Par Jean-Baptiste de Foucauld, Inspecteur des Finances
Regarder autrement le travail et l’emploi c’est d’abord les distinguer, prendre conscience de l’importance du travail formalisé et rémunéré pour les personnes et pour la société, mais ne pas en faire un absolu, et pour cela le relier aux trois besoins anthropologiques fondamentaux, les besoins matériels, relationnels et spirituels. L’équilibre entre ces trois besoins conduit au concept d’Abondance frugale et à un droit pour tous à un travail de qualité à temps choisi. Comment le mettre en oeuvre dans le contexte de la mondialisation et du substrat culturel français ? Plusieurs approches sont possibles, à condition qu’elles s’inscrivent dans la durée de manière cohérente : Il faut le vouloir, il faut y croire, il faut être prêt à en payer le prix. Il faut trouver les formes d’implication pertinentes de l’ensemble de la société. Les demandeurs d’emploi ont besoin de mains qui se tendent, non de menaces qui se brandissent. Ils ont besoin d’engagements, de fraternité et de qualité démocratique. Ils ont besoin d’être acteurs, participants et bénéficiaires d’un pacte civique renouvelé.
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Anne Duthilleul : Comment présenter Jean-Baptiste de Foucauld, à la fois si connu et si modeste…
Je serai d’abord factuelle :
Inspecteur des Finances, Jean-Baptiste de Foucauld est un Haut-Fonctionnaire, qui a d’abord « sévi » au Ministère des Finances, en particulier à partir de 1981, sous le Gouvernement Mauroy, au Cabinet de Jacques Delors avec lequel il était lié depuis les années 70 au sein du Club « Echanges et Projets ». Il avait d’ailleurs publié avec Laurence Cossé en 1980 l’ouvrage « La révolution du temps choisi », fruit de cette réflexion collective déjà sur le travail.
En 1985, il participe activement à la fondation de l’association « Solidarités nouvelles face au chômage », chômage qui – comme vous vous en souvenez – devenait massif au début des années 80. Puis en 1991, il publie « La fin du social-colbertisme », au titre sans aucun doute précurseur, prophétique peut-être, en tout cas toujours d’actualité…
Il revient sur le devant de la scène en tant que Commissaire au Plan en 1992 et publie ou contribue à plusieurs ouvrages sur la justice sociale, les inégalités, le pluralisme et l’équité dans les démocraties… Sujet qui touche à la politique, qui le passionne et qui l’a conduit à fonder l’association « Démocratie et spiritualité » qu’il préside toujours. Et à co-écrire avec Denis Piveteau en 1995 « La société en quête de sens » qui propose non seulement de retrouver le sens du travail et du non-travail face à la précarité et à l’exclusion, mais aussi de développer un nouveau modèle remettant à leur place la société civile et l’État-providence.
Il rédige de nombreux rapports qui font encore autorité sur le chômage, ou plutôt les chômeurs, et leur retour à l’emploi, ou sur le financement de la protection sociale en 1995, rapport que j’ai largement exploité je dois le dire lorsque j’ai été chargée du même sujet au Conseil économique et social (pas encore environnemental) en 2007, c’est assez dire sa longévité…
J’arrête là mon énumération pour m’arrêter au fond sur ses deux contributions récentes à la réflexion qui nous intéresse ce soir :
Son/votre livre intitulé « L’abondance frugale, pour une nouvelle solidarité », qui mène une réflexion sur les ressorts de l’économie, largement fondés sur le développement des désirs individuels multiples, face aux défis du développement durable, de la crise financière et plus largement de la perte de sens de notre temps. Il s’agit d’abord de retrouver plus de sens, toujours le sens premier, le spirituel comme finalité à ne pas oublier pour un développement plus humain… Nous sommes bien dans notre sujet ! Il s’agit ensuite de revenir après avoir « pensé global » à l’« action locale » de responsabilité et de solidarité de chacun, notamment avec son prochain en quête d’emploi, et surtout à une coopération nouvelle des acteurs de la société (collectivement) pour agir contre l’exclusion.
D’où découle la proposition collective de Pacte Civique, proposé en 2011 à toute la société civile pour « aider », dites-vous, nos dirigeants à prendre et à tenir des engagements venant du bas, pour « remettre l’économie et la culture au service de l’homme et non l’inverse ». Et mettre en œuvre les impératifs fondamentaux sur lesquels s’appuient vos propositions, que je ne veux pas déflorer, car je suis sûre que vous allez nous en parler.
Jean-Baptiste de Foucauld : Le sujet, c’est donc « un nouveau regard sur le travail et l’emploi pour que tout le monde y ait accès », le Pacte civique constitue notamment un moyen de le mettre en oeuvre. Nous avons besoin, en effet, de travailler en profondeur sur ce sujet.
Je vais essayer d’apporter ma contribution en suivant strictement les deux termes du titre de l’exposé, parlant d’abord du nouveau regard, ensuite des moyens de faire en sorte que chacun y ait accès tout simplement.
1) Un autre regard sur le travail et l’emploi
a) Quelques définitions
Commençons par bien cerner le sujet et donc par quelques définitions. Il faut à mon sens partir d’une distinction entre l’activité, le travail et l’emploi. Ce sont trois choses différentes.
L’activité, c’est ce qui s’oppose au repos, c’est le fait d’être en mouvement, de faire quelque chose, mais quelque chose qui ne relève pas nécessairement de l’effort, qui peut être une activité de loisir, une activité de relation avec d’autres, cela peut être un ensemble de tâches effectuées de manière agréable et libre, des activités artistiques ou cultuelles par exemple.
Le travail, ce qu’on entend par “travail”, est différent. Le mot “travail” vient du latin tripalium, “instrument de torture”. Il implique un effort. Il faut faire un effort pour accomplir une tâche qui n’est pas forcément agréable mais qui s’impose simplement pour nourrit le corps ou permettre de se vêtir et plus généralement de satisfaire les besoins matériels.
Mais le travail n’est pas nécessairement l’emploi. Il y a du travail non rémunéré, le travail domestique par exemple qui, en nombre d’heures utilisées, est presque aussi important que le travail professionnel.
L’emploi, c’est du travail, mais du travail formalisé, organisé et consacré par un lien juridique qui suppose une subordination vis-à-vis d’un employeur ou une dépendance vis-à-vis du marché pour les activités indépendantes. C’est un contrat ou un statut qui implique que l’on soit capable de donner une prestation qui se caractérise par des droits et des devoirs. Devoir d’accomplir une tâche selon des normes qui sont fixées par autrui, qui ne sont pas fixées par soi-même (à la différence de l’artiste), en contre partie de quoi on a un certain nombre d’avantages : une rémunération, un salaire, une protection sociale, éventuellement des avantages annexes, comme de bénéficier des œuvres du Comité d’Entreprise. Quant au le travail au noir, il se situe dans une zone intermédiaire, on y trouve bien l’élément de subordination qui caractérise le travail mais sans la protection sociale qui y est attachée.
Voilà pour cette première distinction.
b) Importance de l’emploi, pour les personnes et pour la société
Je souhaite ensuite insister sur l’importance vraiment fondamentale de l’emploi rémunéré, du travail employé, et cela à deux niveaux et pour deux raisons : pour les personnes et pour la société.
Pour les personnes travailler implique, de mettre en route ses capacités, ses muscles ou sa tête pour se rendre utile à autrui, ce qui suppose de se former et de s’organiser pour être capable de se rendre utile à autrui. C’est cela qui caractérise fondamentalement le travail, se mettre en capacité d’être utile à autrui, autrui qui va demander que lui soit délivré une certaine prestation, un certain travail donc, dans des conditions et des normes qui s’imposeront au travailleur. Réussir à respecter ces normes implique un effort sur soi. Emmanuel Mounier disait que le travail « arrache l’homme à lui-même ». Il y a donc une certaine ascèse dans le fait de travailler. C’est difficile, cela ne va pas de soi, mais cela apporte aussi quelque chose à la personne : Quand elle a réussi à fournir une certaine capacité de travail à autrui, donc à se rendre utile à autrui, elle a forgé en elle-même et pour elle-même une certaine capacité dont elle n’aurait pas bénéficié sans cela. Cet apport, on ne l’a pas de la même façon par exemple chez le rentier qui lui-même ne fera pas cet effort. Et peut-être pas de la même façon chez l’artiste, qui est une catégorie que j’aurais pu mettre en parallèle avec les autres, qui est plutôt dans l’expression de lui-même, expression qui, selon les cas, va rencontrer l’intérêt d’autrui. Mais il ne cherche pas d’avance à plaire à autrui : Ce n’est plus un artiste à ce moment-là, c’est un producteur.
Cette idée que le travail est formateur, constitutif de la personne, car le travail sur la matière est aussi travail sur soi, renvoie à une certaine vision théologique et se trouve est étayée par la théologie du travail. Quand vous lisez le Compendium, vous trouvez beaucoup de développements sur le travail (je dirai tout à l’heure, par raccroc, qu’il y a, à l’inverse très peu, trop peu de choses sur le chômage). Le Père Chenu, dans son livre sur La Théologie du travail a fort bien résumé tout cela dans la formule suivante : « Le but du travail, c’est la perfection de l’œuvre et la perfection de l’ouvrier ». Je trouve cette phrase très belle, très forte et il faut la prendre au pied de la lettre, au sens où tout travail, même humble, même modeste est une œuvre, c’est-à-dire quelque chose qui nous contribue à nous dépasser et doit être accomplie dans cet esprit. La perfection ainsi entendue suppose soin du détail, créativité, ton juste, travail sur soi.
Cette valeur de l’emploi, du travail organisé dans un cadre, elle apparaît par défaut, lorsqu’il manque, lorsqu’il est inaccessible, lorsque la recherche n’aboutit pas et décourage, puis déprime, la personne qui est en quête de ce qui devient une sorte d’introuvable graal. C’est lorsque l’emploi manque ou fait défaut que sa valeur et son sens prennent tout leur relief. L’action d’accompagnement et de création d’emploi menée au sein de l’association « Solidarités nouvelles face au chômage » nous a permis de vérifier à quel point une personne en recherche d’emploi se trouve déstabilisée en profondeur, subit une crise d’identité forte, car ses repères s’effondrent, son rapport au temps n’est plus le même… Toutes sortes de pathologies se mettent alors en place, que la société reconnaît mal (on manque d’une médecine du non-travail). Du coup, elle est portée à juger plutôt qu’à aider. Dans le même temps, le chômage met en branle des mécanismes spirituels, pour le meilleur lorsqu’il engendre des sursauts créateurs ou pour le pire lorsqu’il conduit à l’effondrement.
Important pour les personnes, pour les raisons que je viens de dire, l’emploi rémunéré l’est également pour la société.
Car le travail en emploi, c’est le progrès. C’est le grand acquis de la modernité. C’est la source de la croissance économique. Le travail n’est plus une fatalité qu’il faut éviter, comme dans les sociétés traditionnelles, la société de l’Ancien Régime, où l’idéal est d’exercer l’art noble de la guerre ou de la Cour, et donc de ne surtout ne pas travailler. C’est grâce au travail organisé et employé que l’on a pu changer le regard sur l’avenir et faire en sorte que la vie soit moins dure, plus longue, plus libre, et les lois de la nature moins sévères. Grâce à l’initiative et à l’accumulation du capital, il a été possible de changer progressivement la condition humaine. Il faudrait reprendre ici toutes les analyses de Max Weber sur l’éthique puritaine et la naissance du capitalisme, pour démontrer qu’une certaine ascèse dans l’épargne et dans le travail est la cause du progrès.
Mais pour que le travail employé soit créateur de richesses supplémentaires, il y a quand même un certain nombre de conditions à remplir.
Il faut d’abord accepter une mutation des conditions de production. Progresser, cela veut dire produire des biens avec une quantité moindre de travail, ce qui constitue un gain de productivité. Pour que l’emploi se maintienne, il faut que ces gains se transforment en pouvoir d’achat supplémentaire qui vont permettre de développer d’autres productions ou en temps libre. Dans tous les cas, il va falloir que l’emploi se reconfigure, se redistribue, ce que Alfred Sauvy appelle “le déversement”. Les gains de productivité doivent s’accompagner en permanence d’une capacité d’initiative pour que l’emploi se redéploie de façon à satisfaire de nouveaux besoins ou à réduire le temps de travail. Les deux choix sont équivalents en fait. Ces mutations qui peuvent être internes aux entreprises ou passer par un chômage de transition et de courte durée sont brutales pour les personnes, mais sont en quelque sorte la rançon du progrès.
Cela implique en permanence que les travailleurs acceptent de s’adapter et qu’ils soient mis en position de pouvoir se former, et de se qualifier. C’est un fait que le travail a beaucoup évolué et qu’il est devenu lui-même très différent de ce qu’il était. Il est moins physique qu’à une certaine époque, il est plus intellectuel, plus abstrait, plus relationnel aussi. On ne travaille peut-être plus à la sueur de son front, mais on gagne sa capacité de travailler à la sueur de son front. Le travail est moins dur mais plus exigeant.
Cela peut se retourner contre les personnes, lorsque celles-ci sont complètement accaparées par la recherche de travail, par le maintient dans le travail, par la progression d’une carrière, par la nécessité de s’adapter à de nouvelles conditions de production. La personne, qui était enrichie par le fait de travailler, se trouve tout d’un coup dominée par la faculté qu’elle a acquise, et s’expose au risque de l’unidimensionnalité.
Donc c’est le moment de retrouver le sens des choses et de voir dans l’emploi
une dimension de la personne, et aussi une dimension de la pérennité de la société, mais une dimension parmi d’autres qui ne doit pas être absolutisée. L’emploi est à la fois essentiel, notamment pour ceux qui n’en ont pas, et relatif pour ceux qui l’ont et risquent de s’en satisfaire trop commodément, au risque d’y limiter leur vie.
c) Les trois besoins fondamentaux de la personne
Particulièrement aujourd’hui, il convient de revenir aux besoins anthropologiques fondamentaux. A un moment où l’économie dysfonctionne, il faut revenir aux sources de l’économie, qui se veut science des besoins, et bien distinguer les besoins matériels, les besoins relationnels et les besoins spirituels. Ils ne sont pas tout à fait du même ordre.
Les besoins matériels incombent pour l’essentiel à l’activité rémunérée dont on vient de parler. Elle suppose un contrat ou un statut et le respect des normes productives.
L’activité relationnelle est différente et repose sur le don anthropologique : donner, recevoir, rendre. Recevoir un repas, une éducation, des sentiments, cela crée une dette, une obligation de rendre. Mais ce contre-don, il n’est pas défini à l’avance, contrairement au contrat, c’est même la liberté du récipiendaire de savoir quand et sous quelle forme il s’acquittera de son obligation. Ce sont ces dettes mutuelles que nous avons les uns vis-à-vis des autres qui nous lient. Les Canadiens ont beaucoup illustrent sur ce sujet à propos du couple. Dans un couple qui fonctionne bien, chacun a le sentiment qu’il reçoit plus qu’il ne donne, et il est donc invité à élever le niveau de mon don. Dans le cas inverse, chacun va réduire le niveau de son don et le couple ne terminera pas bien. Beaucoup d’activités humaines fonctionnent comme ça, dans la vie associative notamment. Dans L’Anthropologie du don, le tiers paradigme, Alain Caillé montre que le don est traversé par une sorte d’économie subtile entre l’intérêt et le désintéressement, entre la liberté et la contrainte. C’est bien illustré par les cadeaux de Noël : il y a obligation de donner, mais on donne ce qu’on veut, et on espère bien qu’il y aura un retour sous une forme ou sous une autre. Ainsi, le don est rarement totalement désintéressé. Il y a de grands débats théoriques sur ce sujet entre Derrida qui dit que le seul don vrai est celui que l’on fait sans le savoir parce qu’à ce moment-là il est désintéressé, alors que pour Bourdieu il n’y a pas de don parce que tout don est malgré tout intéressé. On peut en déduire que le don anthropologique est à la fois intéressé et désintéressé, c’est un équilibre. Quant au don spirituel, ce serait un autre sujet. Ce n’est pas évident de passer du don l’anthropologique au don spirituel.
Quoiqu’il en soit, le développement de la personne humaine repose très largement sur cette capacité à donner et à recevoir. Ainsi, une bonne manière d’aider une personne en recherche d’emploi consiste à la mettre en capacité de redonner quelque chose. Dans une relation d’accompagnement, le fait de mettre quelqu’un en position de donner et pas seulement de recevoir est extrêmement important. Cette dimension de la personne implique en tous cas un autre rapport au temps, et nous avons besoin de ce temps. Si le temps relationnel n’est pas présent, s’il est trop comprimé par le temps productif, la personne ne se développe pas bien. Or, aujourd’hui, nous avons beaucoup de situations, notamment chez les jeunes, où la vie professionnelle pèse trop lourd, au point de retarder la filiation retardée.
Le troisième niveau, c’est celui du temps spirituel, c’est-à-dire le temps particulier dans lequel la personne s’affronte à la question du sens, à la question du mal qui frappe toute existence d’une manière ou d’une autre, puisqu’un irréductible enchaînement d’épreuves caractérise toute vie et le travail lui-même. Là encore, ce travail spirituel-là implique un certain rapport au temps, c’est le temps de l’intériorité qui, selon les cas, se nous par relations ou s’organise dans la solitude, mais joue un rôle essentiel pour l’équilibre de la personnalité et doit donc trouver sa place et être respecté.
Il y a donc au total trois catégories de temps. Le temps productif est essentiel à la personne mais ne doit pas empêcher les deux autres temps de se déployer. On peut ainsi définir une société réussie comme celle qui parvient à organiser l’équilibre entre ces trois temps, entre ces trois besoins. Aucun ne doit l’emporter sur les autres alors que leur tendance naturelle est de rivaliser entre eux. Car ils ne s’organisent pas tous seuls. On peut avoir excès de travail, entraîné par la lutte pour le pouvoir, pour l’argent, pour la reconnaissance, qui va gêner tant la vie relationnelle que la vie spirituelle, ce qui suscitera des besoins de compensation. On peut aussi avoir un excès temps de relationnel : on est bien ensemble, on ne cherche plus trop à progresser, on est satisfait de ce que l’on est, à bon compte, sans plus participer en somme à l’histoire humaine. On peut même imaginer des situations d’excès spirituels, avec une spiritualité complètement privatisée, tournée vers elle-même, vers le confort intérieur, et qui ne produit pas de fruit à l’extérieur : pas d’œuvre, pas d’action directe ou indirecte. Faut-il rappeler ici que les contemplatifs sont bien souvent aussi des êtres hyperactifs, et qu’il n’y a pas en soi d’opposition entre ces deux attitudes. Aujourd’hui, nous aurions besoin de « contemple-actifs ». Ce n’est pas la chose la plus répandue…Nous retrouvons ici, nous l’aurons compris, la sagesse simple de la règle monastique. C’est ce dont nous aurions besoin dans la vie quotidienne et c’est ce que visent les Tiers-Ordres.
d) Considérer autrement la richesse
Cela conduit naturellement à revisiter la notion d’abondance. Celle-ci doit être examinée sous sa forme matérielle, relationnelle et spirituelle. Et chaque forme d’abondance implique un principe compensateur, un principe d’autolimitation. Chacune des abondances doit être sobre en somme ; d’où l’idée paradoxale de « l’abondance frugale », oxymore, certes, mais incitation à la sagesse aussi . Cela peut s’appliquer aussi à la Parabole des Talents qui est un des points forts de l’évangile : ce n’est pas uniquement une parabole économique. Chacun doit honorer ses talents et doit assurer le plein emploi de ses diverses facultés. Et cela nous aide aussi à définir la démocratie comme le régime politique qui vise à permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même en gérant le mieux son temps.
Nous aboutissons à un nouveau regard sur l’emploi, c’est-à-dire à l’emploi à temps choisi et à revenu correspondant. Le but est que chacun puisse accéder à tout moment à un emploi de qualité à temps choisi, afin qu’il puisse satisfaire ses trois besoins (professionnels, relationnels et spirituels) dans des conditions suffisantes de sécurité.
Le problème est que notre société ne nous permet pas facilement d’échanger du temps libre contre des revenus, de gagner moins d’argent pour avoir plus de temps libre en travaillant à temps partiel, temporairement ou durablement, dans des conditions suffisantes de sécurité. Ce droit au travail à temps choisi n’existe pas vraiment, alors que ce devrait être une liberté fondamentale. Il ne peut être confondu avec le temps partiel imposé par les employeurs dans le cadre de l’organisation de leur production. Le travail à temps choisi est possible dans la fonction publique, mais n’est pas tellement pratiqué par les cadres. Dans la mini-entreprise c’est assez mal vu en général. Il me semble qu’une société économique accomplie devrait permettre à chacun au cours de sa vie de prendre, en contrepartie d’un abandon de revenu, des temps libres s’il le souhaite, bien entendu, sans que ce soit imposé, et que ce devrait faire partie d’un cursus normal de carrière, notamment de la part des dirigeants. Est-ce là un luxe de riches ? Pas plus que la mise sur le marché d’un nouveau bien coûteux, avec en outre l’avantage de réaliser un partage souple du travail diminuant le chômage. Sauf que les riches ne le prennent pas, ce luxe, parce qu’ils sont complètement scotchés par leur désir de pouvoir, le maintien de leur situation et qu’il serait mal vu de le faire. A quelques exceptions près : J’ai rencontré récemment une personne qui avec son mari avait réussi à s’abstraire du travail pour aller faire le tour du monde avec leurs enfants, une formidable aventure, bien enrichissante en définitive. Le temps libre lui aussi enrichit et l’excès de travail par rapport aux besoins appauvrit.
Cela amène à mettre en avant le concept de vocation. Le but, en définitive, c’est que chacun trouve sa vocation, qu’elle s’exprime dans le travail rémunéré (dans l’emploi) ou autrement. Ce n’est pas facile de trouver sa vocation. On peut la définir comme une forme d’activité, qui peut être rémunérée ou non, dans laquelle on développe des facultés particulières, dans laquelle on crée quelque chose d’unique. Ce qui est important dans la vocation, c’est la singularité : ce que l’on fait là, un autre ne peut pas le faire. Cela permet de répondre à la question suivante : Dans quel cas est-il souhaitable, en période de chômage, de réduire son temps de travail et son revenu, du point de vue de l’intérêt collectif ? La réponse est la suivante : quand on fait quelque chose dans son travail qui ne peut pas être fait aisément par quelqu’un d’autre, par exemple parce qu’on est en train de créer quelque chose, il n’est pas souhaitable du point de vue de l’intérêt général de réduire son temps de travail. En revanche, si on fait quelque chose qui peut être fait par d’autres et s’il y a du chômage en même temps, il n’y a aucun inconvénient à réduire son temps de travail et son revenu ; sur le plan macro-économique, cela ne pose pas de problème. Le but de l’organisation sociale, c’est de permettre à chacun de vivre selon sa vocation, l’emploi n’étant qu’un moyen, que la vocation s’exprime dans l’emploi ou que l’emploi fournisse les revenus permettant à la vocation de s’exprimer.
2) …Pour que tous y aient accès
Comment faire pour que chacun puisse avoir accès à cette vision des choses, dont je mesure bien le caractère utopique.
Il ne faut pas fuir l’utopie, au contraire : l’utopie, c’est l’espérance qui est légitime. Et cette espérance est d’autant plus légitime qu’elle peut s’ancrer dans une résistance, une résistance à l’inacceptable, et une régulation qui va organiser les conditions de progression vers l’utopie. Résistance à l’inacceptable : Dans notre cas, ce sera soit l’excès de travail, le travail qui n’apporte plus grand-chose, soit l’insuffisance de travail et le chômage. Comment résister à ces deux ennemis ? Quant à la régulation, elle consiste à mieux organiser la société pour limiter, réduire, supprimer l’inacceptable. C’est ce que j’ai appelé « les trois cultures du développement humain » : la résistance, la régulation et l’utopie . Notre culture politique active en permanence ces trois cultures, mais le plus souvent en les séparant et en les cloisonnant, alors que c’est en les mettant en complémentarité, chacune avec à la fois leurs forces et leurs limites, qu’il est possible de construire des grands projets.
Il est intéressant de noter, par incidence, que ces trois cultures sont présentes dans l’Evangile. La résistance : chasser les marchands du Temple à coups de fouet ce n’est quand même pas un acte bénin ! La régulation : c’est de payer l’impôt dû à César. Et nous cheminons vers l’utopie mais avec une tolérance quant à nos limites. Il faut fuir une vision trop caricaturale de l’Évangile. C’est un texte subtil, plein de nuances et de souplesse, tout en aspirant à l’exigence.
Comment donc organiser la société pour que tous aient accès à cet emploi à temps choisi et sécurisé ? Ce serait l’idéal.
D’abord, il faut regarder dans les conditions historiques puis ensuite les conditions sociologiques.
a) Les conditions historiques.
Pendant les Trente Glorieuses (de 1945 à 1973), miraculeuse, l’emploi s’est recomposé aussi vite qu’il se décomposait : Énorme exode rural, pompe aspirante des villes et des industries, les hommes quittaient la campagne pour être embauchés. Gros progrès de productivité (de 4 à 5 % par an) et pourtant plein emploi. Donc l’idée que la productivité tue l’emploi est fausse : au moins pendant cette période, les deux choses ont marché de pair. Cela a permis de développer à la fois consommation individuelle et consommation collective. Aujourd’hui, cela apparaît comme une situation historique cantonnée dans le temps. Quand on y réfléchit, l’équilibre du marché de l’emploi ne va pas de soi, c’est quand même quelque chose de très délicat. Au fond, on veut concilier des choses très différentes : On veut concilier la liberté d’entreprendre, la liberté du travail et l’emploi pour tous. Comment harmoniser tout ceci ? Il faut que ceux qui entreprennent le fassent suffisamment pour que tout le monde trouve du travail, puis que ceux qui souhaitent trouver du travail aillent vers les emplois disponibles. Et puis par ailleurs, il y a le progrès qui détruit l’emploi et oblige à le recomposer en permanence. Dans un monastère, par exemple, ou dans une famille, ou dans une bureaucratie, on répartit le travail, les tâches à faire, mais la liberté du travail, la liberté d’entreprendre sont plus limités. On simplifie le problème en somme. Les mécanismes de marché régulés sont censés assurer l’équilibre entre liberté d’entreprendre, liberté du travail et progrès technique, mais le résultat n’est pas assuré. L’équation en elle-même est compliquée. À un certain moment, elle s’est bien résolue ; à d’autres moins.
Pendant les « Trente Piteuses » qui ont suivi, pour reprendre un mot célèbre, l’emploi s’est décomposé beaucoup plus vite qu’il s’est recomposé, d’où le chômage. Pourquoi ?
Parce qu’il y a la mondialisation : de nouveaux pays entrent dans le système avec de plus bas salaires, donc ils créent un choc au niveau de notre pays, qui n’est pas très différent de ce que fût le machinisme. Cela implique des adaptations, des recompositions productives, une nouvelle division internationale du travail. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas trouver des jeux à somme positive où tout le monde progresse en même temps, mais il faudrait pour cela que les conditions de la régulation mondiale soient plus optimales qu’elles ne sont, notamment en ce qui concerne les taux de change ou la coordination des politiques économiques.
Ensuite il y a le problème de la tertiarisation qui pose pas mal de problèmes. Le travail est devenu plus difficile d’accès. Plus immatériel, plus qualifié, plus relationnel. Les personnes qui ont des difficultés relationnelles, ou des difficultés d’abstraction, sont désavantagées sur le marché du travail, ce qui rend l’impact de l’illettrisme beaucoup plus fort. La question de l’accès à l’emploi s’est compliquée, c’est une rançon du progrès.
Le premier choc pétrolier de 1973 qui symbolise et concrétise l’arrivée de la mondialisation dans la vie quotidienne de chacun a entraîné dans tous les pays un choc sur l’emploi. Ensuite il y a eu des réactions nationales pour revenir à la situation antérieure. Et là, force est de constater qu’il y a eu plusieurs modèles de retour au plein emploi.
b) Plusieurs modèles de retour au plein emploi
Il y a eu un modèle libéral qui repose sur l’idée que s’il y a un excès de demande de travail par rapport à l’offre du travail, c’est que le prix du travail est trop élevé ; il faut donc assouplir les règles du droit du travail et faire baisser le prix du travail. Aux États-Unis, en Angleterre, le blocage du salaire minimum, la dérèglementation du marché du travail, ont eu des effets assez favorables en termes de quantité d’emploi disponibles au travers d’un accroissement des inégalités salariales. En outre, l’extension de la dérèglementation dans le domaine financier a provoqué une crise grave qui se retourne contre l’emploi lui-même. Donc le modèle libéral est victime de ses propres excès. Mais il a quand même réussi d’une certaine façon pendant un certain temps : Les États-Unis sont revenus à une situation de plein emploi, l’Angleterre aussi, avant les crises récentes de 2007/2008.
L’autre démarche est une démarche moins individuelle, plus collective, plus impliquée, moins mécanique. Elle suppose des acteurs sociaux forts, responsables, qui mettent l’emploi au centre de leurs priorités, ne répudient ni la mondialisation ni le marché mais essaient de l’utiliser au mieux pour procurer de l’emploi à tout le monde. C’est le modèle suédois, danois, néerlandais, allemand, modèle reposant sur l’intelligence collective et sur des disciplines collectives, qui mettent l’emploi t au centre, de manière très concrète. Cela veut dire par exemple qu’une personne qui tombe au chômage est très fortement indemnisée mais soutenue par des accompagnements de qualité et soumises à des obligations de formation et même, éventuellement, à des obligations d’acceptation d’emploi qui pourront la conduire à exercer des activités dans des secteurs où l’on manque de main-d’œuvre. Il y a discipline individuelle et collective et soutien individuel et collectif, les deux sont liés.
Cela s’oppose au modèle libéral dans lequel il y aura une faible indemnisation du chômage et l’appel à la responsabilité individuelle pour trouver du travail, quel qu’il soit. Mais comme il ’y a, pour l’employeur, une liberté assez grande, on espère que des emplois se créeront spontanément. Un exemple invoqué en faveur de cette thèse, c’est celui des émigrés cubains qui sont arrivés en Floride lors de la fameuse crise des fusées. Tout le monde a craint une forte hausse du chômage et c’est le contraire qui s’est produit : Dès que les émigrés arrivaient, ils créaient avec facilité et tout de suite des activités pour survivre, mais généraient ainsi des revenus qui soutenaient la consommation, entretenant ainsi le dynamisme du système.
c) Le problème français
Il faut donc choisir entre un modèle de responsabilité individuelle peu régulé et un modèle de responsabilité collective très organisé, avec bien sûr des nuances, des variations tenant compte des cultures nationales. Le problème français, c’est que nous n’avons pas choisi et que nous n’avons ni l’un ni l’autre. Nous sommes dans l’entre-deux : nous rêvons du modèle suédois, avec l’individualisme et le corporatisme français et, si possible, les impôts américains ! Cela ne marche donc pas. S’ajoute à cela des mauvaises relations entre l’économique et le social, qui se regardent comme adversaires, alors qu’ils doivent s’organiser pour être complémentaires, une politique de l’emploi tournée vers la quantité plus que la qualité, le court terme plutôt que le long terme, l’accumulations de mesures pour répondre aux injonctions des médias plus qu’à la cohérence constructive dans la durée. Nous sommes les propres victimes de ce conflit de valeurs entre une forte demande de social projetée vers l’État et des comportements sociaux individualistes.
Cette situation est aggravée par l’évolution de la mondialisation. En Europe, nous sommes pris en sandwich entre les Etats-Unis, qui disposent du privilège du dollar, et la montée en puissance des nouveaux pays comme la Chine et l’Inde qui, avec des bas salaires, rentrent dans le système des échanges en étant plus gros que le système lui-même, alors que les règles du jeu ne sont pas claires, notamment celles qui concernent les taux de change. Ainsi, autant le problème des déficits excessifs des budgets est posé, autant celui des déficits ou des excédents excessifs des balances de paiement est sans solution. De ce fait, certains pays ont des excédents de balance de paiement durables et importants, ce qui n’est pas légitime. Il n’est pas normal que la Chine, pour ne pas la citer, accumule de tels excédents, prenant ainsi l’emploi aux autres tout en se dotant des moyens de racheter leurs entreprises et leurs terres. De même, les Américains, avec leurs dettes – d’ailleurs cela posera un jour problème – sont dans une situation où ils captent automatiquement la dette des autres et vivent à crédit sans redistribuer en interne leurs propres ressources, faisant ainsi courir des risques au système financier mondial.
d) Que peut-on faire chez nous, dans ces conditions ?
D’abord, s’inspirer de ce qui a réussi chez les autres. Et sortir du rêve français de l’invention de la mesure miracle qui règlerait le problème de l’emploi à notre place. On ne cesse en France de rêver de la mesure-choc qui d’un coup de baguette règlerait la question de l’emploi. Chaque élection présidentielle fait émerger les derniers trucs à la mode. Certes, les médias demandent « des mesures pour l’emploi ». Mais ce qui marche, ce ne sont pas les mesures, mais leur articulation dans la durée, leur mise en œuvre, leur appropriation par les acteurs économiques et sociaux. En fait, ce qui compte, c’est l’implication, c’est la capacité de mobilisation. Pour donner du travail à tout le monde, la société doit d’abord travailler sur elle-même. Pour employer chacun, la société doit s’employer à développer son intelligence collective. Soit il faut aller vers un système libéral qui dérégule le marché, soit on veut un modèle plus exigeant, mais il faut s’en donner les moyens. Je suis pour ma part partisan d’un modèle de régulation forte, plus protecteur pour les personnes, qui ne congédie ni la mondialisation, ni le marché, mais en négocie les conditions d’optimisation, qui suppose d’être cohérent et de s’impliquer fortement.
Mais dans les deux cas de figure, quelle que soit l’orientation prise, il faut vouloir le retour à un plein emploi à temps choisi, vraiment le vouloir, il faut y croire, croire que c’est possible et il faut être prêt à en payer le prix.
Ce sont les trois conditions :
le vouloir mais le vouloir vraiment, ne pas dire se contenter de belles paroles sur la priorité à ‘emploi ;
y croire. Est-ce le cas ? Ne sommes-nous pas résignés au chômage, n’avons-nous pas décrété sa fatalité ? N’avons-nous pas collectivement démissionné, pour nous épargner les efforts à faire ?
en payer le prix, donc afficher ce prix, montrer les efforts à faire.
Ces efforts tournent autour de quelques axes principaux.
Il faut d’abord être créatif. Il faut développer l’esprit d’entreprise, aller au-devant des besoins, saisir les opportunités, soutenir les initiatives pour créer des emplois.
En même temps, il faut développer des valeurs de sobriété et de justice qui ne vont pas nécessairement de pair avec l’initiative. L’initiative peut être inspirée uniquement par le souci du profit, le souci de la rentabilité, la chrématistique.
Il faut sobriété et le sens de la justice parce que le plein emploi de qualité est un modèle exigeant, qui implique des investissements publics importants.
Il faut soutenir la création d’entreprise, former les jeunes, accompagner individuellement les demandeurs d’emploi et donc doter le service public de l’emploi de moyens suffisants. Or, les conseillers de Pôle emploi ont la capacité d’accompagner 400 000 personnes, alors que 1,8 millions de personnes se trouvent en situation de chômage de longue durée. Dans le rapport que nous avons fait avec Catherine Barbaroux, Présidente de l’ADIE, pour la Conférence contre la pauvreté et pour l’intégration sociale de décembre 2012, nous avions proposé que les agents publics cotisent progressivement à l’assurance chômage. Actuellement, et depuis 1983, ils contribuent à hauteur de 1% au régime dit de solidarité. Ne pourrait-on porter cette contribution à 2,4%, comme pour les salariés du secteur privé afin d’accroître les moyens de Pôle emploi ou d’étendre la couverture chômage, afin de réduire la place devenue excessive des minimas sociaux ?
Les contrats aidés constituent des mécanismes ingénieux qui permettent de créer de l’emploi quand le marché n’en crée pas assez, et qui viennent s’ajouter aux emplois ordinaires. Ils devraient être réservés aux personnes en difficulté, bénéficier d’un accompagnement soutenu et être assortis de formation. Or les systèmes sont complètement disjoints !
De manière plus générale, on manque de compréhension envers les demandeurs d’emploi.
On a mal compris qu’il est plus difficile de chercher un emploi que de travailler, par exemple. A quelqu’un qui est en recherche d’emploi, on demande plus de capacité d’initiative, de présentation, de mobilité, alors qu’il est lui-même fragilisé. On saisit mal également le phénomène de découragement, de dépression, de perte d’estime de soi qui frappe beaucoup de personnes lorsque le chômage dure longtemps. Du coup, le phénomène s’auto-entretient : une personne qui est découragée, qui ne croit plus en ses chances, risque de ne pas saisir une perche qui se tendait et qui lui aurait permis de rebondir. Une autre caractéristique du chômage, c’est qu’il dissout les liens.
e) L’expérience de solidarités nouvelles face au chômage
C’est pour réagir à cette situation que, en 1985, nous avons, avec quelques amis, crée Solidarités nouvelles face au chômage .
Nous avons mis en place des groupes de solidarité de 5 à 15 personnes qui se réunissent tous les mois et qui mettent en commun du temps et, pour ceux qui le peuvent, de d’argent. Le temps, cela consiste à mettre à la disposition des personnes en recherche d’emploi qui le souhaitent un binôme de deux accompagnateurs. Des rencontres vont s’organiser dans un lieu neutre, dans un café, régulièrement, selon un rythme convenu ensemble pour discerner les bons choix, soutenir un moral parfois défaillant, chercher des pistes. Cet accompagnement bénévole en binôme est aussi long que nécessaire. Les accompagnateurs se retrouvent tous les mois pour s’entraider et se réguler, car la relation d’aide est complexe et difficile, qui oscille toujours entre excès de compréhension et autoritarisme. Quand les personnes, au bout d’un certain temps, ne trouvent pas de travail, grâce à l’argent mis en commun tant par les accompagnateurs que par des donateurs extérieurs, on subventionne leur embauche par une association en prenant en charge le salaire au niveau du salaire minimum. C’est l’association qui embauche. On lui verse l’équivalent du SMIC, que l’association peut compléter sur ses propres deniers.
Ce qu’on a découvert, c’est à quel point les demandeurs d’emploi sont en manque d’un lieu où ils puissent parler calmement de leur chômage. Trouver une ou deux heures d’écoute amicale, sympathique, parfois critique, humaine au bon sens du terme, ce qui implique de l’imperfection, cela a beaucoup de prix pour un chercheur d’emploi. En effet, un chômeur a du mal à parler devant sa famille. Il est tendu, il pense à autre chose. Devant le recruteur il ne peut pas parler, il faut au contraire faire le beau. Le service public, le plus souvent, n’a pas le temps. La souffrance liée au chômage a besoin d’être partagée, sinon elle s’enkyste et ronge les personnes de l’intérieur. A cela, on peut remédier, si on s’en donne la peine et si on s’organise. Nous avons ainsi démontré qu’on pouvait agir pour aider les personnes au chômage et même créer des emplois pour ces personnes, sans être pour autant des entreprises ou des services publics, en mettant en œuvre des solidarités concrètes de terrain. Les demandeurs d’emploi ont besoin de mains qui se tendent plus que de menaces qui se brandissent.
f) Un pacte civique pour l’emploi ?
Comment transposer ces attitudes, ces valeurs, au niveau collectif ? C’est l’objet du Pacte civique qui a été lancé en mai 2011 .
Le Pacte civique, c’est une démarche qui part de l’idée que les crises de notre société ont maintenant atteint un niveau systémique et que nous devons apprendre à penser, agir, vivre autrement en démocratie. L’économie ne va plus délivrer les mêmes promesses qu’autrefois. Comment va-t-on résorber en même temps la dette sociale, la dette financière et la dette écologique ? Donc il va falloir s’organiser autrement et cultiver simultanément des valeurs de créativité, de sobriété, de justice et de fraternité. Autour de ces quatre pôles, on a construit 32 engagements destinés à relever le niveau de la qualité démocratique. Il s’agit à la fois :
de s’efforcer de changer nos habitudes, « être soi-même ce que l’on voudrait que la société soit » comme disait Gandhi ;
de faire changer progressivement les modes de fonctionnement des diverses organisations qui structurent la vie collective (entreprises, services publics syndicats, associations, médias, etc.), fonctionnements qui ont tendance à se déshumaniser ;
de réformer un ensemble d’institutions et de politiques publiques afin d’élargir la participation démocratique, de lutter contre les inégalités et le chômage, d’améliorer le “vivre ensemble”, de développer le service civique notamment.
Un Pacte civique pour l’emploi ?
Il s’agirait de mobiliser la société civile autour de ce sujet, de « faire de l’emploi de qualité pour tous, à temps choisi, une priorité nationale partagée » : Tel est la formulation de l’engagement 24 du Pacte civique lui-même.
Dans le rapport que nous avons rédigé avec Catherine Barbaroux pour la Conférence de lutte contre la pauvreté de décembre 2012, nous avions indiqué qu’il fallait changer de regard, changer de méthode, changer d’échelle. Tout un programme !
Début 2012, le pacte civique avait proposé que l’on organise un Grenelle de l’emploi, afin que tout le monde se mettre autour de la table échanger et proposer, avec la conviction que l’on peut y arriver si on est prêt à faire individuellement et collectivement les efforts nécessaires. C’est ce qu’on fait les Suédois, les Danois, c’est ce qu’on fait les Allemands. Cela, au fond, nous ne l’avons jamais fait. Certes, on chemine à petits pas : L’accord des partenaires sociaux de janvier 2013, c’est un début. Mais, dans le même temps, on déverse 20 milliards sans lien avec le dialogue social. Or, on aurait pu conditionner ces aides à des accords entre partenaires sociaux, pour en faire le meilleur usage, par exemple pour lier des liens féconds entre la compétitivité quantitative (les coûts) et la compétitivité qualitative (la recherche, le choix des produits, les méthodes de production, etc.). On a besoin de ces deux formes de compétitivité. Et comment les articuler au nom du contribuable, sinon par le dialogue ? Nous sommes quelque peu schizophrènes, parfois…
Retrouver plus de confiance en nous, nous organiser, nous mobiliser dans la durée autour d’objectifs définis en commun, voilà désormais, à mon sens, l’enjeu.
Échange de vues
Pierre de Lauzun : Je vous remercie beaucoup pour cet exposé très stimulant.
Je rebondis sur les dernières paroles : la mobilisation collective. Effectivement, si l’on regarde le gouvernement précédent, comme l’actuel, la capacité de mobilisation collective comprise comme vous le faites paraît très faible.
Comment expliquez-vous cette difficulté de notre système politique à générer cette mobilisation collective tant au niveau des hommes que des idées ?
Jean-Baptiste de Foucauld : Je crois qu’il y a un problème assez profond derrière cela. D’abord le rôle des médias qui demandent sans cesse la mesure miracle, dont sait bien qu’elle n’existe pas. Et, derrière ça, un manque de confiance dans la capacité de la société à s’auto-organiser et à trouver elle-même des solutions aux problèmes dès lors qu’elle serait placée en position de responsabilité. Si l’Etat disait : voilà, je mets à votre disposition une certaine somme d’argent, faites-en le meilleur usage. Je me réserve seulement le droit de ne pas être d’accord si vous en faites n’importe quoi, mais je vous fais confiance.
Cela implique une capacité morale de la classe politique, ce qui n’est pas évident, parce que si c’est la société qui trouve une solution, qui est bénéficiaire du retour au plein emploi ? Personne. Tout le monde. Mais le pouvoir politique, il veut s’approprier les mesures et leurs résultats. Cette mise en responsabilité implique une espèce de lâcher prise au sens du zen qui n’est pas fréquent, qui est contraire à l’appétit politique. Cela implique une maîtrise de pouvoir qui est un peu contraire au fait qu’on est au pouvoir.
Vous remarquerez que les pays où il y a une moindre valorisation du chef, dans lesquels la structure démocratique fonctionne le mieux, fabriquent plus facilement de l’intelligence collective : c’est le cas de la Suisse (dont on aime bien rigoler en France), de l’Allemagne, de la Suède, où l’on sait se donner du temps.
Il y a aussi des problèmes de cohérence. Sous le précédent gouvernement, la réforme de Pôle-emploi a fusionné l’UNEDIC et l’ANPE le Président s’était engagé fortement, visant à réduire à 5 % le taux de chômage. Mais alors que le chômage augmentait de 25/30 %, on a augmenté les effectifs de Pôle-emploi de 10% seulement, ce qui crée un réel déficit d’accompagnement !
Même remarque concernant les 35 h. Le débat s’est avéré fallacieux finalement puisqu’on a dit : on va réduire le temps de travail sans réduire les salaires. On s’est aperçu que cela ne passait pas. Donc on a fait des allègements de charge très importants et on a modéré l’évolution des salaires pendant deux ou trois ans après. Donc de fait, on a réduit le coût salarial pour financer les 35h. C’est pour ça qu’on a quand même créé 300/400 mille emplois. La Gauche et la Droite se sont toutes les deux piégées dans ce débat.
On a créé des emplois parce qu’on n’a pas appliqué la règle des 35h qui étaient sans réduction de salaire. Reste que ces 12 milliards d’allégements de charges ne sont plus disponibles et concourent au déficit de la Sécurité sociales. Et ils n’ont pas servi à embaucher des chômeurs de longue durée. Ils ont servis à ceux qui étaient plus proches de l’emploi. Pourtant, je crois à la baisse du temps de travail, à condition d’en payer le prix : Le temps choisi devrait être promu comme une manière de vivre mieux tout en distribuant mieux l’emploi.
Rémi Sentis : Vous avez mentionné qu’en Europe et en France en particulier le secteur tertiaire devenait de plus en plus important. Il me semble qu’une des raisons qui explique le taux de chômage important en France, c’est justement que le secteur industriel est beaucoup moins important que le tertiaire ; surtout en comparaison avec l’Allemagne. Je crois qu’en Allemagne la proportion « industrie » par rapport à « emploi total » est largement plus importante qu’en France, d’au moins 50 à 80 %.
Et je me demande si le système éducatif français n’est pas tel que la jeunesse est détournée du travail manuel et puis d’un travail industriel concret. Cela pourrait être une conséquence du fait que l’école ne favorise pas l’apprentissage, les stages en entreprise et une solution partagée entre formation théorique et formation professionnelle.
Jean-Baptiste Foucauld : Il est clair que quand on a une industrie forte, exportatrice, on a un atout important, ne serait-ce que du fait que dans l’industrie, la productivité augmente plus vite que dans le secteur tertiaire. Dans le secteur tertiaire, les possibilités d’augmenter les salaires sont plus faibles.
Comment relancer l’industrie ? Il y a sûrement un problème de compétitivité-qualité. On n’a sans doute pas assez soutenu l’industrie dans les années 90. On n’a pas été assez conscient de ça.
De manière plus générale, je dirai qu’il y a un mauvais rapport entre l’économique et le social en France. Le système éducatif, le monde du social, regardent souvent l’économie comme un peu le lieu du mal, du profit. Il y a toute une réflexion à mener sur le système éducatif, pour trouver un équilibre entre une éducation qui prépare à une vie professionnelle réelle et maintenir une formation générale plus abstraite ; les humanités, c’est quand même important. Le problème est en partie double. On fait du mauvais cartésianisme au fond. C’est blanc ou noir. On a besoin de penser les articulations.
Le Président : Je souhaiterais avoir votre réaction sur une question qui me paraît importante aujourd’hui.
J’ai trouvé intéressante la distinction activité-travail-emploi que vous avez faite au début de votre intervention, de même que celle entre les dimensions matérielle, relationnelle et spirituelle que vous avez ensuite introduite. En revanche, leur articulation n’est pas très claire pour moi. En effet, vous avez parlé ensuite du travail rémunéré en précisant qu’il faut qu’il soit important non seulement pour les personnes mais aussi pour la société. Jusque là je suis tout à fait d’accord. Mais quand nous regardons les faits, nous nous apercevons qu’il existe du travail non rémunéré et qui est pourtant important pour la société ; nous pouvons penser, à titre d’illustration, au travail domestique que vous avez d’ailleurs évoqué vous même.
Quand nous voyons la crise démographique que subit notre « vieille Europe », et la France n’est pas épargnée quoiqu’on en dise, nous pouvons nous demander si la société n’aurait pas intérêt à ce que plus de personnes se consacrent, pas exclusivement sans doute mais au moins partiellement, à la « production » (le terme n’est pas très satisfaisant mais il dit bien ce qu’il veut dire !) d’enfants et à leur éducation.
La société en tire un avantage indiscutable mais ne semble pas attacher d’importance à cette activité qui ne donne d’ailleurs lieu à aucune rémunération. Et nous pouvons nous interroger, en pensant à la théorie des incitations, n’y aurait-il pas quelque chose à faire pour combler l’écart entre ce à quoi aspirent les couples et la réalité ?
Par ailleurs, quand vous évoquez, et l’on vous suit sans difficulté une fois de plus, l’impossibilité de laisser 400 000 personnes avec quelques centaines d’euros par mois, nous voyons bien qu’il faut les rémunérer d’une façon ou d’une autre. Mais nous sommes alors dans la situation inverse de la précédente : au lieu d’avoir des personnes non rémunérées qui agissent dans l’intérêt de la collectivité, il s’agit là de personnes qu’il faudrait rémunérer bien qu’elles n’aient pas trouvé la possibilité de développer une activité de ce type !
La question n’est donc pas seulement celle de la rémunération ; comment faire pour qu’elles accèdent en même temps à une activité qui soit intéressante pour la société ? Nous pouvons dire « c’est intéressant pour eux, pour leur vie, qu’ils soient rémunérés, qu’ils aient une vie décente… », mais est-ce suffisant étant donné ce que vous avez dit ?
Comment, dans ces conditions, trouver des activités qui soient utiles pour la société, et faut-il alors les leur proposer ? Quels sont les critères qui nous permettent de dire : finalement leur activité est nécessaire à la société ? S’agit-il alors d’activités ou d’emplois ? Ceux qui n’ont pas d’emploi, ils ont un système d’assurance leur permettant d’être rémunérés à certaines conditions et pendant un certain temps, mais ensuite ? Il ne s’agit pas de jeter la pierre, mais s’ils n’ont pas trouvé d’activité qui soit utile pour la société, comment justifier leur rémunération ?
En définitive et pour résumer, il y a ceux qui font une activité non rémunérée mais utile et d’autres qui n’ont pas d’activité utile mais qui sont rémunérés ! N’est-ce pas paradoxal et finalement peu durable ?
Je ne vois pas très bien comment nous pouvons nous en sortir avec un tel système.
Jean-Baptiste de Foucauld : Je crois qu’il y a une partie d’activité gratuite dans la société qui est tout à fait normale. Le bénévolat est important, c’est très bien comme ça.
Vous vous posez la question de demander aux personnes en recherche d’emploi de faire des activités bénévoles contre une rémunération…
Le Président : Non, en contre partie de leur rémunération, qu’elles fassent une activité utile pour la société. Mais qui va leur dire que c’est utile d’ailleurs ? Je ne sais pas.
Jean-Baptiste de Foucauld : Le problème, c’est de leur proposer cela.
Je pense que c’est le but des contrats aidés d’ailleurs.
Demander à une personne allocataire du RSA de faire du bénévolat en contrepartie de son RSA, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Une personne au RSA, on devrait la reconduire vers un emploi. Elle doit être accompagnée, on doit procurer des contrats. Il faut lui donner une formation. Il faut qu’on investisse sur un retour à l’emploi à temps choisi.
La question de savoir s’il faut conseiller à un demandeur d’emploi de faire du bénévolat ou pas est une très bonne question. À Solidarités nouvelles face au chômage, on avait, fait faire un travail sur « chômage et bénévolat » par quelqu’un qui était lui-même au chômage d’ailleurs. On l’avait rémunéré pour ça. Et on avait essayé d’avoir une doctrine en la matière, dans le processus d’accompagnement. Et on avait adopté une solution assez nuancée. Elle consistait d’abord à poser la question à la personne : est-ce que vous faites du bénévolat ? Parce qu’il y a déjà des personnes qui en font et quelquefois on a construit un emploi sur leur bénévolat, en transformant leur bénévolat en contrat aidé privé, ce qui a permis à des personnes de retrouver du travail.
Dans notre association, il y a une très belle histoire d’une personne qui avait créé une entreprise qui avait fait faillite et qui se trouvait au chômage, très angoissé. On s’est aperçu qu’il faisait du bénévolat pour une association qui s’occupait des prisons en Afrique. L’association avait un peu d’argent, mais n’avait jamais embauché aucun salarié. Donc on l’a mis en contrat, dans cette association, et à la fin du contrat il a été embauché par l’association. On a fait émerger un emploi, et ainsi activé le marché caché. D’autre part il peut y avoir des demandeurs d’emploi qui font du bénévolat parce qu’ils sont dans un monde plus gentil, moins rigoureux, qui a moins de normes et cela peut progressivement se substituer à une recherche d’emploi active. On a un troisième cas : Des chômeurs qui nous disent d’une façon extrêmement nerveuse : écoutez, ces bénévoles qui nous prennent de l’emploi, non je ne veux pas en entendre parler. Il s’agit ensuite de bien analyser la réponse et puis de bâtir une stratégie adaptée, dans laquelle le bénévolat prend éventuellement sa juste place. En effet, cela a beaucoup d’avantages, cela crée des liens, on se parle, cela peut faire apparaître des occasions d’emploi. En un mot, c’est plutôt une bonne idée à condition que ce ne soit pas un substitut, mais cela ne doit pas être imposé. Il ne faut pas confondre le temps professionnel avec le temps relationnel. Que l’un ne se substitue pas à l’autre.
Le Président : Je n’en doute pas ! Vous avez une clé de lecture qui est cohérente.
Laurent Mortreuil : Merci beaucoup pour votre réflexion. J’ai trouvé en particulier que lorsque vous parliez de la réalité, que vous connaissez bien, du chômage vous étiez vraiment captivant et vous nous faisiez toucher du doigt la souffrance non pas de 1 million 8 mais de 3 millions de chômeurs qui sont nos frères.
D’abord une petite remarque, j’était un peu surpris qu’on accuse le libéralisme des crises financières. Bien au contraire, les crises financières viennent d’un excès d’interventionnisme puisqu’elles viennent bien des erreurs de politique monétaire, d’une politique de crédits irréalistes.
Tout cela tend, comme vous l’avez bien dit, à la non frugalité des hommes du pouvoir de renoncer à intervenir et avoir à la main des choses qui peut-être ne leur appartiennent pas.
La crise vient bien du côté des émetteurs d’une subvention de la part de l’État fédéral pour développer le marché sub-prime et, du côté des investisseurs, de réglementations offrant des garanties de rendement aux épargnants ce qui pousse les investisseurs à chercher des rendements à taux fixes élevés…
Jean-Baptiste Foucauld : Je ne suis pas d’accord.
Laurent Mortreuil : Les agences fédérales donnaient une garantie de l’État fédéral sur des marchés qui, sinon, ne se seraient pas développés. Donc c’est bien l’intervention de l’État qui a fait se développer le marché des sub-primes.
Pierre de Lauzun : Mais il y a eu en même temps une insuffisance de régulation parce que s’ils avaient eu la règle qu’on a en France : on ne peut prêter qu’en vérifiant le rapport entre les mensualités et le revenu, il n’y aurait pas eu de crise.
Et le marché a dysfonctionné à cause de cela aussi.
Laurent Mortreuil : J’en arrive à ma question : la loi de 1946 limitant la liberté syndicale et assurant un monopole de fait, est-elle encore aujourd’hui adaptée aux besoins des échanges avec les partenaires sociaux ?
Jean-Baptiste de Foucauld : C’est vrai que les organisations syndicales en France sont plus tournées vers les gens en place que vers les gens au chômage, ce qui ne facilite pas les choses.
Le monopole. Dans le monde anglo-saxon, il n’y a pas de monopole mais il y a des systèmes de « closed shop » : si on n’est pas syndiqué on n’est pas embauché. Cela va plus loin que le monopole de présentation au premier tour.
En France il faut trouver le moyen d’intéresser plus les partenaires sociaux à l’emploi, mais le mieux est de les placer dans des jeux positifs du genre « mieux utiliser de l’argent public pour créer de l’emploi » plutôt que d’être toujours sur la défensive et retardataire. Cela me paraît plus préférable que de lever le monopole syndical au premier tour. Il y a un deuxième tour quand même.
Séance du 14 février 2013