Par Christian Vanneste, député
Jean-Paul Guitton : Dans le parcours de l’Académie sur le thème d’année « Homme et femme Il les créa », il était naturel que nous recherchions le regard, la réflexion, l’expérience d’un homme politique. La question de la famille en effet est l’une des plus fondamentales qui soit, sans doute, dans toutes celles qui se posent dans la cité. Nous avions le choix entre un millier de parlementaires : rien n’étant dû au hasard, je dirais alors que nous avons eu la chance de faire appel au député Christian Vanneste, qu’il me revient maintenant de vous présenter.
Né à la politique à l’âge de sept ans, monsieur Vanneste a vu sa conscience politique – peut-être devrait-on parler plus simplement de sentiment patriotique – s’éveiller dès 1954, lorsqu’il a vu, en photo dans le journal, les soldats français se rendre lors de la chute de Diên Biên Phû. C’est en tout cas de là qu’il date son engagement dans la cité.
Il mène tout d’abord une carrière de professeur de philosophie, dans l’enseignement catholique ; il reste un soutien actif de l’enseignement privé, à Tourcoing, mais aussi au conseil national de l’enseignement supérieur privé dont il est membre titulaire.
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Il est conseiller municipal de Tourcoing depuis 1983, et il a été adjoint au maire tant que la majorité est restée à droite ; il est vice-président de la Communauté urbaine de Lille ; il a été membre du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais de 1986 à 2002 ; il est député du Nord une première fois de 1993 à 1997, puis réélu en 2002. Membre de la commission des lois, il participe à de nombreux groupes d’études de l’Assemblée nationale, et y pose un nombre impressionnant de questions.
Entré en politique dans le sillage de Maurice Schumann, Christian Vanneste trouve assez naturellement sa place au sein d’un mouvement où se sont unis le gaullisme, la pensée libérale et l’esprit démocrate-chrétien. C’est ainsi qu’il est membre du RPR puis de l’UMP, mais il regrette qu’on y tende parfois une oreille complaisante à des revendications communautaristes et intolérantes profondément contraires aux valeurs de la Famille et de la Nation. Il a donc décidé, en juin dernier, d’adhérer au Centre National des Indépendants (CNI) – parti associé à l’UMP – car il savait pouvoir y trouver un espace de liberté et d’indépendance. « Cette situation, dit-il, me permet de continuer à affirmer mon adhésion à l’UMP et mon indépendance de penser. En effet, si le programme de l’UMP paraît majoritairement bon, je ne peux accepter certaines dispositions prises en faveur de préoccupations subalternes liées à la demande d’un groupe de pression complètement illégitime dans l’action politique, présent au sein de l’UMP avec ce boulet qu’est Gay-Lib (sic !), et activiste à l’extérieur au travers du terrorisme intellectuel de certains mouvements comme Act-Up. »
En 2004-2005 Christian Vanneste accède à une notoriété nationale et même internationale, dont il se serait sans doute volontiers passé. Tout d’abord pour avoir déclaré à l’Assemblée nationale, et surtout pour l’avoir répété dans des entretiens journalistiques, que « le comportement homosexuel est une menace pour la survie de l’humanité. » Ensuite pour avoir été l’auteur du sous-amendement à la loi de février 2005 relatif au rôle positif de la présence de la France outre-mer, amendement qui sera abrogé par décret suite à la polémique suscitée à l’automne dernier. Enfin pour avoir été reconnu coupable d’injure envers les homosexuels et condamné à 3000 euros d’amende. Mais vous avez fait appel et cette affaire vient à l’audience la semaine prochaine ; nos vœux vous accompagnent, monsieur le Député !
Vous dénoncez sans complaisance « l’homoparentalité » et vous êtes signataire du manifeste parlementaire qui l’a condamnée. Vous êtes enfin intervenu dans le débat parlementaire sur l’immigration. L’Assemblée nationale a ainsi adopté deux de vos amendements « prévoyant d’une part que le titre certifiant que l’étranger parle français compte comme une preuve de la bonne intégration de l’étranger à notre pays au regard de la délivrance d’un titre de séjour long et, d’autre part, que les stages effectués par les étrangers doivent être rémunérés à l’aune de ce qui est prévu par la loi sur l’égalité des chances ».
Lorsque nous nous sommes rencontrés, vous m’avez expliqué combien vous aviez vu fondre le nombre de vos amis au moment de votre condamnation en première instance, illustration du vieux constat que faisait déjà le poète latin : donec eris felix, multos nuberabis amicos…
Et cependant vous ne faites que vous battre pour la liberté d’expression. Ce sera l’objet du livre que vous préparez à partir de votre expérience. Dans le dossier de presse que vous avez rassemblé, j’ai trouvé particulièrement lourde de sens la lettre d’encouragement que vous avez reçue d’un ministre slovaque, dans laquelle il évoque la période communiste et rappelle, en citant Tocqueville, qu’il n’y a pas de liberté sans ordre moral.
Vous écriviez dernièrement dans Valeurs actuelles : « Je me bats pour que le débat puisse avoir lieu et que la pensée de l’Autre puisse être sinon entendue, du moins écoutée, parce qu’elle aura eu le droit de s’exprimer. » Je crois pouvoir vous dire, monsieur le député, que vous ne comptez ici que des amis ; l’académie est un lieu de liberté d’expression et de débat : elle est impatiente de vous entendre.
Christian Vanneste : Le sujet de ma communication est « politique de la famille ou des familles ? » Je vais donc vous parler effectivement de politique et de famille.
Et, tout d’abord, je voudrais, commencer par préciser un peu notre vocabulaire. Parce que, sur toute cette question, il y a souvent des imprécisions qui méritent d’être relevées et rectifiées.
L’ANTHROPOLOGIE
Je voudrais donc commence par me tourner vers un premier point en me tournant vers l’anthropologie.
L’événement fondateur de l’humanité : la famille et la société
On présente souvent la famille comme une sorte d’accident de l’Histoire, momentané, une sorte de mode qui comme toutes les modes va se démoder. Là encore, il faut préciser les choses.
Si vous vous référez, par exemple, à l’ouvrage de Lévi-Strauss Les Structures Élémentaires de la Parenté, vous apprenez bien évidemment que l’échange matrimonial n’est pas du tout un accident de l’histoire, que c’est un événement fondateur de l’humanité. L’humanité est née par la rencontre, comme le dit très bien Lévi-Strauss, de la nature et de la culture. Ce qui veut dire que l’homme effectivement, certes, a un aspect biologique, est un animal, mais qu’il construit quelque chose qui dépasse l’animalité.
C’est précisément dans la relation matrimoniale, dans l’échange matrimonial, que se situe ce passage, d’une façon extrêmement simple : d’une part, la rencontre de l’homme et de la femme a évidemment un but qui est d’ordre biologique et qui est d’assurer les nouvelles générations. La reproduction est au cœur, bien sûr, de la rencontre de l’homme et de la femme.
C’est la raison pour laquelle l’altérité des sexes, ou l’altérité de ce que certains appellent “les genres”,est évidemment une donnée fondamentale et qu’il convient de respecter.
Mais, en revanche, immédiatement, l’homme montre son humanité par deux aspects.
L’un est encore naturel. Il y a une règle typiquement humaine, qu’on ne trouve pas dans le règne animal et qui marque le passage précisément de l’animalité à l’humanité, c’est l’interdiction de l’inceste, ce qu’on appelle encore l’exogamie : « je dois trouver mon conjoint en dehors de mon groupe consanguin ».
Certains ont pensé pendant longtemps que c’était une sorte d’instinct. Non, ce n’est sans doute pas un instinct. Mais on comprend très bien que dès lors qu’on est obligé de trouver son conjoint en dehors du groupe consanguin, on est obligé de passer de la horde animale à la société.
C’est-à-dire à une société fondée quelque part sur un contrat ou un quasi-contrat, qui est fondé sur cet échange précisément : entre deux familles, entre deux clans, entre deux groupes, tout en sachant que, dans tous les cas, je ne peux pas me marier avec quelqu’un de mon groupe, de mon clan, de ma famille. Je suis obligé de trouver mon conjoint en dehors de mon groupe, de mon clan, de ma famille.
Et on comprend bien que c’est comme ça que l’humanité s’est tissée : en étant obligée d’aller doublement vers l’autre : vers l’autre de l’autre sexe et vers l’autre de l’autre groupe. Cette obligation est naturelle dans la mesure où elle est universelle chez l’homme.
En revanche, ce qui est également typiquement humain, c’est le côté culturel que souligne Lévi-Strauss, c’est que ceci s’est fait dans des conditions extrêmement variables dans l’humanité. Il y a de nombreux modèles d’échanges matrimoniaux différents – on peut les appeler “mariage” d’une façon très large.
Mais enfin cela donne naissance par exemple à des structures que l’on appelle des structures patrilinéaires, qu’on connaît bien parce qu’elles ont marqué notre civilisation. Il s’agit de celles où la femme s’intègre à la famille de son mari et souvent soumise d’ailleurs aux ancêtres masculins de son mari.
Mais vous pouvez aussi avoir une structure matrilinéaire où la femme reste dans sa famille tout en ayant un époux qui est extérieur à sa famille, et les descendants appartiennent au clan de la femme. On appelle ça une structure « matrilinéaire ». Et alors, curieusement, et même dans ces cas-là, où l’homme joue un rôle extrêmement faible et est à peine perçu sur le plan social, il y a toujours un modèle masculin. Et ce modèle masculin, c’est l’oncle maternel, c’est-à-dire le frère aîné de la mère.
Autrement dit l’enfant a toujours des repères qui sont des repères masculins ou féminins. Ceci varie. Je ne vais pas vous donner trop d’exemples parce c’est à peine une introduction.
Mais enfin tout ceci montre qu’il y a, à travers la variété, une très grande constance de la création de l’humanité.
J’ajoute à cela qu’en dehors de cette loi d’exogamie qui constitue l’humanité, il y a évidemment une autre loi qui est pratiquement aussi universelle que l’interdiction de l’inceste, c’est l’interdiction de l’homosexualité : l’homosexualité qui serait dans le fond une espèce d’endogamie folle puisque ce serait le lien à l’intérieur d’un même groupe et qui, de plus, serait, lui, incapable de se reproduire. Ce serait donc une sorte de négation à la fois de l’animalité et de l’humanité. C’est-à-dire une négation de la vie, tout simplement, comme l’Église l’a fortement remarqué. C’est le refus du don de la vie. Donc, effectivement, une sorte de position anti-vie en quelque sorte.
Et – contrairement à ce que certains pensent – il n’y a aucune société qui ait véritablement toléré l’homosexualité, aucune.
Souvent, vous savez, on cite les Grecs. C’est complètement faux ! Il y a eu des amitiés tolérées entre des hommes adultes, jeunes, et des adolescents, des éphèbes, jusqu’à ce qu’ils aient de la barbe. Quand le jeune est imberbe, alors c’est possible d’avoir une amitié très tendre pour lui. Au-delà, ce n’est pas possible. Et encore c’était possible dans une ville comme Athènes et dans d’autres villes, c’était parfaitement interdit.
Contrairement à ce qu’on dit également, Platon, s’il en parle d’une façon plutôt amusée ou amusante dans Le Banquet, l’interdit formellement dans Les lois.
Donc, si vous voulez, il n’y a pas du tout de société qui ait encouragé l’homosexualité ou qui l’ait même tolérée. Comme il y a également quelques cas d’inceste royaux en Égypte ou dans les îles Tonga, il y a également quelques cas d’homosexualité tolérée à des fins sociales, d’ailleurs parfaitement intégrée. Par exemple chez les Berdaches des sociétés amérindiennes où en gros on tolère qu’un homosexuel se “marie” avec une personne plus âgée que lui pour l’aider dans la vie parce que cette personne est seule.
Ces exemples sont des exceptions par rapport à l’interdiction universelle.
L’homme a beaucoup de variété dans ses comportements. Il peut être monogame, il peut être aussi polygame.
Et oui, il y a des sociétés qui ont admis la polygamie et là-dessus, il n’y a pas de loi humaine qui s’impose. Vous le savez très bien que l’islam a toléré la présence de quatre femmes au foyer. Et il se trouve que le prophète a été lui-même jusque onze. Alors, même si aujourd’hui beaucoup de pays, je pense en particulier à la Tunisie, se rallient à la monogamie, cela existe.
Il y a même des cas encore plus particuliers. Je pense au lévirat qui se trouvait chez les Juifs anciens où, lorsqu’une femme épouse un homme, elle épouse toute la famille, en fait. Si l’homme décède, elle devient automatiquement la femme de son frère cadet, etc., etc.
Ceci sont des variations sur un thème unique qui est l’échange matrimonial : je trouve mon conjoint dans l’autre groupe et je tisse avec lui une société.
la sexualité.
Deuxième point à préciser, c’est la sexualité.
Vous remarquerez que, de plus en plus, on emploie le terme sexualité uniquement pour désigner le plaisir sexuel, voire quelquefois les rapports sentimentaux qui accompagnent éventuellement, sur une longue durée, les plaisirs sexuels.
C’est une erreur fondamentale ! La sexualité est manifestement une dimension de la vie, une dimension des êtres vivants qui n’apparaît aussi qu’à un certain niveau de la vie des êtres vivants et qui n’apparaît qu’à un certain niveau de l’évolution. Elle suppose l’existence de deux sexes pour qu’il y ait procréation. C’est cela, la sexualité.
Beaucoup d’animaux, beaucoup de végétaux ont une sexualité qui ne s’accompagne que de peu de plaisir voire, chez les végétaux, pas du tout !
Le plaisir est donc une conquête en quelque sorte à un certain niveau de l’évolution qui peut caractériser sans doute les mammifères.
Mais enfin, je crois que pour bien comprendre ce phénomène-là, il faut se rappeler – et je ferai allusion ici par exemple aux travaux d’Henri Laborit ou bien encore de Boris Cyrulnik – que dans le fond, l’homme a trois cerveaux.
Il a bien sûr un paléocortex, un cortex reptilien, un cerveau reptilien qui correspond à tout ce qu’il peut y avoir d’instinctif chez lui. Pourquoi reptilien ? parce que, précisément, on pense que, chez les reptiles, il n’y en a pas d’autre. C’est-à-dire que la reproduction est chez eux quelque chose de parfaitement programmée, non seulement en tant que pulsion mais également en tant que mouvements nécessaires à obtenir la finalité de cette pulsion et choix de son objet.
Chez les mammifères et notamment chez les mammifères supérieurs, vous avez tout un développement de la vie affective qui se situe donc dans le mésocortex. Et l’on comprend bien que c’est là le siège des émotions. Autant on peut penser qu’un animal qui obéit uniquement à son instinct est programmé dès sa naissance, que ses comportements sont innés, autant lorsqu’on arrive à un être vivant dont beaucoup de comportements sont déterminés par des affects, on comprend bien que l’apprentissage joue un plus grand rôle.
Il n’y a d’ailleurs pas que l’apprentissage. Cyrulnik montre très bien, à la suite de Lorenz, par exemple, qu’il y a un rapport entre l’inné et l’acquis. Autrement dit : comme si l’animal savait ce qu’il doit faire, mais il ne savait pas ce qui doit déclencher ce qu’il va faire. C’est ce qu’on appelle l’imprégnation.
Et l’on comprend bien à travers cet exemple qu’un animal, tout en ayant un besoin, un désir instinctif, peut en quelque sorte se tromper de objet. Il suffit que l’imprégnation se fasse mal. Alors vous avez tous vu sans doute les images d’un Konrad Lorenz plongeant dans une mare, suivi par des petits canetons, tout simplement parce que les petits canetons suivent la première grosse chose qui bouge près d’eux lorsqu’ils sortent de leur œuf. Autrement dit : ils sont programmés instinctivement à un comportement enfant-parent mais si les hommes ont la mauvaise idée de remplacer le parent par un homme et bien leur comportement va s’effectuer par rapport à un homme.
Vous voyez très bien où je veux en venir. Cela peut être une des explications de comportements aberrants chez l’homme en matière sexuelle.
On peut très bien admettre que la sexualité ait un fondement dans le paléocortex dans la mesure où c’est un outil de reproduction. On sait, à l’évidence, que la vie affective joue un rôle considérable dans la vie amoureuse qui accompagne en général la sexualité. Mais là, ça se passe au niveau du mésocortex, au niveau de l’apprentissage. Et on sait tous ce que c’est que le “coup de foudre”, par exemple. Voilà le type même de phénomène qui se situe au niveau affectif, au niveau mésocortex. Et on peut très bien imaginer que si, par un concours de circonstances, la première relation qui éveille l’instinct ne soit pas éveillée par la présence d’un autre, de l’autre sexe, mais d’un même, du même sexe, eh bien on puisse avoir des comportements homosexuels par la suite. L’imprégnation est sans doute l’une des sources de l’homosexualité.
J’insiste là-dessus pour mettre à l’écart cette absurdité suivant laquelle l’homosexualité serait innée.
Vous avez des explications absurdes sur la longueur des doigts, sur la présence d’un gène au niveau d’un chromosome (c’est le XQ28 si je ne m’abuse) qui ferait que l’on serait homosexuel.
Ça n’a évidemment aucun sens parce que cela voudrait dire que le comportement sexuel chez l’homme serait entièrement programmé de façon innée – ce qui n’est vrai de pratiquement aucun comportement humain -, et qu’en plus, la nature commettrait une sorte d’impasse en programmant quelqu’un pour aller à l’encontre de ce qui est le but même de la sexualité, à savoir la reproduction, au niveau de la nature.
Donc il faut écarter cette idée, plutôt se tourner vers des solutions qui paraissent beaucoup plus justes. Il y a, Dieu merci !, aussi chez l’homme un néocortex ! C’est-à-dire un cerveau supérieur qui fait que, bon, c’est quelqu’un qui peut aussi être froid, qui peut, au-delà des sentiments qu’il a, construire sa vie avec un minimum de raisonnement.
Je vous invite à lire notamment les Mémoires du duc de Saint-Simon. À son époque, on ne choisissait pas son conjoint. Celui-ci était imposé par les normes sociales. Et Saint-Simon, montre que, précisément, comme c’était un homme qui respectait les valeurs, eh bien, il est devenu amoureux de sa femme. C’était sa femme, il ne l’avait pas choisie, mais il a eu avec sa femme des relations de grande affection et de grande fidélité, parce que, tout simplement, il avait choisi cette vie.
L’homme est capable de cela. L’homme est capable et de dépasser et son animalité et son affectivité.
Aujourd’hui, on voudrait, avec une sorte de psychologie de midinette, faire que tous les comportements soient innés, ce qui nous débarrasserait de toute espèce de responsabilité pour faire que tous les comportements et que tous les objectifs de la vie soient purement affectifs. Comme si on pouvait fonder une société uniquement sur des motivations affectives ! J’y reviendrai dans un instant.
Le mariage comme fondement de la société
Donc, une fois que l’on a bien compris que le mariage et la famille se situaient dans un axe anthropologique qui est bien défini. (On a bien vu que cet axe englobait bien sûr la sexualité mais à trois niveaux distincts en ce qui concerne l’homme). On peut se dire que dans l’Histoire évidemment le mariage a connu bien des évolutions et que nous sommes actuellement à une phase cruciale de ces évolutions.
Évolutions bien sûr à partir de cette famille patriarcale et agnatique des Romains ! Avec le pater familias ayant droit de vie et de mort sur ses enfants, jusqu’à notre époque, mais en passant par une époque – dont je pense qu’il ne faut pas la rejeter. Souvent, on dit : voilà, c’est l’Histoire, ne soyez pas nostalgiques, ne vous tournez pas vers le passé… Mais non ! L’Histoire est une somme d’expériences. Il n’est pas interdit de se dire qu’à un moment donné l’homme a trouvé de meilleures réponses qu’à d’autres moments, aux problèmes qu’il affronte.
Et, en ce qui me concerne, je n’irai pas par quatre chemins, je pense que, de ce point de vue, le mariage chrétien a représenté une sorte d’idéal, d’apogée, des relations humaines qu’il n’est pas interdit de vouloir préserver ou tout au moins magnifier.
En quoi consiste le mariage chrétien ? C’est d’abord un sacrement – je parle du mariage catholique, vous m’excuserez, c’est vrai que pour les protestants, ce n’est pas un sacrement. C’est donc une dimension de la vie à laquelle on donne une valeur sacrée parce qu’effectivement, le mariage n’est pas un événement banal. Il est constitutif de la société d’une part et il est constitutif de ce qui va permettre la continuité de l’humanité d’autre part. C’est donc un événement qui mérite beaucoup de respect.
C’est la raison pour laquelle il doit consacrer des relations entre un homme et une femme, relations qui doivent être pénétrées d’un égal respect de l’un pour l’autre. Et si vous lisez le Compendium de l’Église, vous remarquerez qu’effectivement, on insiste bien sur cette notion de respect réciproque et égal. Le mariage chrétien est, contrairement à ce qu’on dit souvent, un mariage égalitaire où l’homme et la femme ont les mêmes droits, et le droit au même respect, même si on accepte que leur mission sociale soit différente. Mais cela dépend en grande partie du contexte économique, je ne pense pas que ce soit tout à fait essentiel.
C’est aussi, et c’est sans doute le point le plus discutable, un mariage qui est indissoluble. C’est un engagement pour la vie qui exige une fidélité de chacun des époux l’un pour l’autre. Là, je crois sincèrement que cela vise tout simplement l’accueil des enfants. Il faut, pour que les enfants soient accueillis de la meilleure façon, accompagnés de la façon la plus forte, et le plus longtemps possible, que le mariage soit le plus solide, le plus pérenne, possible. Et on se rend bien compte que lorsque, aujourd’hui, on dit : le but de la famille, c’est l’enfant, eh bien le mariage chrétien repose tout à fait sur cette idée que le but effectivement d’un mariage, ce sont les enfants et l’accompagnement des enfants.
Je crois que cela méritait d’être rappelé tout en soulignant le fait que le mariage chrétien n’est pas du tout une antiquité ! Que, dans le fond, il a atteint un point culminant dans la génération qui a suivi la deuxième guerre mondiale, c’est-à-dire, très simplement, ma génération. Je vous donne les chiffres. Pour les gens qui sont nés en 45-50, il n’y a qu’une personne sur 10 qui ne soit pas mariée. Neuf personnes sur dix se marient. Nous en sommes très loin. Désormais, c’est 1 sur 3 qui se marie. Ce qui est très peu.
LES FAMILLES AUJOURD’HUI
Et donc, on voit bien qu’on est passé dans un autre contexte et c’est la raison pour laquelle je voudrais, si vous le voulez bien, vous citer quelques chiffres qui permettent de cerner le problème auquel nous sommes confrontés : celui des mariages éventuels, des familles éventuelles, que l’on envisage aujourd’hui.
L’évolution démographique
L’évolution démographique repose sur un certain nombre de points qui doivent être connus.
Le déclin du mariage
Le premier point, malheureusement, c’est précisément le déclin du mariage. Les chiffres sont parlants. En 1970 on a encore 394 000 mariages en France. On est tombé en 2003 à 279 000 mariages. Donc, une chute sévère dans la mesure où on se marie également de plus en plus tard, comme s’il y avait une peur de la vie, comme s’il y avait un choix de la précarité, comme s’il y avait un refus de l’engagement.
Et effectivement, aujourd’hui, l’âge moyen, pour les hommes du mariage est de plus de 30 ans (30,4, très exactement) et pour les femmes un peu moins, 28,2. On voit donc bien qu’il y a là un recul évident.
A contrario, on a un développement de l’union libre qui se traduit par un très grand nombre de naissances en dehors du mariage, un très grand nombre de naissances avant le mariage. En ce qui concerne le premier enfant, c’est même devenu majoritaire. Mais il faut savoir que, globalement aujourd’hui, il y a 44 % des enfants qui naissent hors mariage, c’est-à-dire qui naissent dans une certaine précarité quant à l’avenir de la cellule familiale à laquelle ils appartiennent.
Les unions sont également beaucoup plus fragiles que dans le passé. Et il suffit de comparer le nombre des mariages à celui des divorces. On s’aperçoit là qu’en 1990 il y avait 297 000 mariages et 105 000 divorces. En 2003, il y a 279 000 mariages mais 125 000 divorces. Autrement dit l’étau se resserre. On peut imaginer le moment où il y aura autant de divorces que de mariages. Il y a en 2002, 42 divorces pour 100 mariages, il n’y en avait que 12 en 1990. Vous voyez, c’est une progression tout à fait considérable vers la précarité et vers l’instabilité.
Les familles monoparentales ou recomposées
On a aussi un autre phénomène, et là nous abordons le vif du sujet, c’est le développement des familles monoparentales ou recomposées.
Ces familles monoparentales sont la plupart du temps composées d’une femme et de son ou de ses enfants, mais, curieusement, le nombre des hommes conduisant une famille monoparentale augmente. Il atteint aujourd’hui à peu près 20 % de l’ensemble avec tous les problèmes d’ailleurs que cela pose dans la mesure où, par exemple, c’est beaucoup plus difficile pour un homme qui vit dans ces conditions d’avoir de bons rapports avec son entreprise que pour une femme. Là, on est vraiment dans une rencontre où nos habitudes mentales et la situation réelle se contredisent. On accepte plus difficilement qu’un homme diminue son temps de travail pour faire face à des situations qui sont celles d’un père célibataire.
Les personnes qui vivent seules
Alors, nous avons également une progression des personnes qui vivent seules. Aujourd’hui, les personnes qui vivent seules correspondent à 14 % de la population. Ç’est évidemment assez vrai, cela a toujours été vrai, du nombre des veuves. Mais c’est vrai aussi des personnes jeunes qui, soit n’ont pas contracté de mariage, soit ont déjà mis fin à leur mariage et donc vivent seules et sans enfant.
Donc 3 millions d’enfants, soit 1 enfant sur 5 ne vit pas avec ses deux parents. Et quand on fait le détail, on s’aperçoit qu’il y a plus de 2 millions qui ne vivent qu’avec 1 parent – la grande majorité, évidemment, avec la mère : 14 % avec la mère et presque 2 % avec le père. Il y a également 800 000 enfants qui vivent avec 1 de leur parent et 1 beau-parent, donc dans une famille qui est recomposée.
L’EFFONDREMENT DE LA FAMILLE OU LA DIFFICILE INTEGRATION DANS LA SOCIETE
Les familles sont donc fondées plus tardivement et elles sont moins nombreuses. Le constat est donc relativement triste. On a un effondrement, il faut bien le dire, de ce qu’on appelle la famille traditionnelle, la famille chrétienne comme je le citais tout à l’heure.
Elle est de moins en moins répandue, elle dure de moins en moins longtemps, elle est de moins en moins choisie puisque, encore une fois, on ne se marie quelquefois que lorsqu’on a trois enfants, par exemple. Ce qui est un signe évident de difficulté à s’intégrer à la société et à ses institutions.
Alors, certains donnent des explications. Par exemple, une explication était donnée dans les auditions du rapport de Madame Pécresse sur la famille. On dit : « voilà, nous sommes dans une société qui a choisi le sentiment et qui pense que le sentiment est quelque part défloré par l’institution ». Donc, c’est très bien tout ça. Ça montre que nous sommes plus honnêtes, nous sommes plus authentiques.
Je ne le pense pas du tout. Je pense que précisément si on prenait cette explication pour vraie, on se situerait au niveau du mésocortex, on aurait complètement perdu notre néocortex, c’est-à-dire notre capacité d’envisager l’avenir de façon rationnelle et pour l’ensemble de la société, ce qui quelque part est un fameux handicap.
Donc je crois que c’est plutôt véritablement un phénomène préoccupant et un phénomène qu’il faut regretter.
Dans ce contexte : les “familles homoparentales”
Un mot peut-être pour les familles qu’on appelle d’un mot que, personnellement, je ne partage pas mais que je suis obligé d’employer ici, ce sont les familles “homopatentales”.
Vaste sujet pour certains mais qu’on pourrait traiter relativement vite.
Il y a une querelle des chiffres. C’est un indice intéressant, cette querelle des chiffres. Pourquoi ? Parce que le groupe de pression favorable à l’homosexualité ne cesse de bombarder, grâce à ses nombreux et puissants relais dans les médias, le pauvre public français d’informations complètement fausses ! Mais qui finissent par s’imposer à force d’être répétées.
C’est la raison pour laquelle, systématiquement, on vous dira qu’il y a 300 000 “familles homoparentales” en France. C’est complètement faux ! C’est un chiffre arbitraire qui a été calculé en faisant la moyenne du nombre d’homosexuels. En principe, les plus généreux disent 10 %. Il n’y en a pas 10 %. Les moins généreux disent 2 % ou 4 % suivant les sexes. Donc, ils ont fait la barre au milieu : 7 %. Ensuite, ils ont tablé sur le fait que tous les homosexuels interrogés, tout au moins dans un sondage qui disait : « qui veut être parent doit être parent ». Donc, ils ont dit : il y a 37 % de gays qui veulent être parents, ce qui veut dire qu’il y a 37 % par rapport à la masse de 10 %.
Je vais m’arrêter là parce que c’est à peine sérieux et vous arrivez à 300 000, chiffre qu’absolument rien ne peut fonder.
Si vous vous tournez maintenant vers une institution sérieuse qui est l’INED, là on a une extrapolation parce que vous savez que les Français sont un peu terribles : quand ils sont un problème, ils jouent un peu le médecin qui casserait le thermomètre, c’est-à-dire qui se rendrait incapable d’évaluer la hauteur du problème.
On ne doit pas savoir donc par exemple qui est étranger ou d’origine étrangère ; on ne doit pas savoir quelle est la religion ; on ne doit évidemment pas savoir quelle est l’orientation sexuelle que pourtant l’on protège. C’est un peu compliqué.
Ce qui fait qu’on ne peut le faire que par extrapolation par rapport aux pays qui, eux, sont honnêtes ! Comme les Pays-Bas où on dit : voilà, chez nous il y a tant de couples homosexuels qui ont des enfants. Et donc, quand on fait cette extrapolation, que l’on repporte les chiffres hollandais de façon proportionnelle à la France, on tombe à 20 000, ce qui est quand même très éloigné. Il y aurait 20 000 “familles homoparentales”. Dans notre pays, cela ne fait pas de cette question une question tout à fait cruciale comme certains tendraient à la faire croire.
BILAN
Les familles monoparentales sont en nette augmentation. On est passé, en 1968 de 719 000 à 1 million 4, c’est-à-dire un doublement, en 1999.
Voyez que, si on s’arrête aux chiffres, le bilan est tout à fait inquiétant et mérite que l’on y réfléchisse.
Le “rapport sur la famille”, Bloche – Pécresse
Une réflexion a été menée, précisément, par les parlementaires dans le cadre du rapport, (je ne faisais pas partie de la Commission, malheureusement. Je vais vous faire une confidence : je n’ai pas pu faire partie de la Commission parce qu’on avait jugé que j’étais trop dangereux. Donc, j’ai été exclu). Elle a été présidée par monsieur Bloche, membre éminent du parti socialiste, et partisan forcené de la reconnaissance de l’“homoparentalité”, du mariage homosexuel, etc. et le rapporteur était, Dieu merci, madame Pécresse qui est une député des Yvelines, si je ne m’abuse, et qui ne l’a pas suivi, heureusement, sur ces différents terrains.
Cela dit, je voudrais simplement vous citer quelques phrases qui vous situent bien le problème.
Lorsque vous analysez le contenu du rapport sur la famille, Bloche-Pécresse, vous vous dites que, il y a deux positions qui s’entrechoquent et qui toutes les deux sont négatives.
La première position, c’est l’aveuglement enthousiaste. C’est l’attitude de monsieur Bloche.
Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Tout ça doit encore évoluer dans ce sens-là. Nous fonçons vers le mur mais il faut y aller encore plus vite en klaxonnant (si vous me passez cette expression).
Je lis ce que dit monsieur Bloche : « Moi, je ne peux pas voter le rapport, il ne va pas assez loin », il dit exactement ceci : « Le rapport ne nie pas l’explosion des naissances hors mariage, la multiplication des recompositions familiales, le choix d’élever un enfant seul ou avec un compagnon ou une compagne du même sexe, le succès du PACS qui a déjà répondu à l’attente de 340 000 de nos concitoyens, mais, s’il présente ces changements, c’est pour les regretter. La mission souhaitait voir la société telle qu’elle est, non telle qu’elle l’imagine. Je crains que la majorité de ses membres n’ait en définitive préféré la voir telle qu’elle la souhaiterait. »
Autrement dit, Bloche dit carrément : « mais c’est merveilleux tout ce qui nous arrive ! Tous ces gens qui naissent hors mariage, toutes ces familles recomposées, tous ces couples homosexuels qui veulent avoir des enfants, c’est extraordinaire ! » Vraiment, c’est un cri de triomphe. Il est simplement déçu que la mission ait fait un autre choix.
Mais en face de cet aveuglement de monsieur Bloche, il y a – je dois le dire – une très grande hypocrisie, en fait, de la majorité actuelle qui ne veut pas véritablement voir les problèmes. Et qui, chaque fois qu’elle a à définir un des éléments du problème, le définit à mon avis très mal.
Par exemple, qu’est-ce que c’est que la famille pour madame Pécresse ? « La famille reste un point de repère fondamental de la société, un lieu symbolique où se construisent les rapports entre les sexes, entre les générations et entre l’autorité et la liberté ». Voilà une façon bien abstraite de définir la famille et qui même me pose problème parce que la famille, ce n’est pas un point de repère. Ce n’est pas quelque chose que l’on regarde de loin en disant : voilà mon étoile. Non, pas du tout. La famille c’est un lieu de vie, c’est un lieu d’amour, c’est un lieu d’éducation : c’est un lieu fondamental mais ce n’est pas un lieu symbolique.
Qu’est-ce que cela veut dire : symbolique ? Est-ce que c’est symbolique au sens du geste symbolique ? c’est-à-dire quelque chose qui a un sens mais qui n’a plus beaucoup d’importance ?
Je crains beaucoup l’emploi de ce mot « symbolique ». Manifestement la famille, pour moi, ce n’est pas du tout quelque chose de symbolique. C’est quelque chose qui est fortement signifiant et fortement réel.
Donc vous voyez, on peut ici souligner cette double erreur, à mon avis. Et de la majorité et de l’opposition à ce sujet et qui peut se décliner en quatre points.
Le premier, c’est tout simplement l’oubli systématique de la dimension sociale de la famille. La famille, encore une fois, ce n’est pas un lieu symbolique, c’est le lieu où la société se perpétue non seulement physiquement, lorsqu’on a des enfants, mais aussi sur le plan de l’enseignement et de l’enseignement de ce qui est essentiel, à savoir les valeurs. L’intégration sociale, c’est ça, la famille. Ce n’est pas du tout un lieu symbolique que l’on peut regarder avec un mélange d’admiration, de compassion et de nostalgie.
Donc, oubli de la dimension sociale.
Deuxièmement : sacralisation de l’enfant.
Vous savez, il faut toujours se méfier lorsqu’on en fait trop, lorsqu’on est trop généreux dans ses paroles. Il faut toujours être soupçonneux lorsque quelqu’un est emphatique. Parce que souvent, l’emphase cache le contraire. Et lorsqu’on parle trop de l’enfant, c’est peut-être aussi parce que, précisément, on n’en fait plus assez. C’est ça, la réalité. Parce qu’on n’en tient pas suffisamment compte, cette espèce de sacralisation de l’enfant correspond bizarrement à une société qui s’en occupe de moins en moins.
Et il y a un signe de cela. Les sociologues, depuis Durkheim, se sont toujours penchés sur la signification sociologique du suicide. Et, depuis Durkheim, on sait que ça peut être considéré comme une sorte de mesure de l’intégration sociale.
Dans une société qui est en voie de désintégration – que Durkheim appelle « anomique » – par exemple lorsqu’il y a une crise économique eh bien les gens se suicident plus.
En revanche – référence durkhémienne toujours – lorsqu’il y a une guerre, forcément, on se serre les coudes, on retrouve une cohésion nationale, par exemple, très forte, on se suicide moins. Vous me direz qu’on meurt d’autre chose. Mais on se suicide beaucoup moins.
Eh bien, ce qui est très frappant dans notre société c’est que nous avons des signes inquiétants d’évolution du suicide.
Globalement, le suicide n’augmente pas. Il aurait plutôt tendance à régresser ce qui est plutôt paradoxal parce que les personnes qui avaient le plus tendance à se suicider, d’après Durkheim, c’étaient les célibataires âgés. Or, il y a de plus en plus de célibataires âgés. Mais il semble qu’ils ne vivent pas trop mal et que dans le fond, ils ont plutôt tendance à s’accrocher à la vie.
Que se passe-t-il aujourd’hui ? Il se passe que ce sont précisément les jeunes qui se suicident plus, qui ne se suicident pas le plus. Mais qui se suicident plus parce que les chiffres se rapprochent. Et donc on est en face du type même d’évolution « anomique » du suicide, c’est-à-dire d’évolution qui traduit un malaise dans la société.
Je vous lis rapidement un ou deux passages de l’ouvrage de Christian Baudelot, qui a été mon professeur il y a bien longtemps maintenant, qui dit : « Bien qu’assujettis à des charges supplémentaires, les chargés de famille se suicident moins que les autres. Le tableau dressé par Durkheim au XIXe siècle est convaincant, on peut le renouveler dans la France contemporaine. » C’est-à-dire que, plus vous êtes dans une famille et plus vous êtes en charge de famille, eh bien moins vous songez à mettre fin à vos jours.
Les homosexuels, vous le savez, sont particulièrement frappés par le suicide, mais je ne développerai pas ça maintenant, je le ferai éventuellement s’il y a une question.
Deuxième citation : « Le renversement des taux entre les générations est le phénomène le plus spectaculaire. À une croissance exponentielle selon l’âge des taux de suicide succède à partir des années 1970 (remarquez, c’est exactement les années où précisément le nombre des mariages diminue de façon fort importante) une uniformisation des taux qui combinent une montée du suicide des jeunes et la baisse du suicide des plus âgés. Cette montée du suicide des jeunes traduit crise dans la conscience de soi. »
Comment voulez-vous vous construire vous-mêmes quand vous n’avez plus les repères ou quand notamment vous avez des parents qui sont très peu présents, qui ne sont même plus présents du tout pour l’un des deux ou qui ne jouent plus leur rôle, ou qui ne peuvent plus jouer leur rôle parce que précisément ils n’ont pas entre eux l’altérité nécessaire fondamentale en ce qui concerne l’anthropologie du mariage ?
Le triomphe de l’individualisme
Tout ceci me conduit à un troisième élément qui est bien sûr le triomphe – évident ! qui pourrait le nier ? – de l’individualisme dans notre société. Et ce que Tony Anatrella a fort bien appelé d’une façon psychanalytique « le règne de Narcisse », c’est-à-dire de l’amour de soi qui est de plus en plus présent, du repli de chacun sur soi avec le souci constant de son image, avec les risques que cela présente parce que précisément l’image ne correspond pas à ce que l’on souhaiterait qu’elle soit. Le narcissisme est précisément l’une des causes repérées par les psychanalystes, de l’homosexualité.
Quand je m’aime, moi, j’ai beaucoup de mal à aimer quelqu’un qui n’est pas exactement comme moi. Et même j’ai tendance à m’aimer tel que j’étais au moment où je m’aimais le plus. C’est-à-dire lorsque j’étais jeune et beau, c’est-à-dire lorsque j’étais adolescent. D’où cette espèce de fascination qu’ont en général les homosexuels pour l’éphèbe, qui ne bougera jamais, qui sera toujours merveilleux. Vous avez d’ailleurs des écrivains qui ont écrit de très belles choses là-dessus.
Mais, en tout été de cause, le narcissisme est extrêmement présent dans notre société. Il est plus que présent dans les médias qui ne recouvrent pas toujours l’essentiel. Ce qui explique pourquoi l’homosexualité est à ce point véhiculée en ce moment puisque vous avez un phénomène d’aller-retour, en quelque sorte, entre une société qui développe l’individualisme et le narcissisme et qui permet aux plus narcissiques des narcissiques d’occuper des postes qui leur conviennent parfaitement bien puisque ce sont des postes de communication où ils sont extrêmement performants puisque, plus vous êtes narcissique, plus vous aimez rayonner, plus vous aimez être adulés par les uns et par les autres et, par là même, plus vous aimez communiquer. Vous aimez aussi beaucoup le monde politique. Je ne veux pas développer cela.
La disponibilité économique
Je voulais donner un dernier point, c’est, bien sûr, la disponibilité économique.
Il ne faut pas non plus se cacher derrière la réalité du contexte économique. Sur le plan économique, cette évolution néfaste pour l’instant arrange bien des gens. Dans la mesure où on souhaite n’avoir que des consommateurs, de moins en moins de producteurs et où on souhaite bien sûr que les femmes passent le maximum de leur temps à travailler ou à consommer.
Il faut savoir que la France, de ce point de vue-là, représente un sommet puisque nous avons un taux de femmes qui travaillent entre 24 et 49 ans qui est pratiquement un record, c’est 82 % des femmes qui travaillent, tout en ayant d’ailleurs – ce qui est le paradoxe français mais ça, pour le coup, ce n’est pas un défaut – un taux de naissance qui est l’un des plus élevés également, qui est de 1,92 enfant par femme. Vous savez que la plupart des autres pays européens qui connaissent par ailleurs les mêmes évolutions que nous en ce qui concerne le divorce, les familles monoparentales, etc, eux sont carrément en train de se suicider au grand jour. Quand vous avez des pays comme l’Italie qui sont à 1,2 ou comme l’Espagne à 1,4, etc. l’Allemagne qui doit être à 1,6, ce sont des pays qui se suicident ! qui sont complètement incapables de renouveler leur population.
Et là, je me retourne à nouveau vers le néocortex, je dis : « Mais attendez ! Personne ne pense qu’on ne peut pas avoir une société de vieillards ? qui ne pourront plus être aidés par des jeunes qui ne seront plus assez nombreux pour entretenir la richesse de cette société ? À moins que de faire appel massivement à une immigration qu’on ne pourra plus intégrer dans la mesure où elle sera trop massive ». Et je vous dis ça sans aucune espèce d’attitude anti-immigrés. Il suffit de vous reporter à ce que j’ai dit dans mes interventions sur le texte que nous avons récemment voté.
La politique
Alors, à partir de là, à partir de ce constat, sur le plan politique – puisque vous m’avez interrogé sur la politique de la famille ou des familles – on peut dire qu’on a une sorte d’attitude schizophrène qui consiste à multiplier les mesures sociales pro-famille tout en multipliant les mesures sociétales anti-familiales. Comme si on faisait deux choses exactement en sens contraire.
Quand il s’agit de donner des moyens, sonnants et trébuchants, de créer des structures, alors là, on est pro-famille.
Mais quand il s’agit de dire : « Nous sommes pour la liberté, nous sommes pour l’égalité, nous allons vous donner encore plus de liberté, encore plus d’égalité », alors là, nous démolissons systématiquement la famille.
La politique sociale
Il suffit de passer en revue un certain nombre de choses qui se sont décidées.
Vous avez eu d’excellentes mesures notamment, -que j’ai soutenues personnellement avec enthousiasme -, c’est par exemple « Les dix mesures pour la famille » de Christian Jacob de 2004, mesures qui ont permis, notamment, de mettre en place la “paje”, la prestation d’accueil du jeune enfant, qui permet à toute famille qui accueille un enfant de recevoir une aide pour la garde. Et ensuite de permettre à toute famille, quel que soit son niveau de revenu, de choisir entre les différents modes de garde.
Et, de ce point de vue-là, permettez-moi de dire que je suis très fier des mesures qui ont été prises par le gouvernement depuis 2002 pour aider au développement de l’accueil des enfants dans ce pays.
La France est tout à fait en pointe dans ce domaine, que ce soit en matière notamment d’aide aux assistantes maternelles, ou de créations de crèches. Je pense notamment à une mesure de Christian Jacob qui était de créer des crèches dans les entreprises, avec, évidemment, un soutien fiscal aux entreprises qui le font. C’est une très bonne mesure, très concrète, très efficace. Chaque entreprise peut parfaitement créer une crèche puisqu’en plus elle est gagnante sur le plan de sa fiscalité, et selon sa taille et ses besoins.
Je pourrais vous citer aussi les mesures qui ont été prises par monsieur Bas. Je pense notamment au soutien aux aidants familiaux qui date de juillet de cette année, à la suite de la Conférence nationale de la famille. Les aidants familiaux qui, là, sont plutôt tournés vers d’autres problèmes, celui que j’évoquais il y a un instant, c’est-à-dire les personnes âgées. Beaucoup de personnes âgées demeurent seules, ont besoin d’une aide considérable et la personne qui va les aider ne va pas le faire uniquement, dans la société dans laquelle nous vivons, par solidarité familiale. Elle aura besoin d’une aide concrète. Et par là même, il faut aider les aidants familiaux. Cela a été une chose qui a été mise en œuvre, donc, à partir de juillet.
Je pense également au plan « petite enfance » qui multiplie encore les aides en ce qui concerne l’aide aux crèches, aux micro-crèches, aux crèches d’entreprise et qui permet l’accompagnement de la mise en œuvre de la loi promulguant les professions d’assistants maternels et familiaux.
Là-dessus, on est irréprochable. On fait le maximum dans les moyens qui sont les nôtres.
Le mariage et le PACS
Mais par ailleurs, nous avons aussi largement ouvert les vannes du divorce.
Nous facilitons le divorce puisque, après la loi de 1975 qui facilitait le divorce, nous avons cru bon voter celle de 2004 qui le facilite encore davantage. Il n’est plus question de faute, c’est vraiment du consentement mutuel, c’est extrêmement simple. Ça se fait de plus en plus vite, comme si, il était logique que le divorce suive le mariage et qu’on en facilite la procédure.
Je pense également à tout ce qui correspond bien sûr au PACS. Je crois que là, c’est quelque chose sur quoi il faut que je m’appuie davantage.
Vous savez que, en 1999, la majorité précédente a cru bon créer ce dispositif qui paraissait une sorte de mariage au rabais fait pour les homosexuels. En gros, c’était ça, l’idée.
Cela a beaucoup changé, parce qu’au point de départ le PACS présentait des avantages par rapport au concubinage qui est très répandu, de plus en plus répandu, mais présentait aussi des inconvénients par rapport au mariage, notamment sur le plan fiscal, sur le plan de la succession. Nous nous sommes empressés, depuis 2002, de faire en sorte qu’il y ait de moins en moins de différences. On a encore voté une loi proposée par monsieur Clément, cette année, qui met pratiquement au même niveau le PACS et le mariage en matière de succession, en matière de possibilité pour le “conjoint” de garder la maison pendant un an au-delà de la mort de son “conjoint”, par exemple.
La même chose également, – ça, c’était déjà depuis 2005, c’était Sarkosy qui l’avait fait – en matière fiscale : égalité de plus en plus nette entre les mariés et les pacsés. On leur permet eux aussi de faire une déclaration dès la première année alors qu’avant il fallait trois ans.
Ce n’est pas par hasard, trois ans. C’est parce que, précisément, par définition, les couples pacsés sont beaucoup moins fidèles et beaucoup moins constants que les couples mariés. Donc, on avait mis trois ans pour être en quelque sorte certains qu’on n’utilise pas la PACS comme un procédé pratique. Ce qui est le cas !
Il faut savoir que, dès la première année du PACS, on estimait à 4 000 le nombre des PACS blancs, des faux PACS, dans la seule Éducation nationale, soit 15 % du total des PACS enregistrés, afin de faciliter les mutations. C’est plus facile, vous comprenez, parce qu’ensuite, une simple lettre recommandée et c’est fini : il n’y a plus de PACS ! Mais on a eu la mutation…
Voilà le problème que l’on a ouvert sans du tout y penser et, personnellement, je le déplore.
Et enfin, il y a quelque chose de beaucoup plus grave encore, c’est l’évolution du nombre des PACS. Vous l’avez entendu tout à l’heure lorsque je citais monsieur Bloche : 340 000 concitoyens qui attendaient le PACS se sont précipités sur ce dispositif merveilleux. Mais, qui sont-ils, ces citoyens ?
L’évolution est très nette. En 2005, il y eu 60 000 PACS. Donc, succès : on est passé de 15 000 à 60 000 sur quelques années. Quadruplé.
Mais 15 % d’entre seulement d’entre eux concernent des couples homosexuels. C’est-à-dire que le PACS est désormais un dispositif qui est fait essentiellement pour des couples hétérosexuels, qui pourraient donc parfaitement se marier, qui d’ailleurs – pour certains – vont le faire plus tard.
Mais on se rend bien compte de ce que l’on a fait. Vous savez, cela rappelle tout à fait la formule qu’on emploie en économie : « La mauvaise monnaie chasse la bonne », « le mauvais mariage chasse le bon ». On a trouvé un dispositif qui va donner à peu près les mêmes avantages que le mariage : sur le plan fiscal, sur le plan de la vie professionnelle, etc. sans avoir les inconvénients de l’engagement.
On va tout à fait dans le sens de ce refus de l’engagement de l’homme et de la femme modernes. « Je ne prends pas d’engagement à long terme, ce qui veut dire : Je ne suis pas libre ! » Parce qu’être libre, c’est vouloir ce que l’on veut. C’est vouloir aujourd’hui, ce que l’on devra vouloir demain parce qu’on sera engagé. Aujourd’hui, on refuse complètement cela. On est passé de la liberté responsable au caprice libertin.
Comment voulez-vous bâtir une société sur ce rail de Narcisse qui est l’individualisme et l’éphémère. « Je veux ce que je veux et pour l’instant, je ne sais pas demain si je le voudrais encore ». Comment peut-on bâtir une société sur l’individu et sur l’éphémère ?
La société ne peut être fondée que sur le groupe et sur le temps. Encore une fois, c’est la famille qui assure et cette existence de la solidarité du groupe et cette dimension temporelle qui commence à faire singulièrement défaut.
Il faut dire que globalement on a aujourd’hui ce que l’on pourrait appeler « des unions à la carte ». C’est-à-dire que le rapport à l’autre n’est plus un rapport d’engagement réciproque et fondé sur le respect, c’est vraiment : on se sert. C’est un engagement à la carte. Je peux choisir suivant mon humeur, selon la situation dans laquelle je suis, soit le concubinage (pourquoi pas ? il est maintenant très répandu), soit le PACS, soit le mariage : « je le choisirais peut-être un jour, mais pas tout de suite… Il faut savoir si, effectivement, le temps m’en donnera l’occasion ».
C’est tellement plus facile de se trouver dans l’une des deux premières solutions, puisque je peux y mettre fin d’une façon extrêmement simple et brutale, pour l’autre, notamment. Pour l’autre pour lequel la société aura du respect puisqu’elle renforce ses droits, mais pour lequel, moi, je ne suis pas du tout obligé d’avoir du respect. Rappelez-vous cela. Je peux le congédier par lettre recommandée.
Je ne suis d’ailleurs absolument pas conduit à être fidèle. Le PACS ne demande pas la fidélité, absolument pas. Cela ne fait pas partie des engagements du PACS.
Autrement dit, on accepte une union qui, pratiquement, est sans charges, sans charges à long terme. Et on en fait presque un modèle !
La politique : reflet ou valeur
Alors, je pense que lorsqu’on a fait un teltableau, il faut se poser une question importante – cela m’amènera à la conclusion.
Cette question importante, c’est Monseigneur Vingt-Trois qui l’a très bien posée, lors de son audition devant la Commission Bloche-Pécresse.
C’est tout simplement la question de savoir si le politique, lorsqu’il fait le droit, le législateur, doit simplement suivre la tendance de la société ou bien si, aussi, il peut avoir des valeurs qui lui paraissent nécessaires à cette société et dont il pense qu’il faut les imprimer, dans la société.
Je crains, malheureusement, que le choix ait été fait uniquement en faveur de la première option. Et c’est ce que disait l’archevêque de Paris. Il disait : « Différents aménagements législatifs de ces dernières décennies reposent sur l’idée que le mariage n’est qu’un contrat purement privé entre deux individus, fondé sur la seule affectivité, et sur un désir d’union dont ils définiraient eux-mêmes les conditions et à laquelle ils mettraient un terme quand ils le souhaitent. Si l’on persévère dans cette vision, on retire toute possibilité d’expression de l’intérêt de la société dans le mariage. »
C’est quand même un peu terrible que ce soit un évêque qui vienne rappeler cela à des députés : qu’il faut aussi penser à l’intérêt de la société, et pas seulement à faire plaisir à l’affect des gens. Parce que ce sont des électeurs, il faut leur faire plaisir. Je résume l’intervention de Monseigneur Vingt-Trois : La société se prive de son droit légitime de dire en quoi le mariage importe à sa stabilité et à son renouvellement. On a tout dit : à sa stabilité et à son renouvellement.
Alors, ce qui est très drôle, quand vous lisez les auditions, vous vous rendez compte que, après, vous avez le rabbin Sitruc et après, vous avez monsieur Pilorge qui est le Grand secrétaire de la Grande Loge française : ils disent exactement la même chose. Ce qui veut dire que ce n’est pas uniquement aussi une pensée catholique, c’est une pensée d’hommes qui réfléchissent et qui ont une conception responsable de la société.
L’homosexualité et la famille
J’en terminerai par un dernier point, si vous le voulez bien qui nous amènera peut-être à la discussion : c’est le problème effectivement de l’homosexualité et de la famille.
Chacun, aujourd’hui, prend bien conscience du fait qu’il y a une revendication très forte du groupe de pression homosexuel en faveur d’une reconnaissance familiale de l’homosexualité sous la forme du mariage homosexuel et sous la forme également de l’adoption homosexuelle.
Ces revendications sont largement poussées. Elles ont quelquefois dans les sondages des échos favorables. Une certaine majorité de Français dans ce cas donnent aujourd’hui une préférence au mariage, pas à l’adoption. Ils sont beaucoup plus réservés en général quand il s’agit des enfants parce qu’ils se disent : « quand même, quoi, un enfant – comme le dit très bien le rapport Pécresse -, ce ne sont pas les homosexuels qui ont le droit à l’enfant. C’est l’enfant qui a le droit à une famille. Il ne faut pas inverser les rôles. Il y a un droit de l’enfant qui est beaucoup plus important que le droit à l’enfant. Il n’y a pas de droit à l’enfant.
L’enfant n’est pas une marchandise qu’on puisse aller faire procréer par une mère porteuse en Hollande. Ce n’est pas une marchandise.
De ce point de vue-là, la loi française est très précise et forte et il convient de la soutenir.
Donc, il y a des revendications assez fortes, quelquefois entendues, qui sont totalement infondées. Totalement infondées pour trois raisons.
La première, c’est que l’existence même de la famille est, comme je vous l’ai indiqué d’emblée, fondée sur la reconnaissance de l’altérité. Et des deux points de vue : soit parce qu’il n’y a pas de possibilité réelle de procréation sans altérité, soit il n’y a tout simplement pas d’affirmation de l’humanité sans la présence des deux grandes parts de l’humanité, l’homme et la femme. C’est donc un renoncement à l’humanité que l’acceptation de l’homosexualité.
Je le dis très fortement, je ne le dirai pas publiquement parce que je me retrouverais encore devant les tribunaux. Mais à vous, je vous le dis. Je pense qu’il y a là un acte très fort.
Il faut bien se mettre devant cette évidence que si nous acceptions cela, comme certains pays l’ont fait, nous renoncerions du même coup à un fait fondamental de notre humanité.
Il y a ensuite, de façon beaucoup plus concrète, le fait que très peu d’homosexuels demandent ce genre de choses. Très, très peu !
Vous savez, on nous présente une image de l’homosexualité comme : ce sont deux personnes qui s’aiment. Après tout, si vous vous vous mariez, si vous êtes un homme, vous aimez votre femme. C’est la même chose ! Tout simplement c’est deux hommes, c’est deux femmes. Pourquoi refuser aux uns ce que l’on accepte pour les autres ?
C’est l’ambiance actuelle du sentimentalisme. Ils s’aiment donc ils ont le droit. Comme si, précisément, l’affectivité était le seul fondement du mariage. Non !
Encore une fois, le mariage n’est pas fondé uniquement sur le mésocortex, il est fondé aussi sur le néocortex. Sur un projet de vie à long terme. Sur la volonté de construire une famille. Et s’il y a précisément une aide à la procréation médicalement assistée, c’est uniquement lorsque – la loi est très claire là-dessus, elle n’est pas du tout ouverte à l’homosexualité – c’est uniquement lorsque des parents, homme et femme, qui voudraient avoir des enfants ne peuvent pas les avoir.
Personnellement, j’estime que c’est la même règle qui devrait conduire à l’adoption.
Je suis moins favorable en ce qui concerne l’adoption par un parent isolé que l’on l’autorise. J’avoue que cela me pose un problème parce que, précisément, vous ne savez pas quel est le comportement sexuel du parent. Et vous pouvez vous retrouver, en obéissant à la loi, dans une situation complètement contraire à l’esprit même de la loi.
Et enfin, si maintenant vous regardez la manière de vivre des homosexuels, vous vous rendez bien compte que, statistiquement, ils sont très éloignés de l’image paradisiaque que l’on donne de deux hommes ou de deux femmes qui s’aiment comme un homme et une femme peuvent s’aimer. Ce n’est pas du tout ça !
Les chiffres sont même tout à fait épouvantables ! Pour 96 % des homosexuels, par exemple, le comportement sexuel le plus évident, c’est la drague. C’est-à-dire : je vais me promener le soir dans le Marais et je cherche le “partenaire” d’un soir.
La durée moyenne des couples, lorsqu’il y a couple ! Il n’y a pas forcément couple. Lorsqu’il y a couple, la durée moyenne est de trois ans. C’est-à-dire largement inférieure à ce qu’est le mariage, à moins que, bien évidemment, petit à petit, en raison de cette dissolution des mœurs à laquelle je faisais allusion, le mariage finisse par ressembler beaucoup à l’union homosexuelle.
La fidélité. 61 % des homosexuels ont trois unions en même temps. Ce qui est vrai seulement, excusez-moi, pour 23 % des hétérosexuels. C’est assez répandu, mais ça l’est quand même beaucoup moins. C’est majoritaire chez les homosexuels.
Il ne s’agit pas forcément de gens mariés parce qu’évidemment, les homosexuels ne le sont pas.
La différence d’ailleurs est assez intéressante parce que les lesbiennes sont plus fidèles que les gays. Ce qui montre que la différence entre les sexes, sur le plan psychologique notamment, est plus forte que le fait de l’orientation sexuelle, homosexuelle, hétérosexuelle. Les couples lesbiens sont plus solides que les couples gays. Parce qu’effectivement il y a sans doute chez la femme un désir d’enfant plus répandu, un désir également de lien affectif plus constant également assez présent.
En tout état de cause, si on prend la moyenne d’âge de 35 ans, on s’aperçoit que 94 % d’homosexuels ont eu plus de 15 partenaires, contre 20 % d’hétérosexuels. Et que 47 % d’homosexuels ont plus de 100 partenaires et jusqu’à 999 partenaires, entre 100 et 1 000 partenaires, ce qui relève de l’exploit, je permets à chacun d’apprécier. Mais enfin, bon.
Cela veut dire que l’idée de la fidélité, de la constance du couple et des rapports affectifs, etc. C’est complètement faux par rapport à la réalité !
Ce n’est que marginalement que des personnes qui ont vécu une vie bien particulière se trouvent dans cette situation. Parce que la vérité, elle est là : il n’y a pas d’homosexuel. Il y a des homosexualités extrêmement différentes les unes des autres, qui naissent à des moments différents de la vie, qui peuvent naître très tôt, vers 4 ans (Françoise Dolto a très bien montré ça). Vous avez des orientations qui peuvent naître assez tôt. Je pense que cela correspond à ce que je vous ai dit tout à l’heure : à l’imprégnation.
Vous en avez beaucoup d’autres qui en fait se dessinent au moment de l’adolescence, et qui, suivant la psychanalyse, ont en grande partie à voir avec les modèles familiaux, les modèles parentaux. D’autres évoquent également la place de l’enfant dans la fratrie, etc.
Il y a beaucoup d’explications qui font que l’homosexualité ne naît pas au même moment, n’est pas du tout la même.
Il n’y a pas beaucoup de ressemblances entre l’homosexualité de Proust qui aimait son chauffeur et l’homosexualité de Gide qui n’aimait que les petits garçons ! Ça n’a rien à voir. D’ailleurs, Gide n’aimait pas du tout les homosexuels. Il était pédéraste. Ce sont des formes de pensée et de vie qui n’ont strictement rien à voir qui, pour moi, sont pathologiques (mais, si je disais ça je me retrouverais encore une fois devant les tribunaux. Je ne le dis pas). Ce sont des manières de vivre disons un peu particulières, comme les amitiés du même nom.
Et par là même, on comprend que ces différentes formes d’homosexualité ne peuvent pas donner lieu à un traitement commun. Ce sont des comportements, ce ne sont pas des entités. On ne naît pas homosexuel ! Et si on est homosexuel à un moment donné, on ne le sera pas toujours.
Par exemple, vous avez un psychiatre américain, Spitzer, qui cite le nombre des homosexuels qu’il a réussi à remettre, j’allais dire dans le droit chemin : 66 % des personnes qu’il a traitées ont changé, c’est-à-dire sont redevenues hétérosexuelles, tout simplement, parce que ça peut, je ne veux pas dire se soigner, mais se traiter.
J’ai d’excellents contacts également avec le Pasteur Auzenet qui cite de très nombreux exemples d’homosexuels qui changent dans leur vie !
Et j’ai cette merveilleuse histoire qui est racontée dans Les Chrétiens et l’homosexualité de ces deux personnes faisant partie d’une association à Lyon, d’une association, je pense, de lutte contre le sida et ils s’aiment bien. Ils ont des contacts amicaux. Il y a une fille et un garçon. Et la fille se dit : « il faut absolument que je trouve un partenaire à mon ami ». Donc, elle lance une soirée, elle invite beaucoup de garçons. Le résultat, à l’heure actuelle : ils se sont mariés, elle et lui.
Ce qui montre bien, encore une fois, la contingence de ces comportements que certains veulent faire passer pour des nécessités naturelles.
CONCLUSION
Pour conclure, je pense qu’il faut, dans cette affaire, revenir aux fondamentaux : il y en a trois.
Le premier, c’est de penser que le mariage et la filiation sont essentiels à la société et qu’il faut y revenir sans arrière-pensée.
Le second point, c’est que, aujourd’hui, nous avons affaire à une véritable entropie.
Vous savez, l’entropie, c’est, en physique, la perte d’énergie, c’est la destruction de l’ordre. Eh bien, l’individualisme gagnant de notre société, c’est comme de l’entropie. C’est l’absence de différences positives et reconnues entre les personnes au profit d’une égalité nivelante. Et qui finit par effectivement réduire notre société à une poussière d’individus.
Il y a un auteur que j’aime beaucoup et qui l’avait bien illustrée, c’est Tocqueville dans De la démocratie en Amérique qui disait : « Je crains une certaine forme de despotisme. Ce despotisme, ce serait une poussière d’individus tournant sans cesse autour d’eux-mêmes et de leurs vulgaires plaisirs. Et, à côté, une puissance tutélaire, tutélaire et douce qui ne pense qu’à une chose, c’est à satisfaire précisément tous les besoins de cette foule d’individus ». Mais ce despotisme est un despotisme. Parce que, précisément, il règle tout. Il règle leur naissance et leur succession. Il s’occupe de tout et leur demande simplement, et c’est la clef même du narcissisme, d’être tout au long de leur vie de longs enfants, dépendants et soumis à cette autorité bienveillante.
Et c’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut revenir à une véritable politique familiale, c’est-à-dire une politique qui vise bien. La famille, c’est le couple formé par la mère, le père, et qui élève et éduque des enfants. Et ce choix doit être fait lucidement parce qu’il est le fondement même, non seulement de la société d’aujourd’hui, mais de son devenir.
Faute de quoi, si nous continuons dans la démagogie actuelle, nous allons voir notre société petit à petit s’effondrer.
ÉCHANGE DE VUES
Philippe Laburthe-Tolra : J’ai bien apprécié beaucoup de choses que vous avez dites. L’idée que nous sommes dans une société entropique me paraît très vraie. Je suis anthropologue, j’enseigne que la famille est jusqu’à présent l’institution nécessaire à toute société pour se perpétuer.
Cela dit, comment est-ce que vous pensez lutter contre ce narcissisme qu’on touche tous les jours ? Je fais partie de plusieurs associations bénévoles. Les gens de mon âge ou un peu moins âgés sont encore capables d’être bénévoles. Mais les autres, même s’ils sont à la retraite à cinquante ans, ne sont pas pour autant bénévoles, ils ne pensent qu’à leur confort. Je ne vois pas comment on pourrait redresser une tendance qui est générale chez les jeunes. Vous parlez d’un lobby homosexuel. Ma fille en khâgne paraît en être victime. On lui a imposé de lire les romans de Gide qu’on m’interdisait à son âge (Les faux Monnayeurs, l’Immoraliste). Elle me dit d’abord « J’en ai marre ! Il focalise sur ses aventures en Algérie. Ses types ne pensent qu’à draguer des minets » Maintenant elle me dit « Finalement, je m’y fais assez, il a beaucoup de talent, ce Gide » N’y a-t-il pas de la pédophilie derrière ? (Mais certes, « les Nourritures terrestres » sont un chef d’oeuvre). Vous parlez du narcissisme des médias d’une façon très fine et juste. Mais, je ne vois pas comment remonter la pente.
Nos jeunes sont d’accord pour de « l’humanitaire » ; il vont en faire trois mois quelque part, puis la plupart n’y reviennent jamais. Ce n’est pas du tout un engagement. Leur problème, c’est de ne pas s’engager, vous l’avez dit. D’où le succès du PACS, etc. C’est un peu le contraire de ce que nous avions appris. Permettez-moi d’ajouter une petite remarque technique : méfiez-vous quand vous citez Lévi-Strauss, car il est devenu démodé, il a été battu en brèche par Leach, Godelier, etc. Dans la parenté, la filiation apparaît maintenant comme plus importante que l’échange et l’alliance.
Christian Vanneste : C’est une vaste question, mais je pense qu’on peut y répondre par trois points.
Le premier c’est qu’il faut que les institutions se mobilisent pour remplir leur rôle. Aujourd’hui, nous avons un véritable problème de la démission de nos principales institutions. Je vais en citer trois.
L’éducation. On peut se poser la question de savoir dans quelle mesure effectivement, les modèles qui sont proposés aujourd’hui dans l’éducation, sont les meilleurs pour former les jeunes.
Quand vous citez Gide, je pourrai citer Genet, etc. Aujourd’hui, ce sont des modèles. On peut étudier ces auteurs mais on doit les étudier d’une façon qui, à mon sens, doit être marginale. Les auteurs qui ont disparu complètement de l’enseignement, en général ce sont les plus positifs. Effectivement on devient souvent ringard quand on tente de les défendre.
Mais il n’y a pas que l’éducation, il y a, par exemple, aussi l’Église.
Je suis désolé de dire que j’estime que l’Église est plus que silencieuse sur tous ces sujets. On l’entend très peu. On a, Dieu merci, entendu les deux Saints-Pères successifs qui ont été très clairs là-dessus, et Jean-Paul II et Benoît XVI qui en plus est l’auteur de textes qui sont sans failles sur ces sujets, puisqu’il a écrit une lettre, il y a maintenant une vingtaine d’années, je crois bien, qui définit exactement ce qu’est la position de l’Église catholique par rapport à l’homosexualité. C’est un comportement qui est fermé à la vie et qui donc, à cet égard, doit être intrinsèquement rejeté.
Comme disait Saint Augustin : « On peut écouter le pécheur, mais on doit dénoncer le péché ». Mais, moi, en France, je l’entends peu dire.
Je peux vous assurer (là, c’est une confidence que je vous fais), les contacts privés que j’ai eus avec des dignitaires de notre Église m’ont plus que déçu. Plus que déçu.
Et, troisième institution, ce sont précisément les politiques.
J’ai fait un jour une déclaration qui n’était pas bien méchante, qui était la reprise d’une phrase de Voltaire. Comme ça a duré trois minutes, théoriquement rien n’aurait dû se passer ensuite. Ça fait deux ans que j’ai pris la parole pendant trois minutes à l’Assemblée et qu’on me poursuit y compris devant les tribunaux. Et je ne vous dis pas la chasse aux sorcières à laquelle on se livre à mon encontre dans les journaux, à la télévision. Je viens de lire, aujourd’hui même, une lettre de Carolis qui m’envoie paître ! Alors que je me suis retrouvé sur le plateau d’une émission de télévision de France 2 qui s’appelle “La reine de France” (j’ai accepté d’y aller, à mes risques et périls). Ce que je ne savais pas, c’est que : 1. on évoquerait mon procès alors que j’avais demandé qu’on ne le fasse pas ; et que : 2. Je me trouve en face de Maître Meccari qui est l’avocat d’Act Up et de Roméro qui était témoin à mon procès. Autrement dit, ils ont refait le procès en direct à la télévision. Ce qui, sur le plan déontologique, est absolument scandaleux ! Et Carolis m’envoie une lettre en disant : « Moi, je ne peux rien faire, c’est la justice ». C’est ça, le service public ? C’est scandaleux ! C’est à peu près ce à quoi je suis confronté.
La plupart de mes collègues ont compris depuis longtemps. Ils se disent : « Vanneste est un fou » « c’est un suicidaire, tant pis pour lui, il faut le laisser ». J’ai très, très peu de soutien. Y compris de gens qui partagent complètement mon point de vue.
Alors donc, les institutions, le courage.
Je pense que la politique, c’est le lieu où doit se trouver le courage. Il ne s’y trouve pas beaucoup, mais un jour le courage finira par l’emporter parce que, quand on se retrouve dans des situations tellement difficiles, alors à ce moment-là seuls les décideurs courageux peuvent l’emporter.
Moi, je le souhaite. L’Angleterre s’est relevée grâce à Mrs. Tatcher qui, pour moi, est quelqu’un de très admirable, ça ne se discute pas.
Mais je pense que la France aura besoin de quelqu’un, un jour, qui aura cette force de caractère pour changer les choses, c’est-à-dire pour pratiquer une politique tout à fait à contre-courant de ce qui est fait actuellement. Je n’ai pas peur de le dire. Mais c’est cela ou nous allons mourir !
C’est aussi clair que ça. Ce n’est pas une vision d’épouvante que j’ai. C’est une vision qui est simplement lucide et qui est fondée sur les statistiques que je vous ai lues tout à l’heure.
Le Président : Une remarque, puisque vous parlez de suicide et de statistiques. Quand vous avez très justement évoqué les indicateurs de fécondité de l’Allemagne et de l’Italie qui étaient suicidaires et qu’ensuite vous avez évoqué la France avec 1,92. C’est moins mal, mais c’est tout aussi suicidaire ; on se suicide moins vite, mais on se suicide aussi avec 1,92.
Bernard Lacan : Je voudrais revenir aussi sur des données statistiques que vous avez mentionnées.
Je me permets de souligner ce que je crois être une mauvaise interprétation de deux éléments.
Vous avez mis en regard le nombre de mariages et le nombre de divorces. Or en fait le nombre de divorces peut s’apprécier par rapport au « stock » de gens mariés. De telle sorte que le taux de mariages qui échouent est très inférieur à ce que laisserait apparaître la comparaison directe des divorces et des mariages de l’année.
Christian Vanneste : Mais si les deux chiffres se rejoignent, le stock va diminuer.
Bernard Lacan : Il va diminuer, mais la proportion de divorces par rapport à l’ensemble des gens mariés n’est pas à comparer avec la proportion des gens mariés dans l’année.
Il faut être plus attentif à ce rapport parce que les chiffres bruts, tels que vous les donnez, laisseraient à penser qu’un mariage sur trois va directement à l’échec. Or, ce n’est pas le cas.
C’est parce que j’ai beaucoup apprécié votre raisonnement sur l’importance du mariage que je me permets d’attirer votre attention sur ce point.
Catherine Rouvier : Tout d’abord je vais me faire l’avocat de la jeunesse actuelle dont vous critiquez à juste titre le manque d’enthousiasme pour l’engagement durable. Dans notre société, un jeune, après six ou sept ans d’études, effectue un stage de trois mois, puis un autre et n’est pas assuré d’être embauché au bout de six mois. Quand enfin il trouve un emploi, il ne sait pas s’il va y rester … D’autre part, un divorce coûte au moins 3 000 ou 4 000 € et est très traumatisant. Dans une société ou un couple sur trois divorce, on comprend que les jeunes hésitent à s’engager rapidement. Cette double insécurité actuelle ne favorise pas l’engagement précoce dans les liens du mariage.
Ensuite je voudrais vous demander si vous n’auriez pas intérêt à tenir à vos accusateurs le discours que vous venez de tenir ici, qui est un discours nuancé sur l’homosexualité.
En effet, comme vous le dites, on le comprend bien quand on lit Alexis ou le vain combat de Marguerite Yourcenar, il y a des gens qui sont impuissants à combattre cette orientation homosexuelle, qui apparaît dès l’âge de 3-4 ans et se confirme à l’adolescence.
Comme vous le dites aussi les causes ne sont pas forcément biologiques. Dans le cas de Marguerite Yourcenar, il y a très clairement une identification très précoce à son père puisque sa mère est morte en couches. Elle regarde les femmes que son père aime avec les yeux de son père en quelque sorte.
Si vous teniez ce discours de différenciation de l’élément sexuel, cela ne pourrait-il pas changer les termes du débat et vous mettre hors d’atteinte des accusations portées contre vous ?
Christian Vanneste : Le Droit doit être l’expression de la volonté générale exprimée par le législateur. Le Droit n’est donc pas autonome, il est la mise en forme d’une volonté politique bornée dans les démocraties libérales par certains principes que l’on avait d’abord regroupés sous le concept de droit national. Il ne peut être réduit à un simple ajustement des règles de vie commune à l’évolution des mœurs. Le sociologue décrit, explique, prévient éventuellement. Il ne dicte rien. Sinon, la politique n’aurait aucun sens, et elle n’a souvent plus aucun sens lorsqu’on l’abandonne entre les mains des technocrates. Les exemples sont nombreux d’hommes politiques et de législateurs qui ont redressé la situation de leur cité ou de leur nation. Ce sont d’ailleurs ces époques fondatrices ou refondatrices qui me paraissent les plus exaltantes de l’Histoire : de Lycurgue à Auguste, à Justinien, etc… à Richelieu, à De Gaulle…
La précarité et la pauvreté sont moins grandes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient hier. Les protections sociales et les revenus d’assistance sont beaucoup plus importants mais c’est la solidarité de proximité, l’entraide familiale qui tendent à disparaître. Techniquement, de nombreux pays offrent des modèles économiques et sociaux voisins du notre avec des dépenses publiques plus faibles, une formation plus efficace, un emploi à la fois plus mobile et mieux assuré. Politiquement le renforcement de la cohésion familiale doit augmenter la sécurité individuelle en face du caractère de plus en plus mouvant de notre système économique.
Un mot sur Marguerite Yourcenar, écrivain que j’aime beaucoup parce qu’elle témoigne d’une finesse d’analyse et d’une rigueur esthétique rares. Il m’arrive même de penser que le sentiment de la différence propre à certains auteurs connus pour leur homosexualité n’est pas sans rapport avec leur talent. Mais cela conduit à trois remarques : d’abord il ne faut pas banaliser ce qui ne vaut que par sa rareté et la conscience de celle-ci. Ensuite, la cause accidentelle du talent ne le constitue pas essentiellement. J’ai beaucoup d’admiration pour Marguerite Yourcenar. J’en ai déjà beaucoup moins pour Jean Genet dont je pense qu’il participe davantage à la triste valorisation de la transgression que l’on subit actuellement plutôt qu’à une véritable création littéraire. La même opposition pourrait être faite entre Visconti et Pasolini. Enfin, le sujet y peut toujours quelque chose. De Freud à Dolto, on sent que les fixations, les régressions, les perversions, les névroses, le narcissisme peuvent être analysés et libérés. Je crois beaucoup dans la capacité des hommes et des femmes à être libres et responsables, même au prix d’une Analyse.
Nicolas Aumonier : Si vous le permettez, trois questions.
1/ À ma connaissance, le problème du transsexualisme vient, d’après les biologistes, les généticiens, les médecins, d’un certain aléa génétique qui peut frapper la formation des organes génitaux. Ceux-ci peuvent être insuffisamment formés au point que les premiers observateurs soient incapables de dire si le nouveau né est un garçon ou une fille. Dans l’urgence, il faut choisir l’un ou l’autre genre, et opérer en fonction de ce choix. Ne s’agit-il pas d’un problème différent de l’imprégnation dont vous avez parlé ?
2/ Si vous aviez trois mesures de toute première importance à faire passer en faveur de la famille, lesquelles choisiriez-vous ?
3/ Allez-vous saisir le CSA de l’attitude déontologiquement discutable de France 2 à votre encontre ?
Jean-Luc Granier : Les interdits religieux relatifs à l’homosexualité sont-ils les mêmes dans la civilisation judéo-chrétienne et dans le contexte islamique ?
Christian Vanneste : En ce qui concerne la comparaison entre la pensée judéo-chrétienne et la pensée islamique. Elles sont quasiment identiques si ce n’est que l’islam l’exprime avec plus de force. Il y a une interdiction absolue de l’homosexualité dans l’islam.
Le Pape dit exactement que c’est un comportement intrinsèquement désordonné. Mais il ne demande pas – contrairement à ce que certains ont raconté – qu’on brûle les homosexuels, il demande qu’on les écoute, qu’on les comprenne. Qu’on les fasse changer, si possible, mais sans leur imposer quoi que ce soit. C’est ça que dit le Pape. Mais le Pape ne dit pas que c’est bien. Il dit que c’est intrinsèquement désordonné.
L’islam dit que c’est la peine de mort qui doit être appliquée. Si vraiment on applique la charia, c’est la peine de mort, soit par la pierre, soit par le sabre. C’est dit comme ça.
Donc, c’est une hostilité qui est biblique. « Homme, tu ne coucheras pas avec un homme », c’est une abomination. La Bible est sans nuance là-dessus.
Mais les interprétations sont évidemment différentes. Je ne voudrais pas refaire la même erreur que le Pape à Ratisbonne en disant que les uns sont plus violents que les autres. La position est la même.
En ce qui concerne les questions que vous avez posées, je partage tout à fait votre avis sur le transsexualisme, mais ce n’est pas l’homosexualité. C’est différent.
En fait le fœtus à l’origine n’a pas de sexe défini. C’est dans les premiers jours que la prégnence de son sexe va s’affirmer. Et donc, on peut parfaitement admettre qu’il y ait, soit d’une manière génétique, soit de manière congénitale, des situations tout à fait extraordinaires, extrêmement peu nombreuses, et qui méritent une attention particulière voire chirurgicale.
Cela ne me gêne pas du tout parce que, d’une certaine manière, il y a un choix très net du sexe là. Il n’y a pas la volonté d’une ambiguïté, l’homosexualité est profondément différente.
L’homosexualité, cela consiste à avoir un sexe et un comportement qui ne dépend pas de ce sexe sous prétexte d’une pseudo orientation sexuelle qui serait plus importante et plus naturelle que son sexe.
S’il s’agit de gens qui n’ont aucun problème de conformation et qui, simplement, sont emprisonnés dans un fantasme homosexuel, c’est différent, j’y suis tout à fait hostile comme pour le reste.
Mais vous avez les cas très particuliers des gens dont même le fonctionnement physiologique, n’est pas très clairement celui d’un sexe plutôt que de l’autre. Je pense qu’il faut être très attentif sur le plan médical. Et ces cas, encore une fois, sont rares, je comprends qu’ils rejoignent la nature. C’est un accident de la nature. Mais c’est un accident qu’il faut respecter et qu’il faut accompagner.
Les mesures à prendre. Moi, je suis très favorable à ce que l’on encourage la naissance par un véritable choix des parents de vivre une vie possible avec des enfants, notamment par l’existence d’un véritable salaire parental. Qui ne serait d’ailleurs pas forcément dévolu à l’épouse plutôt qu’à l’époux.
Je pense qu’il faudrait aller jusque-là. L’accompagnement de la création de la famille et de la naissance du premier enfant par une aide importante de la société, me paraîtrait dans la situation démographique que nous connaissons une mesure d’urgence. Elle serait évidemment brocardée immédiatement par tous les féministes qui y verraient une volonté déguisée de revenir au bon vieux système de Monsieur Gagne-pain et de Madame Au-foyer.
Ce n’est pas du tout ma volonté. Je dis simplement que dans la nature il y a deux sexes. Des sociétés, souvent, ont donné aux différents sexes des missions différentes. La société est tellement développée techniquement qu’elle peut se passer de ces missions différentes, qu’elle peut les voir autrement, d’où l’importance des aides en matière de crèches, en matière de garde, etc.
Mais il faut vraiment encourager les jeunes à fonder une famille. C’est la raison pour laquelle, je suis complètement hostile à toute mesure fiscale allant vers des formes de vie sociale qui ne sont pas celles du mariage et de la famille. Moi, je suis absolument pour supprimer toute espèce d’avantage au PACS ou au concubinage pour encourager effectivement les gens à se marier. Ce que je dis là est complètement réactionnaire. J’assume.
Et, en troisième lieu, il faudrait s’abstenir absolument de toute espèce de manifestation sociale quelconque pour une autre union que le mariage. Et donner au contraire au mariage une force très grande.
J’ai une collègue, une élue locale, de Périgueux, avec qui j’ai été en relation. Elle fait – ce que ne font pas toujours les prêtres – une préparation au mariage. Elle est adjoint, elle célèbre des mariages en mairie : elle fait une préparation au mariage, pour les gens qu’elle marie en mairie. Elle les reçoit et elle les accompagne.
Comme j’avais défendu l’idée d’une prestation de serment parce qu’on devient français, j’estime que, lorsqu’on se marie, ce n’est pas quelque chose qu’on doit faire à la sauvette, comme ça, en passant dans une salle devant l’adjoint qui fait cela en série. C’est quelque chose qui doit être vraiment accompagné fortement.
J’ai parlé de monsieur de Carolis à mon avocat. Il pense saisir le bâtonnier, mais je ne sais pas. Vous me donnez peut-être une idée. Je vais lui en reparler.
J’avoue très franchement : je ne suis pas un juriste. Je suis un doux philosophe, j’ai horreur des procès. Je dois encore prochainement me retrouver devant un tribunal pour avoir dit que l’homosexualité était inférieure moralement à l’hétérosexualité, ce qui est un point de vue, pas une insulte. Cependant, j’ai été condamné pour injure. J’espère ne plus l’être en appel. Mais c’est un peu dur à supporter parce que je n’ai pas l’habitude d’aller devant les tribunaux. Psychologiquement, c’est très dur. Donc, je vais penser à votre idée.
Je pense que vous avez tout à fait raison sur la précarité. Je n’ai pas trop développé. Bien entendu que tout cela est environné par un contexte économique. En fait, notre société se ravit de cette situation. Ça lui va très bien ! Nous sommes dans une société de spectacle, dans une société où on ne produit plus : on échange et on fait des spectacles. Nous sommes une société où les services se développent plus que les entreprises de production et où tout ce qui est de l’ordre du jeu, du ludique, de l’animation, est plus producteur de profits que la production matérielle. Donc, on est là dans une société de l’éphémère et où, en plus, pour les entreprises, le fait de n’engager des gens que de façon extrêmement momentanée, sans leur donner l’idée qu’ils peuvent construire dans la durée, convient parfaitement à leurs intérêts.
Là-dessus, je suis beaucoup moins libéral qu’on peut le penser. Je crois effectivement que la société n’est pas uniquement un ensemble économique, c’est aussi un lieu de valeurs qui doivent s’imposer à l’économie lorsque celles-ci ont justement pour but de préserver la société dans la durée.
C’est la raison pour laquelle la lutte contre la précarité sociale, l’accompagnement du jeune dans ses études, par exemple, y compris financièrement, l’accompagnement des jeunes ménages par des mesures extrêmement concrètes lors de la formation de leur famille, l’aide au logement, sont les priorités des priorités. Pour faire en sorte que ce sentiment de précarité, chez les plus faibles, ne rejoigne pas le goût de l’éphémère chez les plus forts.
Parce que c’est aussi le grand drame de notre société. Cet éphémère a deux vitesses. Vous avez ceux qui le subissent, « la société d’en bas » comme disait quelqu’un, il y a quelques années, et vous avez ceux qui en vivent très bien parce que, à un certain niveau de revenus et d’éducation, le fait de ne pas se lier, d’avoir un ami à New York et une amie à Paris, c’est tout à fait possible. Cela permet au contraire de goûter davantage aux plaisirs de l’existence. « Qu’est-ce que c’est qu’un homme riche ? » disait Chirac, « c’est quelqu’un qui va voir un opéra en Concorde à New York et qui, surtout n’en parle à personne ».
Michel Berger : Vous avez souligné que la famille devait apporter la stabilité nécessaire à l’enfant. Conscient de ce besoin de stabilité et estimant ne rien devoir imposer au couple en tant que couple, le législateur tend à reporter la stabilité du lien conjugal, établi par le mariage, sur la stabilité de la filiation biologique, que les progrès de la génétique permettent de préciser de façon certaine. Que devient la famille ? Ne pensez vous pas qu’il y a là une tendance particulièrement grave, amorcée par le rapport Dekeuwer-Defossez repris par Irène Théry ?
Christian Vanneste : C’est pour moi un contresens. Le biologique et le génétique ont peu d’importance dans les comportements humains et même dans les relations affectives. Beaucoup de sociétés ont tout ignoré de cet élément qui ne présente qu’un intérêt médical. L’essentiel réside dans les modèles (pattern) sociaux même lorsqu’ils ne sont pas très conscients.
Jean-Paul Guitton : Dans le monde politique, et dans la société en général, nous constatons, comme vous l’avez dit, un manque de courage. Mais on a toujours le choix entre l’opposition frontale et l’affirmation de convictions fortes, qui ont pour principal inconvénient de vous faire ipso facto disqualifier, et un comportement de négociation. Dans ce cas l’inconvénient est que de compromis en compromis on en arrive progressivement à céder sur l’essentiel.
Prenons l’exemple de la définition de la famille qui a évolué, vous le savez, dans le Code de la famille : anciennement la famille était fondée sur le mariage et la filiation. Depuis 1975 elle est fondée aussi sur la seule filiation. Prenons maintenant l’application que nous sommes en train de vivre de la réforme en cours de la médaille de la famille (qui fut française). Cette médaille est destinée à récompenser les mères et pères de famille qui « élèvent ou ont élevés dignement leurs enfants ». Je pense que dans la très grande majorité des départements elle n’est attribuée qu’à des personnes mariées une seule fois.
Nous venons d’apprendre, par l’UNAF (qui en principe défend les familles, oui, mais lesquelles ?), que la refonte du texte n’inclut pas la condition du mariage pour accéder à cette récompense, alors que la Délégation interministérielle à la famille avait réintroduit cette condition. Le ministère a donc tranché contre le mariage. Et comme les commissions départementales d’attribution ont été supprimées, on peut s’attendre à ce que les préfets, sur proposition des DDASS attribuent la médaille à des familles décomposées, recomposées, etc.
Que faire dans ce genre de situation, par exemple quand on milite dans des associations familiales ? Ne faudra-t-il pas boycotter purement et simplement cette médaille qui ne sera bientôt plus qu’une « commémorative » : vous avez engendré/éduqué quatre/six/huit enfants – sans référence au mérite que cela représente et sans penser à l’exemplarité – , voilà la médaille française de la famille de bronze/argent/or ! On passera peut-être bientôt à trois enfants comme première condition. Et bien entendu on donnera la médaille largement aux concubins, aux « monoparentales », aux étrangers présents sur le sol français, merci la Halde et le Gisti ! Oui, que faire, quand on croit, avec Jean-Paul II que « l’avenir passe par la famille » ?
Christian Vanneste : Cette évolution est une illustration supplémentaire de la schizophrénie des responsables politiques dans ce domaine. On va continuer avec démagogie à distribuer des symboles tout en laissant disparaître la signification réelle. La structure d’ordre que constitue la famille aura disparu mais la quantité des individus-enfants sera prise en compte, suivant un phénomène typique d’entropie sociale. Malheureusement, il ne faut pas trop compter sur les associations familiales : elles sont aujourd’hui nombreuses à considérer qu’elles représentent les familles dans leur diversité : Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre.
Séance du 7 décembre 2006