au Maroc ou vont mourir à Bagdad, une jeune belge kamikaze qui se fait sauter à Bagdad aussi. La Hollande à feu et à sang impose des tests de maîtrise du néerlandais sous contrôles vocaux et locaux aux candidats à l’immigration. Le Danemark se barricade face au lynchage médiatique international. Sous une présentation « arabe », l’antisémitisme même inculte même « barbare » est de retour. Partout les « modèles » volent en éclats sous des coups de boutoir strictement politiques.
OUI : Au sein du monde occidental, la France a la plus forte communauté arabe et la deuxième communauté juive dont moitié issue des pays arabes. À deux heures d’avion de Paris, 70 millions de semi-francophones jeunes entretiennent de multiples liens avec leurs cousins en France. La rente pétro-militaire de la dictature locale aggrave le caractère « algérien » de difficultés liées au passé colonial. En cette même année 2005 une loi de février a tenté d’affirmer le côté positif de la colonisation « notamment en Afrique du Nord » ; une seconde loi de décembre a remis en vigueur l’état d’urgence de l’année si « algérienne » de 1955. En octobre 2001 des jeunes affublés de T-shirt « FLN » avaient sifflé la Marseillaise au Grand Stade avant que l’opinion découvre la charge de haine sexuelle explicite et vulgaire du Rap contre la France.
Plus récemment l’affaire des « caricatures » a semé un extraordinaire désordre politique. Alors qu’aucun groupe de musulmans français ou algériens modérés ne réagissent contre la censure intégriste, le MRAP et le Comité Français du Culte Musulman portent plainte contre France-Soir. Suivi en cela par les autorités catholiques et juives, Jacques Chirac invite au respect. Mais on apprend que les caricatures avaient été depuis longtemps publiées voire pour partie inventées au Caire et que l’Iran organise un concours de caricatures « anti-Schoa » dont les « meilleures » seront publiées dans le monde entier. Comble du désordre, l’ONU enregistre une mobilisation en vue d’interdire le blasphème. Reste que de part et d’autre de la Méditerranée, les maghrébins sont de loin les plus modernes et les plus démocrates des arabes et pas seulement les Algériens.
Facteurs économiques au sens marxiste ?
NON : Qu’il s’agisse d’urbanisme, logement chômage, logement, revenus, dans toute l’Europe les immigrés paient le prix fort. La fracture culturelle apparaît ainsi d’autant plus irrémédiable qu’elle est niée et occultée par les professionnels et les tenants du relativisme. Plusieurs régions à taux de chômage supérieur à la moyenne nationale (Bretagne, Nord-Pas de Calais, Poitou-Charente) ont échappé aux violences.
OUI : C’est la France qui en termes inter générationnels fait le sort le plus inéquitable à ses jeunes .
Le racisme et l’extrême droite ?
En aucun cas. Au reste la « falsification des préférences » produit désormais des effets exactement contraires aux intentions et objectifs de ses auteurs. D’où en 2002 le recours au terme de « séisme » face à la déroute de Jospin , le vote de Gauche pour Chirac, la montée de Le Pen dans les sondages de mai 2006.
D’abord la Droite n’a plus le monopole ni de l’extrémisme (les Trotskistes) ni de l’antisémitisme (Dieudonné et ses électeurs) ni de la xénophobie (le plombier polonais).
Ensuite les antiracistes se refusent à définir de façon distincte antisémitisme, xénophobie, racisme, discrimination en distinguant par exemple le villageois artisan du Poitou qui n’a jamais vu d’étranger chez lui, le passionné de » Chasse, pêche, nature », le patron de « night club » soucieux de la sécurité de sa clientèle, la France anti européenne de l’arrière et du désamour, le citadin devenu minoritaire dans son immeuble, ses transports publics, l’école de ses enfants, l’un des quarante mille propriétaires de voitures brûlées en 2005.Pour masquer les réalités et interdire tout débat, ils ressassent depuis quinze ans le thème de la « lepénisation rampante des esprits ». Or cette « lepénisation » ne saurait avoir que deux causes. Ou bien « il est toujours fécond le ventre de la bête immonde ! » Ou bien l’opinion en a assez d’entendre crier « au loup » pour un oui ou pour un non.
Dans cette hypothèse « cauchemar », les antiracistes de profession seraient devenus les fourriers de la lepénisation !
Depuis peu les « antiracistes » assimilent toute critique de l’islam à une islamophobie, le MRAP pourchassant Hara Kiri en justice, pour publication des caricatures danoises.
Voici le racisme définitivement déjudaïsé et l’islam assimilé à une race.
Les Anglais quant à eux s’interdisent formellement toute déviation de cette nature pour éviter d’avoir à dire ce qu’est une religion : pour eux, la race c’est la couleur. Ultime glissement sémantique, l’incitation à la violence devient un racisme et le bon peuple atterré devant l’horreur de la mise à mort d’Ilian Halimi de se demander qui de Le Pen ou de Dieudonné incite le plus à la violence ? Qui a fait un succès électoral dans les banlieues ! Qui reçoit un accueil triomphal aux Antilles !
Paradoxe final : l’extrême droite a perdu le monopole du racisme ! On peut remercier le MRAP.
Quelles spécificités françaises ?
La dislocation éducative, les familles en miettes
Les déstructurations familiales qui atteignent tous les milieux (3 millions de familles monoparentales et recomposées soit près de 25% des adultes et des enfants) affectent beaucoup plus gravement la famille immigrée musulmane et africaine dans la mesure où elles entraînent la perte du père. (Globalement, 50% des enfants voient leur père une fois par mois, 30% pas du tout).
Et cette déstructuration paternelle exerce des effets d’autant plus dramatiques qu’elle affecte des populations issues de sociétés holistes, habituées, avec le primat masculin, au contrôle familial et social, villageois, rural, clanique, religieux et policier. Face à cette situation, l’état conjugal, familial, social, culturel, idéologique des travailleurs sociaux constitue pis qu’un handicap, un obstacle à l’intelligence des problèmes comme à la mise en œuvre de solutions.
Un Boris Cyrulnik – sans citer de source – évalue la poudrière à 5 % des populations jeunes : les 10-15 ans sauvages font le guet, admirent les grands, les ados 15-25 déploient une violence absolue ; au-delà, les « grands frères » ont franchi toutes les lignes jaunes : les » sauvageons » sont devenus « les barbares ».
Et 5% de onze classes d’âge (15-25 ans) avec une moyenne de 750 000 naissances chacune, cela donnerait à terme 400 000 adolescents détruits. Selon les données de la Cour des Comptes, les enfants (de 1 an à 25 ans) issus de l’immigration constituent 14,4% (45% en Seine-Saint-Denis) de cet effectif soit 57 000 adolescents perdus dont près de moitié en Ile-de-France. Tel est le bilan de la non politique des institutions « éducatives et morales » du pays, télévision en tête. On comprend l’angoisse des maires.
Encore un mot, dans ce contexte paternel, supprimer quelque temps les allocations familiales pour manque d’autorité serait une erreur. Mieux vaut les suspendre aussi longtemps que nécessaire et réserver au père la perception des sommes cumulées.
Le « mammouth » à terre
Le « mammouth » mérite un examen spécifique à partir du rapport Obin actuellement interdit de publication (cf. ci après). Mais la situation des hôpitaux et des prisons suscite les mêmes alarmes.
L’Éducation nationale, le Service public par excellence, la sacro-sainte « École », aux mains de syndicats aussi impérieux que susceptibles, s’avère impuissante au point qu’un nombre plus que symbolique de familles musulmanes choisissent – horresco referens – l’école catholique.
Et ce sont de jeunes enseignantes qui doivent tenir la ligne de feu abandonnée par ces « messieurs » des syndicats mis à disposition des innombrables « associations » du secteur.
L’affaissement culturel
Il suffit de citer Alain-Gérard Slama : « Tout se passe comme si un double mouvement de dérive entraînait insensiblement l’Europe hors de la voie laïque, sous la double pression de sa bordure occidentale, anglo-américaine, et de ses frontières orientales, polonaise ultra catholique et balkanique orthodoxe.
Mais le danger vient aussi et surtout de l’intérieur. Il est lié à la crise de l’Etat, qui semble n’avoir plus de prise sur la multiplication de nos peurs, et qui laisse se développer sans réagir une vague de normalisation et de replis identitaires comparable à celles qui ont conduit aux totalitarismes du XXe siècle.
S’il est pourtant une vocation qui devrait incomber à la France, c’est de rappeler le message de raison, d’autonomie et de responsabilité individuelle qui, issu de l’humanisme et précisé par les Lumières, constitue le projet universel autour duquel l’Europe a construit sa spécificité.
Les fondements de ce projet tendent à être, sur notre sol même, contestés l’un après l’autre. Communauté, identité, droits des minorités, normalisation préventive et pénalisante des conduites individuelles et des rapports de civilité, au détriment de la liberté d’expression et de pensée, remise en cause des lois laïques, primauté de l’égalité sur la liberté, de la mémoire sur l’histoire, discriminations positives, abaissement des frontières entre l’espace public et la sphère privée, ces mots et ces notions, martelés par les minorités les plus actives, sont banalisés par les médias, dignifiés par les intellectuels, traduits par les dirigeants politiques en termes de plus en plus contraignants.
Sans que l’école, paralysée par le nombre et par le doute, soit en mesure d’armer les esprits contre une idéologie qui se situe à l’opposé de l’héritage des philosophes. »
L’affaissement politique
C’est la perversion des institutions par la « génération morale » aux affaires depuis 1980. Mieux que de longs développements retenons ce pastiche de Machiavel ou Beaumarchais : « Lorsque le Prince n’a plus assez de foi pour convaincre ni de courage pour commander, il ne lui reste qu’à dépenser et corrompre pour durer sans gouverner. »
Professionnalisation, cumul des fonctions et mandats, refus puis rejet de la séparation des pouvoirs et des intérêts, opacité entretenue de la dépense publique, absence d’alternance et de gouvernance, appropriation de la politique par la fonction publique et ses ramifications associatives ont achevé de corroder une démocratie française affectée de longue date par une tradition de respect sacré du pouvoir, des institutions, de la fonction publique, par la centralisation des esprits et le refus du débat.
Et les médias d’encourager idéologiquement la dérive en interdisant toute critique de l’Air du Temps. Il n’est plus permis d’émettre le moindre doute sur l’efficacité des « acteurs » de l’immigration -intégration. À qui s’interroge la réponse fuse comme au procès de Dreyfus : « La question ne sera pas posée ».
Au bout du processus les indicateurs révélateurs du « mal » se multiplient : dette, déficits, privilèges et protection statutaires des agents publics et de leurs obligés, grèves endémiques des transports publics et de l’Éducation Nationale, report du chômage sur les jeunes et les quinquagénaires, intermittents du spectacle entretenus par les salariés productifs du secteur privé au profit des animateurs producteurs, jacqueries et violences d’agriculteurs, de pécheurs, de Corses ou autres Bové. Et surtout, près de cinquante pour cent de l’électorat s’abstient, les suffrages restant affichant le record européen de votes extrémistes (20% en 2002). La démocratie française a une apparence administrative et électorale, elle a une réalité : la Dette, le procès d’Outreau, le vote extrémiste, la torture d’Ilian Halimi… les « affaires ».
L’interdit de définir et de compter poussé jusqu’au déni de réalité
Écoutez les sociologues, statisticiens et professionnels : « Il n’y a pas de différence avec les immigrations précédentes, pas de choc des civilisations, pas d’incompatibilité juridique entre code civil et statuts personnels, pas de problème de concentration, d’immigration clandestine, de fraudes à l’asile, au mariage, au statut d’étudiant. Définir et compter, c’est reconstituer le fichier de Vichy ».
Le sacro-saint, l’intouchable sondage annuel de la prestigieuse Commission nationale consultative des Droits de l’Homme sur l’antisémitisme et racisme qui maintient le même questionnaire depuis quinze ans a pu être qualifié par des chercheurs du CNRS d’invitation à l’incendie.
Contre cette perversion, c’est le nouveau président de SOS Racisme, Dominique Sopo lui-même, qui vient de publier chez Denoël un pamphlet intitulé : « SOS Anti Racisme » dénonçant Ramadan, Dieudonné et Gresch comme fascistes. Concentration, pesanteur et conformisme à la TV, à l’Éducation nationale comme parmi les travailleurs socioculturels ont interdit débat, information, évaluation et donc réforme. (Consulter pour 2006 aux archives de France 3 le monument TV du conformisme « Plus belle la vie » cofinancé par le FASILD.)
Une preuve du niveau final d’incohérence intellectuelle ? Le rapport annuel de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, quinzième du genre, conclut pour 2005, qu’une baisse significative (moins 38%) des violences racistes coïncide avec une « libération accrue (plus 33%) de la parole raciste » !
Le tout associatif ou l’intouchable tabou
La dislocation de l’Etat a été aggravée par la sacralisation de l’ »ASSOC » subventionnée tant à Paris que sur le terrain. En dépit du style feutré de la juridiction, le dernier rapport de la Cour des Comptes est sur ce point cruel : Le « modèle français » a été saboté par le monde associatif. (À ce sujet lire la préface de Ph. Seguin au livre de P.P. Kaltenbach « Associations lucratives sans but ). Onze ans déjà !
À Paris d’abord
Avec seulement 73 agents à l’administration centrale (Direction de la population et des migrations) l’État s’est trouvé désarmé par des établissements publics refusant toute cohérence et toute discipline (FAS, INED, OMI), de grands ensembles associatifs transformés en agitateurs officiels : SOS RACISME, MRAP, LICRA, FTDA, CIMADE, ASFAM, d’innombrables Observatoires, Hauts Conseils, Commissions (CNCDH) etc., et maintenant la HALDE.
Sur « le terrain » ensuite
Selon le Premier Ministre, Dominique de Villepin, 14 000 « associations » salarient des bataillons de travailleurs « socioculturels » issus des ministères de l’Éducation nationale, Jeunesse et Sports, Culture et de leurs filiales. Peu soucieux et au reste incapables de mobiliser le Bénévolat, la Jeunesse et le Peuple, hostiles au mot même de Famille et de Responsabilité, pour des raisons tout autant personnelles qu’idéologiques, empêtrés de corporatismes et de conformismes, ces « professionnels » ont achevé de couper le Peuple des Institutions. Parmi les grands corps de l’Etat, certaines divas de grands corps, ajoutant à leurs privilèges patriciens les douceurs d’une philosophie plébéienne, ont joué un rôle regrettable, qu’il s’agisse de métissage des cultures, polygamie, du voile ou de la subversion associative.
Et voici que les « associations » se déchaînent en « actions civiles » encouragées par des lois et règlements supposés protéger le faible mais finalement à ses frais.
On l’a vu pour la première fois à Outreau ; le phénomène ne peut qu’exploser dans le monde illimité de la « discrimination » tous azimuts. Certains magistrats administratifs regrettent le vide des dossiers présentés par certains avocats sans cause en recours contre les décisions de l’OFPRA.
Telles sont à première vue les causes « hexagonales » d’un incendie qui contraint nos dirigeants à diriger (état d’urgence) certes mais aussi à nommer, définir, évaluer et chiffrer, tous exercices qui hier encore exposaient l’imprudent à se faire insulter pour lepénisation des esprits, islamophobie et homophobie.
Il aura fallu vingt ans pour admettre que le Code de la Nationalité, conçu après 1870 pour Verdun et le Tonkin, ne correspondait plus à la situation démographique internationale de 2006, que la loi de 1905 ne correspondait plus à la Question Religieuse issue d’un Moyen Orient mis à feu et à sang pour cause de pétrodictatures militaires et religieuses.
Il aura fallu trente ans pour voir M. de Villepin engager les mesures élémentaires : décider la lutte contre la fraude au mariage, au regroupement familial, à la santé, au statut d’étudiant, au droit d’asile, la polygamie, organiser le contrôle des ingérences étrangères, l’appel à la responsabilité des parents, des enseignants, des travailleurs sociaux, voire au contrôle de l’efficacité des fameuses « associations » aidées.
Et de ces fautes Madame Ségolène Royal fait désormais son miel au sein du « peuple de Gauche ».
Ultime cause française : le triomphe des » falsificateurs de préférences »
Dans une société centralisée, à forte dépense publique, de culture catholique, hostile à la séparation des pouvoirs et des intérêts, avec concentration de l’enseignement et des médias, complaisance envers la culture officielle, forte tolérance aux relations incestueuses des milieux politico-médiatiques, il est héroïque voire suicidaire de « penser et parler libre ».
S’agissant du principal problème politique français ; l’immigration et ses conséquences pour les intéressés : de la déroute de Jospin à l’incendie des banlieues, l’interdit de nommer de qualifier et de compter reste inébranlé.
La crise des banlieues est le produit politique du choix de la classe publique dirigeante issue de la Génération Morale aux affaires depuis 1980. On comprend son impuissance absolue face à l’islam. Puissent les églises ne pas contribuer à cette défaite intellectuelle et morale
Jeanne-Hélène Kaltenbach : En 1995, dans notre livre « La France, une chance pour l’Islam », nous nous penchions sur la question posée par les statuts personnels musulmans, les choses ont évolué dans le bon sens au sein de l’Union Européenne. Un exemple parmi tant d’autres justifie cet « optimisme juridique ».
Le 4 décembre 2001, Libération s’indignait : « Une répudiation prononcée en Algérie est déclarée conforme à l’ordre public international… La Cour de cassation, au motif qu’une mère algérienne a été dûment représentée, et ses garanties pécuniaires respectées etc. l’a renvoyée, elle algérienne de France, à sa condition d’inférieure, telle que la consacre son Code national… La Cour a consacré sa répudiation et son humiliation, enragent sa fille Leila et ses soeurs blessées, qui s’apprêtent à déposer un recours devant la Cour européenne. La France a toutes les chances d’être condamnée au nom de l’article 5 du protocole n°7… de la CESDH … L’espoir de la mise à l’écart progressif de toutes les règles du droit musulman serait anéanti, redoute leur avocate ! ». « La Cour serait devenue sensible au relativisme culturel, en vogue dans certains milieux judiciaires » conclut Libération que nous ne savions pas assimilationniste à ce point.
Ce journal oublie que dans certains pays -comme autrefois en France – c’est la loi nationale du mari au moment du mariage qui règle le divorce c’est vrai par exemple en Algérie, La Convention franco-algérienne de 1964 confirme que tout Algérien, même vivant en France, peut se prévaloir du code algérien de la famille et à fortiori s’il est reparti en Algérie. Cela fait partie du Droit international privé que l’avocate semble ignorer comme beaucoup de politiques.
Heureusement en effet, l‘article 5 du protocole n°7 de la CESDH signé en 1984, ne garantit pas seulement l’égalité de droits et de responsabilité de l’homme et de la femme, lors de la dissolution du mariage, mais encore entre eux durant le mariage ; ce qui ne peut que bouleverser les solutions admises en matière de filiation naturelle, de polygamie, d’autorité parentale ou de succession, réduisant à peu de chose la réception en France des règles de droit musulman. Hier, la mère algérienne vivant en France ne pouvait pas intenter une action en recherche de paternité pour son enfant naturel, donc algérien comme sa mère, puisque le juge français devait appliquer la loi algérienne, qui prohibe cette recherche. La Cour de Cassation, ayant jugé que les lois privant un enfant français, ou résidant habituellement en France, du droit d’établir sa filiation devant être refusées, elle peut être faite depuis 1993. Ce type de difficulté semble aplani, largement grâce à l’Europe.
En revanche, la situation s’est gravement tendue dans l’Hexagone qu’il s’agisse du système scolaire, des hôpitaux, des prisons.
C’est ce que révèle le Rapport Obin. commandé par le Ministère de l’Éducation nationale au printemps 2003, à un moment où le débat médiatique et politique sur la laïcité ne s’était pas encore cristallisé autour de la question des signes religieux à l’école, principalement du « voile ».
Parallèlement à la Commission Stasi, fin 2003 (en évitant de « doublonner » avec ses travaux), une réflexion sur « Les manifestations d’appartenance religieuse » s’est poursuivie en 2004 par des visites dans soixante et un collèges, lycées et lycées professionnels publics répartis dans une vingtaine de départements choisis par, ou en concertation avec, l’inspecteur d’académie. Ces visites ont permis de confirmer notamment que les signes et tenues vestimentaires ne semblaient constituer que « l’arbre qui cache la forêt ».
Notons que Monsieur Fulchiron, l’un des meilleurs juristes du droit de la famille, s’inquièterait à coup sûr du titre même de cette recherche : « Dans la jurisprudence du Conseil d’État émerge le concept « d’appartenance religieuse » ; or il serait infiniment dangereux d’enfermer l’enfant dans un statut déterminé par son appartenance à telle ou telle communauté » rappelait-il en effet.
Que dit ce rapport Obin ? « Le comportement des élèves dans le primaire fait rarement problème ». Il signale cependant « le refus de la mixité dans telle école maternelle, les cas de fillettes voilées, de même que l’observance du jeûne parfois dès le cours préparatoire et le refus de la viande non hallal. Les activités corporelles et artistiques fortement déconseillées : fini de danser, fini de dessiner un visage, de jouer de la flûte, refus de chanter ».
Or on savait que dès 1985, à Noyon, dans une école primaire, trente filles voilées respectaient déjà ces mêmes interdits. Pourquoi a-t-on attendu presque un quart de siècle de 1985 à la Commission Stasi 2003, et au rapport Obin 2004 ? Pourquoi ce déni généralisé ?
Les professeurs, souvent jeunes – ils font en moyenne trois ans dans le même établissement en attendant leur mutation – sont très désemparés. Les femmes, en particulier, vivent dans un état d’intimidation constant, certaines parlent de « martyre ». Si elles avouent leur désarroi au proviseur, elles passent pour de mauvais professeurs, donc elles se taisent. Le rapport Obin n’évoque pas les brutalités physiques contre des professeurs qui pourtant défraient la chronique.
Le proviseur, s’il avoue un nombre de voiles, parfois très en deçà de la réalité, verra son établissement déqualifié, c’est un lycée « foutoir » qui fait tort à la ville, et lui-même met en jeu sa carrière, donc il se tait. Quand il s’agit d’un proviseur confirmé, il a pu être humilié naguère par les jugements de Tribunaux administratifs qui, pendant les années 1994, ont désavoué ses décisions ou celles de ses collègues. Le proviseur du lycée de Nevers. qui scolarisait les deux filles du directeur de l’IESH n’a-t-il pas été poursuivi pour voie de fait !
Au découragement s’ajoute l’humiliation. La dernière s’est produite en 2003, qui a été vraiment une année décisive, quand le recteur de Lyon, a désavoué le proviseur du lycée La Martinière, soutenu par 87 % de ses professeurs. Cette année-là, Le Monde ironisait : « Où est la vague islamiste évoquée par certains ? » Justement un certain rapport Obin constate, lui, « le basculement rapide et récent, vers l’islamisation de certains quartiers » qui se reflète à l’école.
Professeurs et proviseurs ne sont pas les seuls à être découragés. Les auteurs du rapport Obin ont rencontré les gardiennes des collèges, les infirmières qui soignent les coups et blessures, les cuisiniers surtout, et les gestionnaires de cantines ! Parce que, souvent, quand il n’y a pas de viande hallal, les enfants vont cracher dans les toilettes. Un gestionnaire de cantine a même démissionné parce qu’un proviseur a imposé la viande hallal à tout le lycée. Telle est l’atmosphère de certains collèges et lycées !
Il est normal de surveiller les menus, etc., mais la viande hallal coûte plus cher. Aussi, le Conseil d’État a considéré que dans les prisons les détenus juifs peuvent avoir de la nourriture casher à condition d’en assumer le surcoût. Et d’autre part, si on impose la viande hallal à tous les élèves, des parents catholiques, incroyants ou tout autres sont choqués par cette épreuve de force.
Pourquoi personne n’en parle-t-il ? Chacun redoute chacun et vit dans une sorte de « terrorisme intérieur ». J’ajoute que les syndicats sont extrêmement divisés sur ce sujet. Dans un même lycée, il peut y avoir un pôle de radicalité, c’est-à-dire un peu de trotskistes, un peu de Bové, un peu de pro-palestiniens militants, en un mot ceux qui ont signé la pétition Les Indigènes. On imagine l’atmosphère dans la salle des professeurs quand par exemple un proviseur, cité par le rapport Obin, a jugé bon de constituer une classe exclusivement musulmane ; et donc d’effectuer un tri entre les professeurs favorables au voile et les professeurs hostiles. Tous ces gens-là se retrouvent dans la salle des professeurs, on devine aisément l’atmosphère.
« Dans tous les cas, la réunion que nous avons provoqués avec les professeurs était la première organisée sur ce thème dans l’établissement » affirme le rapport Obin. « Les manifestations d’appartenance religieuse semblent être, à tous les niveaux, la classe, l’établissement, l’Académie, l’objet d’une sorte de refoulement, ou de déni généralisé de la part de beaucoup de personnels et de responsables ».
Il se trouve que Monsieur Morineau, Secrétaire national de la Ligue de l’enseignement en 1989, avait rédigé à l’époque un questionnaire très prophétique où il disait à propos des jeunes filles voilées (c’était Le problème de 1989) : « Ont-elles manifesté le désir d’influencer leurs condisciples ? Fait ostensiblement leurs prières en classe ? Exprimé leur hostilité à l’égard des catholiques, protestants, juifs ou incroyants ? Refusé de participer à certains cours ? Sinon, qu’elles gardent leurs foulards, un règlement n’est ni sacré, ni éternel et la laïcité ne consiste pas dans le maintien à tout prix de l’ordre établi ».
Reprenons ce questionnaire, et appliquons les réponse à la lumière du rapport Obin de 2003.
1- Ces jeunes filles ont-elles manifesté le désir d’influencer leurs condisciples ?
Réponse du rapport Obin aujourd’hui : Bien sûr que oui : « certaines filles en maudissant les élèves non voilées, en les malmenant parfois, et les garçons en menaçant les enfants qui ne jeûnent pas pendant le Ramadan, au point que l’un d’entre eux s’est suicidé ».
J’ai entendu moi-même, à Marseille, lors d’une visite du Haut Conseil à l’Intégration, dans un collège catholique où il y a 96 % de musulmans : « Quand c’est le Ramadan, à ceux qui ne jeûnent pas, les autres font le signe de l’égorgement. »
2 – Ont-ils fait du prosélytisme ?
Réponse : oui. Certains grands frères encouragent le port du voile, distribuent des tracts pendant la récréation, demandant la création d’une mosquée… Et fanfaronnent sur le nombre mirifique de conversions.
Le rapport Obin nous apprend qu’à l’occasion du remboursement de la demie pension pendant le Ramadan (ceux qui jeûnent ne mangent pas à la cantine, donc on rembourse le repas de midi), certaines familles, « infidèles », très surprises, apprennent que leur enfant n’a pas fréquenté la cantine. Mais il est trop tard, l’enfant n’a pas été protégé du prosélytisme, ce sont ses copains qui lui ont dit « fais comme tout le monde ».
Ici, un surveillant a distribué un document du Tabligh appelant explicitement au châtiment corporel des femmes. Là, on a recruté en emploi-jeune des grands frères, prosélytes agités, qui distribuent des tracts de tous bords, y compris violemment anti-sémites.
D’autre part, il y a des imams qui sont professeurs. Il y a des surveillants dont on dit « va le voir, c’est l’imam de telle mosquée ».
Je rappelle la loi Goblet de 1986 que tout le monde connaît : « le personnel des écoles laïques sera un personnel laïc ».
Qu’est-ce qu’un personnel laïc ? Qu’est-ce qu’un clerc dans une religion où il n’y a pas de clergé ? La réponse est, comme dans le procès Dreyfus déjà cité : « Messieurs, la question ne sera pas posée ».
Entre 1989 et 2003, personne n’a été capable, Conseil français du Culte musulman, ministre, député ou autres, de poser cette question simple : « Comment peut-on interdire l’introduction d’un clergé quelconque dans le lycée puisque le Ministre du Culte, cela n’existe pas en islam ? ». Monsieur Chevènement suggérait même pour salarier les imams d’en prendre dans l’enseignement comme professeurs.
Revenons au questionnaire.
3 – Est-ce que ces jeunes filles – seules en cause en 1989 – ont fait ostensiblement leur prière en classe ?
Réponse : oui ! Il y a même un candidat au BTS qui a exigé de la faire dans la classe d’examen, pendant les épreuves.
4 – Est-ce que ces jeunes filles ont exprimé leur hostilité à l’égard des catholiques, protestants, juifs ou incroyants ?
Réponse : oui, et trois fois “oui” puisqu’une collégienne turque nouvellement arrivée en France est devenue le souffre-douleur de sa classe parce que son pays est un allié d’Israël. Sans oublier l’apologie de Hitler et du nazisme
5 – Est-ce que ces jeunes filles ont refusé de participer à certains cours ?
Et c’est là que le processus s’accélère. Elles, ou ils, refusent de participer à certains cours : quand ils traitent de l’histoire des religions, de la seconde guerre mondiale, de la décolonisation, des Arméniens… Les élèves quittent carrément la classe. Quand ils traitent de philosophie, des philosophes des Lumières, surtout Voltaire et Rousseau, mais aussi Chateaubriand à cause de ses textes sur l’Orient, ils quittent la classe également.
En mathématiques, certains refusent même d’écrire 1+1 = 2, ou de dessiner un angle droit pour éviter de tracer une croix.
Le Secrétaire de la Ligue de l’enseignement concluait en 1989, « si on peut répondre “non”, laissons-les donc porter leur foulard ! » Et en 2003, il a signé la pétition contre la loi votée fin 2003 sur les signes religieux.
Depuis, on aurait pu ajouter bien des questions à ce document.
Il y a ce qui relève de la gaminerie, comme d’écrire par exemple : « Il n’y a de Dieu que Dieu » sur la copie, comme on le faisait autrefois dans les bonnes écoles de curés ; porter des tee-shirts avec I love Islam, voire Saddam Hussein ou Ben Laden, ou le drapeau algérien sur la photo de classe. Exiger que la direction de La Mecque soit indiquée dans un lycée ; que le calendrier de l’heure de la rupture du jeûne soit affichée dans la salle des professeurs ; que le professeur déclare sa religion alors qu’en France il y a eu un arrêt du Conseil d’État pour inciter à garder le secret religieux. On a de trop tristes souvenirs pour tout cela.
Le rapport Obin souligne l’un des problèmes les plus sinistres même s’il peut sombrer dans le ridicule : l’obsession de la pureté, des enfants ont exigé dans les toilettes un robinet pour les Musulmans et un robinet pour les Français, pour les « fromages » ou « côtes de porc », ou une mère de famille qui transporte un pliant pour ne pas avoir à s’asseoir sur un siège impur.
Que faire avec ceux qui ne veulent pas se mettre à table avec les « jambons » ? Que faire avec tous les élèves d’un lycée professionnel qui refusent de cuisiner du porc, de le manipuler même avec des gants, parfois, pour les plus zélés, de le regarder.
Que faire en maternelle pour des enfants qui ne doivent pas chanter « Les trois petits cochons » ? Que dire quand une directrice d’école maternelle, à Paris, a été poursuivie par la justice parce qu’un enfant de trois ans a mangé une tranche de jambon, la liste des interdits de porc, qu’on met bien entendu tous les jours à l’école, n’ayant pas été affichée ce jour-là ?
Comme disait Henri IV : « Pour l’individu, la pureté a une grande valeur, pour une société, c’est un poison ».
Le rapport Obin se défend d’être soupçonné d’islamophobie. Il le sera sans aucun doute ! Monsieur Fouad Allaoui n’a-t-il pas déclaré à la Commission Stasi : « quand la société française ne peut accepter les atteintes à la liberté des sexes et à la mixité, c’est les musulmans qui sont visés, c’est la pratique musulmane qui est attaquée » Or le « seul lieu de mixité assumée qui subsiste encore dans ces quartiers c’est l’établissement scolaire » rappelle le rapport Obin, qui consacre un paragraphe entier aux régressions de la condition féminine.
Il ne sera pas seul à subir l’opprobre des « islamophobes ».
Le rapport Obin est lucide et courageux.
ÉCHANGE DE VUES
Le Président : Dans cette Académie, nous nous appuyons soit sur des expertises, soit sur des témoignages ; nous avons eu les deux, l’expertise et le témoignage.
Votre intervention s’insère dans une réflexion très générale sur les mouvements migratoires en général, l’immigration en particulier – et l’actualité nous montre combien ce thème est important.
Vous nous avez parlé de l’Islam, vous nous avez parlé du regroupement familial en mentionnant cette directive européenne pour dire qu’on nous l’avait quand même un peu imposée, et en même temps vous êtes un militant familial.
Je me demande s’il n’y a pas là un paradoxe : à partir du moment où les personnes sont sur notre territoire (donc je ne traite pas ici de la politique d’immigration passée), est-ce que notre souci, votre souci d’assurer la cohésion familiale ne justifie pas presque naturellement le regroupement familial ?
La question est un peu provocatrice, mais j’aimerais vous entendre réagir sur ces deux aspects : regroupement familial et cohésion de la famille.
Pierre-Patrick Kaltenbach : J’ai une position qui est celle de ma juridiction, celle d’une Institution, qui d’ailleurs n’a pas démérité, la Cour des Comptes.
Depuis 1986, nous peinons sur ces histoires d’immigration.
Qu’a dit la Cour des Comptes pour la première fois ? On ne peut pas traiter séparément de l’immigration et de l’intégration, de l’entrée et du séjour. Ce que nous avons eu, nous, tendance à faire, beaucoup trop et de ne pas mesurer les conséquences de ce genre d’incohérence. Surtout lorsque l’État est, en France, à ce point disloqué et que c’est un milieu associatif, qui a des mérites mais n’est pas légitime en termes démocratiques, qui se met à faire cette politique.
Je pèse mes mots. Il se trouve que nous avons découvert tous ensemble les faits dans les banlieues. Nous avons découvert l’effet familial dans les banlieues, ce qu’il n’est pas à dire. Il est évident que la place du père et la mono-parentalité dans les milieux défavorisés, et d’autre part les milieux de l’islam créent des problèmes et les manifestent parfois plus que d’autres populations parce qu’ils quittent une société “holiste”. On les a laissés se regrouper. Et nous avons, pour donner un seul chiffre, dans la Seine-Saint-Denis 45 % des gens de 0 à 25-30 ans qui sont issus de l’immigration, directe ou indirecte.
On peut être pour ou contre les phénomènes de seuil de tolérance. Monsieur Mitterrand avait employé le mot, cela avait choqué. Mais il se trouve qu’en effet, on assiste à des phénomènes d’exclusion. Les précédents arrivés s’en vont et le taux de concentration ne fait que s’accroître.
Peut-on traiter séparément de l’asile et du regroupement familial, ce sont des éléments dans un tout ; une note politique avec son implication. Et nous avons découvert que l’application était très difficile quand il s’agit des flux humains, de suivre les gens qui viennent s’installer chez nous, puis après y loger et y rester.
Nous ne pouvons plus, à mon avis, laisser rentrer, quel que soit le prétexte, si nous n’avons pas résolu ici les problèmes, comme celui des explosifs de la rue de Lappe. Parce qu’il est faux de dire que l’immigration nouvelle n’a pas de différences avec la précédente : les Italiens, les Espagnols, auraient eu cette violence dans les années passées. Mais, nous avons ce que dit le rapport Obin.
Pour résumer, le regroupement familial ne doit pas être un outil d’immigration. Actuellement, il l’est devenu : l’immigration de main-d’œuvre, est de l’ordre de 5 % à 10 %. Le droit d’asile ne doit pas être un outil d’immigration en France et doit faire l’objet de tous les contrôles.
En revanche, c’est bien le rôle du CCFD d’aller dans les camps de rétention pour qu’il ne soit pas dit que nous laissons faire. Quand on laisse maltraiter les gens, c’est soi-même qu’on maltraite, c’est très connu.
Cependant, l’ensemble de cette politique immigration-intégration, qui met en cause l’aspect familial, bien entendu, mais tant d’autres aspects, il appartient aux pouvoirs publics et élus désignés légitimement dans ce peuple d’en décider. De faire en sorte que les dispositifs ne soient pas contournés à des fins que je peux très bien comprendre mais qui ne sont pas celles qui ont été choisies : c’est cela avoir une démocratie.
Ce n’est pas aux individus, encore moins aux milieux associatifs de dire la loi. Or, dans ce pays, la Direction centrale de l’immigration et de l’intégration, la DPM, a 75 fonctionnaires. Et autour d’elle, vous avez les gros bataillons des salariés du système parisien et puis des systèmes sur le terrain. Monsieur de Villepin a parlé de 4 000 associations en charge de cette réalisation. Mais à Paris, vous avez l’OMI, vous avez le FAS, vous avez le SSAE, vous avez la Sonacotra, vous avez France Terre d’Asile, vous avez Amnesty, vous avez tout cet ensemble autour du gouvernement et qui, dès qu’il fait quelque chose, proteste.
La Commission des Droits de l’Homme, quand elle a su qu’il y avait un projet de loi sur l’immigration, a commencé à organiser ses protestations, à écrire des documents.
Autant je suis d’accord pour qu’elle conseille le gouvernement, qu’elle proteste le cas échéant, autant je lui récuse le droit de participer au travail législatif, d’intervenir au cours de débats parlementaires, d’autant que les gens qui font cela sont juges et parties, ils sont payés par le contribuable. Et ils ne veulent pas donner leurs comptes.
Jeanne-Hélène Kaltenbach : En matière de regroupement familial, quand j’étais au HCI et du temps de Madame Veil, le directeur de l’OMI était venu nous voir et il s’était étonné parce que la majorité des regroupements familiaux étaient demandés par des Français. Pourquoi ? Pour faire venir les garçons du bled. Cela s’appelle “mariage naturalisant”. En particulier à Lyon, où nombre de filles se sont fait « coincées » par un mari qui se marie civilement à la mairie et puis qui après, suivant la coutume algérienne ou maghrébine attend longtemps le mariage, parce que tout doit être fait selon les règles. La mariée attend chez Papa et Maman, fidèlement. Le marié ne vient plus, il a la nationalité française, c’est ce qu’il voulait. C’est un véritable commerce et cela crée de grosses difficultés – je ne suis pas juriste – parce que l’on ne peut pas annuler ce mariage parce que « la mariée » ne peut pas divorcer. C’est un drame de famille.
Le regroupement familial, cela ne consiste donc pas à dire : « personne ne viendra », cela consiste à ouvrir l’œil et le bon pour voir le nombre de gens qui arrivent de cette manière.
Avec le fait d’être étudiant, avec le fait d’être demandeur l’asile, le seul moyen de rentrer c’est le regroupement familial. On en voit les résultats.
Nicolas Aumonier : En somme, vous nous avez décrit une crise de l’autorité.
Ce qui est difficile dans les faits, ce n’est pas de distinguer l’autorité et le fascisme, mais de mettre cette distinction en application.
Que proposez-vous ?
Pierre-Patrick Kaltenbach : Ce que je propose cela s’appelle des procédures, le respect du droit, les regards extérieurs, la séparation des pouvoirs, l’évaluation.
Surtout dès qu’il y a de l’argent public et surtout lorsqu’il y a un agent du gouvernement qui décide et qui pratique.
Alors, je demande à tous ces agents qui gèrent l’immigration de mon pays depuis trente ans d’accepter, enfin, des regards extérieurs, compétents, et la remise en cause de leur efficience – c’est-à-dire : « est-ce que vous obtenez vos résultats dans de bonnes conditions ? » –, leur efficacité : « avez-vous un résultat ? Et savez-vous ce qu’il se passe dans les endroits où, pour avoir refusé ce qui est une élémentaire responsabilité de la démocratie, vous avez créé les conditions des banlieues actuelles ? »
L’équation est là. On ne peut pas le nier. Il faut revenir à un système de démocratie avec un pouvoir.
Lorsque « le Prince » n’a plus assez de courage pour commander, ni de conviction ni de foi pour entraîner la conviction, il ne lui reste qu’à dépenser, à acheter, à subventionner pour durer sans réformer. Nous y sommes.
Avant la révolution de 1848, Tocqueville a écrit : « Le plus sûr moyen pour les hommes de perdre le pouvoir, c’est quand le peuple ne les sent plus dignes de l’exercer ».
Pour répondre à votre question, c’est très simple. Il ne faut pas réinventer Athènes, Genève, Rome ni tout cela. Il faut revenir à des comportements démocratiques raisonnables. Nous ne les avons plus. Il en est de même pour la séparation des pouvoirs.
Jeanne-Hélène Kaltenbach : Je vais vous poser une question. Combien de fois avez-vous vu, avant la « crise » des banlieues, des Maghrébins, pères de famille, des vieux de la vieille, combien de fois en avez-vous vus ?
Et avez-vous vu depuis, au plein milieu des incendies, les vieilles mères qui ont peur parmi leurs enfants brutaux (mais c’est, en effet, la première fois que les parents sont venus dénoncer les caïds) ? Combien avons-nous de parents qui ont souffert de cela ? Combien de parents avons-nous vus qui, pour la première fois, ont soutenu les forces de l’ordre ?
Ce n’est pas que je n’aime pas les jeunes, mais on a broyé l’autorité de ces parents. Et on l’a d’autant plus broyée que ce sont pour la plupart des familles monoparentales et on n’a tenu aucun compte de cela.
Ces parents sont victimes d’un double désaveu.
La famille n’a pas bonne presse, tout le monde le sait. Et, en particulier, au moment du voile, c’est eux qui étaient responsables de tout.
Un deuxième désaveu lorsqu’ils ont comme enfants, ces « grands frères » un peu agités sur le plan religieux ou des filles voilées. Il faut voir alors comment ces filles et ces garçons traitent leurs parents ! En les traitant d’obscurantistes, en méprisant leur culture.
Il y a une génération de parents qui a été très abîmée avec notre consentement.
Annie Laurent : Il y a un sujet auquel on ne pense pas suffisamment concernant la question de l’Islam en France, c’est le problème des écoles confessionnelles musulmanes hors contrat. Il commence à y en avoir quelques-unes, on commence à en parler dans la presse : Lille, Aubervilliers, Marseille… Je crois qu’on ne réfléchit pas assez sur les conséquences pour l’intégration nationale, de ces écoles. Il y a eu beaucoup de demandes d’ouverture depuis l’histoire du voile. On a demandé l’intégration de ces écoles à l’Éducation nationale mais cela pose un problème.
Ce n’est pas le problème des écoles confessionnelles, catholiques, protestantes ou juives. Ces écoles reçoivent des élèves de toutes les confessions. (Pas forcément les écoles juives. Mais, les juifs sont ici depuis très longtemps. Je ne crois pas que leurs écoles puissent nuire à l’unité nationale).
Par contre dans les écoles musulmanes, celles de Marseille que je connais bien, il n’y a que des musulmans. Tout est islamique dans l’école, bien entendu, non seulement la nourriture, il y a la mosquée, on apprend à prier, etc. Il y a des femmes qui amènent leurs enfants avec le visage recouvert, c’est une école intégriste.
C’est un danger que ce genre d’école. Malheureusement, la loi le permet. Et je ne vois pas au nom de quoi l’on pourrait interdire ces d’écoles à l’avenir. Comment résoudre ce problème ?
J’ai un correspondant qui vit au Maroc depuis des dizaines d’années, il m’écrit régulièrement, il m’apporte beaucoup de documents. Il fait beaucoup d’enquêtes sur l’islam au Maroc. Il avait un poste au Consulat de France au Maroc. Il est à la retraite maintenant. En ce qui concerne l’enregistrement des mariages à l’état civil, les consuls ne le font qu’une fois le mariage célébré religieusement, selon le droit marocain, selon le droit musulman… N’est-ce pas aussi un problème ?
Bertrand de Dinechin : Je voudrais poser une question tout à fait iconoclaste et radicale.
Comment se fait-il que l’on tolère, chez nous, en France, un livre qui s’appelle Le Coran ?
Lisez le Coran. C’est un livre qui pousse au crime ! Lisez la sourate 9, dite “du sabre”, et vous saurez ce qu’est l’islam.
Et cela, c’est méconnu, en France. Les gens ne savent pas ce qu’est ce livre. Et les musulmans refusent quant à eux tout éclaircissement sur les religions chrétiennes.
Je vais au Liban depuis une quinzaine d’années, j’ai souvent rencontré le muphti de Beyrouth (sunnite). J’y étais encore il y a une dizaine de jours. Mais, il ne pouvait pas nous recevoir, étant donné les événements en cours.
Monsieur Kabbana, le grand Muphti de Beyrouth, est un homme qui nous explique que la religion musulmane est supérieure à toutes les autres !
Qu’elle arrive en troisième position parmi les religions monothéistes : il y a eu d’abord les Juifs, ensuite le christianisme et enfin l’islam et Mahomet ! Il nous accuse d’avoir falsifié les Écritures ! par exemple le Saint-Esprit : pour les Musulmans c’est Mahomet qui était annoncé !
Il y a ainsi une méconnaissance de l’Islam qui fait qu’on risque de se chamailler.
C’est pour cela que je souhaiterais qu’il y ait des rencontres entre musulmans et chrétiens de différentes catégories. Pourquoi pas ? Chacun expliquerait ce qu’est sa religion.
Ce n’est pas à l’État de le faire, car il n’est pas confessionnel, à la différence du Liban où l’État est confessionnaliste c’est-à-dire que l’État reconnaît toutes les religions. Il peut y avoir des ententes entre les religions. C’est ainsi qu’au Liban, les chrétiens et les musulmans se sont en général bien entendus au cours de leur histoire.
Michel Leplay : Ce n’est pas tout à fait dans mon rôle, mais j’aimerais vous répondre, mon Général, avec le respect dû à votre rang. Car il fut un temps où le catholicisme était la religion unique sinon obligatoire de tous les Français, et la Bible interdite, du moins aux laïcs ! Quant au Coran, il convient de le situer dans notre tradition de liberté et de tolérance. Si l’on commence à interdire les livres qui ne nous plaisent pas, où allons-nous ? Nous réfugier en Angleterre, comme nos ancêtres protestants ?
Pierre-Patrick Kaltenbach : Ne vous inquiétez pas, on ne brûle pas les livres !
Ce n’est pas l’affaire du roi que le religieux… Les Romains appelaient cela les flamines. Alors, les rabbins, les pasteurs, les imams, ils se réunissent, ils fraternisent, ils parlent d’Abraham… Ils se voient beaucoup, ils se racontent des histoires de flamines et cela, ça va !
Mais c’est au-delà. Et, je vais vous prendre à revers, mon général, en rappelant le premier amendement du 15 décembre 1791 de la Constitution de l’État américain, rédigée par des fils de pasteurs écossais : « le Congrès ne fera pas de loi en matière de religion et ne se mêlera en rien de réduire ou limiter le droit des gens de parler, de s’exprimer (bien sûr, dans la mesure où ils respectent la loi) mais qu’ils le fassent paisiblement ».
Le peuple le plus laïc au monde, ce ne sont pas les Français. Pour deux raisons. Il n’y a pas aux États-Unis de financement de l’école, d’institutions religieuses comme on le fait en France.
Deuxièmement, le mot de secte n’y existe pas, c’est la direction des impôts qui dit : « vous, vous avez des comportements qui, fiscalement, nous intéressent ». Commençons par les impôts, on aura moins d’ennuis avec tout le monde. La pureté n’est pas de ce monde en matière de subventions.
Quand je vois les Évangéliques qui sont nos frères, d’abord comme Protestants, puis comme Catholiques puisqu’il y a un bon nombre d’entre eux qui viennent de l’Église catholique. Quand je vois, comment la presse a parlé d’eux : « la secte à l’assaut de la France, la secte à l’assaut du monde, la secte de Bush… » Alors que ce sont des gens de la Réforme, on a l’impression, à travers les médias français, que ce sont des exotiques, des marginaux et des bizarroïdes qui se droguent. Alors que c’est, en effet, la seconde religion de France. Voilà, l’état de l’information de notre pays.
Je comprends bien qu’on ne laisse pas dire n’importe quoi à n’importe qui dans le champ de la violence. Nos lois interdisent l’incitation à la violence. Mais il faut revenir au principe de la laïcité.
Dans ce domaine, je trouve que les Américains sont plus laïcs que nous et, contrairement à l’opinion générale, les Évangéliques de notre pays sont de parfaits protestants et en ceci, je suis complètement d’accord avec le pasteur de Clermont. Si on veut financer des mosquées, il faudra financer les Évangéliques. Et si on veut aller contrôler les Évangéliques, il faut contrôler ce que font les Francs-Maçons parce que notre comportement est un peu sectaire. Tout est une secte au regard de soi.
Jeanne-Hélène Kaltenbach : Si vous lisez les textes juifs, il se passe à Besheba des très vilaines choses. Les textes de la Tora ne sont pas non plus dénués d’une certaine cruauté.
Et les Anglais, qui ont beaucoup d’humour, quand on leur a demandé d’étendre le privilège de blasphème aux musulmans, un professeur à l’ENSI, a répondu : « Mais pourquoi voulez-vous que nous fassions quoi que ce soit dans ce genre puisque le Coran à lui tout seul est un blasphème vis-à-vis de nous puisqu’il nie la crucifixion. » C’est sans fin.
Leur avantage dans le Coran ? Les autres étaient là avant alors, c’est facile : ils critiquent tout. Peut-être que si on avait été les derniers arrivés, nous aurions été aussi cruels.
Pierre-Patrick Kaltenbach : Dieu seul est laïc et laissez les religieux discuter. On ne brûlera pas de livre.
Séance du 11 mai 2006