par Rémi Brague, Professeur de Philosophie à l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Jean-Pierre Lesage : Nous sommes très honorés d’accueillir le professeur Rémi Brague, Membre de l’Académie des sciences morales et politiques.
Mais ce n’est pas seulement à un intervenant de qualité exceptionnelle que nous souhaitons aujourd’hui la bienvenue. Nous le faisons aussi, en quelque sorte, à un ami de l’association. En effet, c’est la quatrième fois que le professeur Brague accepte de venir nous parler. Par ses visites successives, il jalonne de façon remarquable la vie de notre académie. Et je voudrais, vraiment, en notre nom à tous vous en remercier chaleureusement.
Vous êtes, en effet, intervenu une première fois en 2001 sur le thème de l’unité du genre humain. Vous aviez alors, notamment, évoqué la notion de providence comme une forme d’articulation entre la dimension historique de l’homme et le fondement naturel de son existence.
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La deuxième fois – c’était à l’automne 2006 – vous étiez venu nous parler de la place de l’homme et de la femme dans le judaïsme, le christianisme et l’islam après votre livre La loi de Dieu.
La dernière fois, la troisième donc, – c’était au début de 2016 – vous aviez démonté pour nous les mécanismes du relativisme et l’impasse à laquelle il conduisait.
Chacun de ces thèmes était important en lui-même, mais aussi fortement ancré dans les préoccupations du moment. Le thème d’aujourd’hui est tout à fait dans cette ligne puisque vous allez nous parler de Dieu à l’école et à l’université.
Préalablement, je rappelle que vous êtes normalien, agrégé de philosophie. Vous avez soutenu votre doctorat d’État en 1976 sous la direction de Pierre Aubenque ; vous avez été au CNRS, puis professeur à Dijon, puis à Paris-I (1990-2012) où vous avez enseigné la philosophie arabe. En même temps, vous avez occupé la chaire Romano Guardini à la Ludwig Maximilian Universität de Munich où vous avez enseigné l’histoire du christianisme européen.
Vous êtes polyglotte. Vous pratiquez plusieurs langues vivantes (français, anglais, allemand, espagnol, notamment) ou anciennes (en particulier : latin, grec, hébreu, arable classique). Par ailleurs, vous ne dédaignez pas pour autant des œuvres artistiques dans des genres variés, puisque vous êtes aussi un excellent connaisseur du monde de Tintin ou des films de Michel Audiard, pour ne citer que ces exemples.
Vous êtes membre de l’Institut (Académie des Sciences Morales et Politiques) et membre de l’Académie catholique de France. Vous avez reçu en 2012 le prix Ratzinger, qui est l’équivalent du prix Nobel de théologie.
Lorsque Nicolas Aumonier vous avait présenté en 2016 il avait recommandé à ceux d’entre nous qui souhaiteraient en savoir plus sur le contenu de vos travaux de se rapporter au résumé que vous donnez dans l’Avant-Propos d’un de vos ouvrages récents, Le Règne de l’homme. Genèse et échec du projet moderne (Gallimard, 2015). Vous y mentionnez notamment, pour le déplorer bien entendu, qu’au tournant des Temps modernes, « le savoir de l’homme s’affranchit de la nature et du divin » ; et vous examinez les conséquences de ce « décrochage » : « le refus pour l’humanité d’avoir un quelconque contexte et de tirer son existence et sa légitimité ailleurs que d’elle-même » (Avant-Propos, p. 7).
Nicolas Aumonier avait alors poursuivi son propos par un aperçu de votre œuvre à partir de trois concepts : le monde, la transmission et Dieu. Je ne reprendrai pas ici cette partie de sa présentation que chacun d’entre nous pourra retrouver dans les annales de l’association.
Je terminerai en signalant une heureuse coïncidence de dates, puisque votre dernier ouvrage est sorti hier, le 17 janvier.
Son titre est Sur la religion et un bandeau rouge couvre une partie de la couverture. Sur ce bandeau, il est écrit « Approchez, elle ne vous mordra pas », ce qui parait une bonne mise en contexte de notre sujet d’aujourd’hui.
Rémi Brague : La question posée se situe dans un contexte historique déterminé, dans l’espace et le temps : la France d’aujourd’hui, adossée à un passé conflictuel dans lequel l’école devait être « sans Dieu » ou avec Lui. Elle prend une actualité nouvelle pour plusieurs raisons, dont l’arrivée d’une religion, l’islam, pour laquelle les solutions françaises, taillées sur mesure pour le catholicisme, conviennent moins clairement.
Il me faut pourtant commencer par prendre un peu de distance et remonter en arrière dans l’histoire.
Recul historique
Qu’en était-il de l’éducation antique, en tout cas gréco-romaine, pour se limiter à ce par rapport à quoi le christianisme naissant dut se distinguer ? Celle-ci n’était pas religieuse au sens où nous l’entendons. Elle ne comportait pas un cours de catéchisme, encore moins de théologie, puisque cette discipline n’existait pas. Le divin n’était pas dans le monde antique l’objet de quelque chose comme une « foi ». Il faisait pour ainsi dire partie des meubles, ou plus précisément, du paysage. Les dieux grecs sont « les dieux de la Grèce » (Schiller, puis Walter-Friedrich Otto). Cette évidence du divin vaut d’ailleurs de tout paganisme, qu’il soit polythéiste ou monothéiste. Il existe en effet des paganismes monothéistes, comme le néoplatonisme où le principe suprême, l’Un, admet des intermédiaires, ou l’islam, dans lequel Le Dieu unique court-circuite les intermédiaires.
Dans un paganisme, donc pour une religion non biblique, le rapport au divin n’est pas une foi, c’est-à-dire la rencontre de deux libertés, mais la soumission à une évidence. La soumission à l’évidence du divin entraîne la soumission aux procédés d’accès à celui-ci, qu’ils soient cultuels ou comportementaux. On pourrait presque dire que c’est pour cela que le paganisme a souvent tendance à confondre Dieu avec ce dont la présence va de soi, à savoir la nature.
Si l’éducation antique ne comportait pas dans ses programmes un cours d’instruction religieuse, elle impliquait dans la formation littéraire qui en constituait l’essentiel, l’étude de textes qui supposaient une mythologie déterminée : Homère et Virgile étaient incompréhensibles sans le panthéon des Olympiens.
Le divin était donc d’emblée à l’école, la tâche à accomplir lors de l’arrivée du christianisme était de l’infléchir dans le sens du Dieu de la Bible.
Les Pères de l’Église eurent à affronter le problème. Ils répondirent par l’application de la méthode allégorique aux figures divines ou semi-divines que leur proposaient leurs sources. De la sorte, ils désamorçaient le potentiel idolâtrique des auteurs classiques. Mais ils conservaient les exemples de belle conduite fournis par les œuvres antiques, et mis en acte par de vertueux païens . Cette méthode a permis une bonne partie du grand art (peinture, sculpture) de l’Europe latine, avec une culmination à la Renaissance, et jusqu’à une date récente.
L’université
Mon thème m’invitant à traiter de l’Université, j’y saute directement, enjambant les deux étapes précédentes de l’école conventuelle et de l’école cathédrale.
Les universités européennes sont une création de l’Église, et plus spécialement rendue possible par la papauté. La corporation des maîtres et des étudiants se rattache directement au Pape de Rome, enjambant ainsi la juridiction de l’évêque local. En ce sens, « université catholique » est une tautologie.
Les universités sont une spécificité européenne. Ailleurs, il existe des écoles de spiritualité, des ashrams. Ce qu’on appelle parfois « universités » dans le monde islamique, les madrasas, sont des écoles de droit, et d’un droit fondé sur les sources de l’islam. Ce qui n’est pas directement du fiqh s’y ramenait indirectement : la logique servait de propédeutique au raisonnement juridique, l’arithmétique servait à partager les héritages, l’astronomie à déterminer avec précision la date du début du ramadan ou la direction de La Mecque. Dieu y est alors non seulement présent, mais omniprésent, voire exclusivement présent. La question de sa présence y est alors moins résolue que court-circuitée, car elle n’est pas posée en tant que question.
Ce qu’on pourrait appeler le pari occidental suppose un détour : la particularité de l’université européenne, déjà dans un âge profondément religieux, est la présence de disciplines profanes. C’est ce qu’a très bien vu le moine nestorien Mar Ṣawma, ambassadeur du Grand Khan des Mongols, quand il visita Paris à la fin du XIIIe siècle. Il écrit dans ses mémoires, rédigés en syriaque et que je ne puis citer, hélas, que d’après la traduction française :
Ils restèrent un mois et quelques jours dans cette grande ville de Pariz et virent tout ce qu’elle renfermait.
Il y avait là trente mille (sic) écoliers qui étudiaient les sciences ecclésiastiques et profanes, c’est-à-dire l’interprétation et l’explication de tous les livres saints ; la sagesse, c’est-à-dire la philosophie et la rhétorique avec la médecine, la géométrie, l’arithmétique et la science des planètes et des étoiles ; ils sont constamment occupés à écrire, et tout reçoivent du roi la nourriture.
Ils virent aussi dans une grande église qui se trouve là les cercueils des rois défunts et leurs images, en or et en argent, placées sur leurs tombeaux. Il y a pour le service funèbre de ces rois cinq cents moines qui mangent et boivent aux frais du roi. Ils persévèrent dans le jeûne et la prière sur les tombeaux de ces rois. Les couronnes ce ces princes, leurs armes et leurs vêtements sont placés sur leurs tombeaux.
En un mot, tout ce qu’il y a de grandiose et de remarquable [dans Paris], ils le virent.
Notre moine ne dit rien ni de la Tour Eiffel, ni des Folies-Bergère. Il se contente de deux phénomènes, l’Université et la basilique de Saint-Denis. Il les envisage en un parallèle très révélateur. Aussi bien l’une que l’autre sont remplies de gens qui se livrent à une activité, ici l’étude, là la prière, de façon assidue et ininterrompue. Les deux institutions dépendent pour leur entretien de fonds publics. Les écoliers, comme les moines, sont payés pour faire ce qu’ils font, et qui constitue donc non un amateurisme, mais un métier socialement reconnu et rétribué. Les deux combinent le sacral et le séculier : les moines de Saint-Denis ont pour mission de prier pour le salut de l’âme des rois, mais aussi de veiller sur les traces de leur corps et sur les symboles de leur pouvoir temporel, les couronnes et les armes. Le plus intéressant est l’université : on y étudie les sciences ecclésiastiques, ce qui n’a rien d’étonnant, puisque le pouvoir royal tire sa légitimité d’une référence à Dieu dont vient toute autorité (Romains, 13, 1). Mais ce qu’il y a de remarquable est qu’on y étudie aussi les sciences profanes, ce pour quoi Sawma entre davantage dans les détails et procède à leur énumération.
Place de la théologie
La question se pose alors du rapport des disciplines profanes avec la théologie. Cela vaut avant tout pour la plus profane des disciplines profanes, la philosophie. Ce que la philosophie n’accepte pas et ne peut pas accepter en tant que telle, c’est l’idée de Révélation. Le conflit est donc moins entre philosophie et théologie qu’entre deux types de théologies, naturelle et révélée.
En effet, Dieu n’est pas absent du programme des études libérales, même en philosophie. Une philosophie qui ne se couronnerait pas par quelque chose comme une théologie, en tout cas qui ne dirait rien de l’Absolu, est-elle possible ? Ou serait-elle nécessairement tronquée ? Il existe de fait, l’histoire en témoigne, des pensées tronquées, comme il existe, de fait, des personnes handicapées. Mais on ne détermine pas ce que c’est que le corps humain à partir de l’anatomie des infirmes.
Dans l’Université pré-moderne, la théologie faisait partie de l’encyclopédie des savoirs. Elle en constituait même le couronnement. En France, elle a été expulsée des universités en 1885. Il faut prendre conscience de ce que cette exclusion a d’exceptionnel. Elle n’existe pas en Allemagne ou en Angleterre. Aux États-Unis, les universités ont un département de divinity (ce qui veut dire « théologie ») ou de religion. Exception, la Virginie, où l’université avait été fondée (en 1819) par le fort antichrétien Thomas Jefferson. Ce n’est qu’en 1967 qu’y a été créé un département de Religious Studies.
Sans parler des penseurs chrétiens, juifs ou musulmans, qui donnent évidemment à Dieu une place centrale dans leurs systèmes, les « païens » le faisaient aussi. Platon a son Idée du Bien ; la Métaphysique d’Aristote culmine dans la « théologique » du livre Lambda ; le stoïcisme divinise le Feu créateur ; les néoplatoniciens placent au sommet l’Un, lequel, chez Plotin, fait parfois l’accord au masculin ; même Épicure, qui relègue les dieux dans les « intermondes », donne la béate indifférence de ceux-ci comme modèle au sage.
Dans les temps modernes, même les philosophies qui se veulent non-chrétiennes, voire farouchement anti-chrétiennes débouchent, vers la fin de leur parcours de pensée, sur du divin : Ainsi, Auguste Comte sur la religion de l’Humanité, Nietzsche sur Dionysos, Heidegger sur le mystérieux « dernier dieu ».
La théologie a l’avantage d’affronter la question du divin et de le faire par des méthodes rationnelles. Elle constitue même la plus critique de toutes les disciplines, puisqu’elle commence par s’interroger sur l’existence même de son objet, et, du coup, sur sa propre légitimité. Cela vaut mieux en toute hypothèse qu’esquiver la question de l’Absolu, au risque de le voir revenir, et sous des formes perverses, voire criminelles. On peut donc se demander si la théologie ne serait pas la reine des facultés, non pas seulement dans le passé révolu que nous dévoile l’histoire, mais d’une façon essentielle et constitutive, qu’on l’admette ou non.
Un enseignement vraiment séculier est-il possible ?
Ainsi, le problème a longtemps été l’inverse de la question qui m’est posée aujourd’hui. Il n’était pas de savoir comment accorder une place au religieux dans l’enseignement laïc, mais bien plutôt de savoir comment ménager une place au profane dans un enseignement essentiellement religieux. Cette place a été rendue possible par la nature même d’une religion bien déterminée, le christianisme.
L’école laïque est héritière de décisions en faveur du savoir profane prises à l’intérieur d’une institution essentiellement religieuse. Elle retourne contre son origine ce que cette origine a rendu possible. Elle n’en est peut-être que le développement monstrueux, pervers au sens étymologique de ce terme. Et un développement qui n’a nullement reçu les promesses de la vie éternelle.
Tout ceci, me dira-t-on, et non sans raison, appartient au passé. Qu’en est-il de la situation présente ? Qu’en est-il en particulier de l’École à la française, celle que l’on rattache au nom de Jules Ferry, avec son principe de « laïcité » ?
Peut-il y avoir un enseignement véritablement neutre ? Une instruction purement technique, conçue comme la simple transmission de modes d’emploi, peut se limiter à soi-même.
Mais qu’en est-il de l’éducation au sens propre du terme ? Toute éducation cherche à mener celui qu’on éduque vers quelque chose, et vers quelque chose de plus haut, comme le dit le verbe « élever ». Il s’agit de réaliser l’idéal d’un type humain. Les exemples de tels idéaux sont innombrables : le soldat discipliné prêt à mourir pour sa cité (Sparte), le sujet loyal de son souverain, le citoyen actif, le gentleman respectueux du code de sa classe, le communiste au service du Parti qui a toujours raison et toujours prêt à en suivre la ligne, le producteur stakhanoviste ou le manager efficace, etc.
Mais la question se redouble : quel est le but du type que l’on se soucie de produire ? Sa valeur sera fonction de la société à laquelle il appartiendra. A quelle société sera-t-il adapté ? Quelle société faut-il édifier ?
On entend dire qu’il s’agit de « socialiser » les petits d’homme, les rendre capables d’une vie en société. Le désir de « vivre ensemble » existe-t-il vraiment au-delà du cercle étroit de la famille, voire de la tribu ? Dans ce cas, le souhait de coexister dans la paix ne fait d’ailleurs qu’entériner une nécessité, fondée sur une appartenance qui, en dernière instance, est de nature biologique. Suffit-il de vivre côte à côte, comme un troupeau paissant dans la même prairie ? Quelle interaction réelle se produit-elle ? Une société n’est autre chose qu’une association en vue d’un but déterminé. Celui-ci peut varier. Al-Farabi le disait déjà au Xe siècle : la cité des hommes, outre la satisfaction des besoins élémentaires et indispensables, peut avoir pour but ultime de faire du commerce et accumuler de l’argent, de se livrer au plaisir, de garantir la liberté, de vaincre et dominer les autres cités, d’assurer le triomphe d’une vision du monde philosophique ou religieuse, etc.
Or, les « sociétés » modernes, dites démocratiques, dans lesquelles nous vivons, et qui ont conservé l’institution scolaire, se distinguent de toutes celles qui les ont précédées en ce qu’elles n’ont plus de but. Leur seule visée est de nature négative : éviter que les gens ne s’avalent tous crus les uns les autres. Cet objectif modeste, mais indispensable, formulé dans la Mishnah, est déjà très bien . Au positif, on parle d’un « vivre ensemble » sans autres précisions. Mais ce qui est nécessaire n’est pas pour autant suffisant.
L’école laïque met la question de la fin dernière entre parenthèses. Elle applique de la sorte, à son échelle, le programme « moderne » de neutralité par rapport au problème de la vie bonne. Chacun est laissé libre de choisir la vie qu’il mènera, nach seiner Façon selig werden. Mais cette liberté, en soi très positive, cette bride laissée sur le cou, est aussi un abandon aux influences extérieures ou à tous ces mobiles, tendances, désirs, etc. par lesquels l’ennemi est logé au cœur même de la forteresse de l’individu. Ils constituent ce que Kant appelait le « pathologique » . Plus prosaïquement, c’est là ce que j’appelle « la liberté du taxi ». En français, en espagnol et – je viens de l’apprendre – en lituanien, un taxi est dit « libre » quand il est vide, ne va nulle part, et peut être mené où le décidera quiconque prendra fantaisie de s’y installer. Cette indifférence est-elle tenable à long terme ?
Un brin de métaphysique
Ici, la question fondamentale concerne l’apprentissage. Je prends le mot au sens large, comme désignant le processus d’apprendre en général. Apprend-on des manières de faire, ou des faits ? ou, pour le dire autrement, apprend-on des procédés ou des vérités ? La première possibilité est ce que l’on appelle, au sens restreint, apprentissage, celui des « apprentis » dans les divers métiers artisanaux. Qu’en est-il de la seconde ?
L’idée de vérité fonde la possibilité d’un enseignement qui ne serait pas purement technique. Pourquoi savoir est-il intéressant ? Cicéron parle d’un « insatiable désir de voir le vrai » (insatiabilis quaedam cupiditas veri videndi) comme d’un trait naturellement inné de la nature humaine . Mais les vérités ont-elles la même valeur ?
D’abord, il peut être vrai que M. Dupont couche avec Mme Durand, mais est-il bon de le savoir quand on n’est ni Mme Dupont, ni M. Durand ? Ce genre de vérité relève de la curiosité de ceux qui, pour le dire avec Rabelais, regardent par un partuys . On distingue traditionnellement le vice de curiositas et la vertu de studiositas . Le premier cherche à savoir ce qui n’a pas d’intérêt, le second ce qui est véritablement intéressant .
Mais en quoi l’un vaut-il mieux que l’autre ? Y a -t-il des choses qui valent vraiment la peine d’être connues en leur vérité ?
Dans le cas de la science de la nature, il faut que les données soient bien établies, car l’épreuve arrive avec l’expérimentation, puis avec les applications techniques. Mais alors, la vérité n’est guère plus que ce qui marche, auquel cas le mot devient superflu, parce que redondant. Mais hormis ce cas, en quoi la vérité en général, toute vérité, vaut-elle plus que l’illusion ? La question à laquelle Nietzsche a donné une orchestration particulièrement réussie, reste posée.
Elle l’était dès avant lui. Des romantiques avaient souligné la nécessité de l’illusion pour la vie. Ainsi, en Italie, Leopardi. Loin de lui dans l’espace, mais son exact contemporain, le poète russe Alexandre Pouchkine avouait faire peu de cas de la vérité historique qui mettait en lumière les petits côtés de Napoléon et, en l’occurrence, rejetait dans le légendaire la poignée de main donnée aux pestiférés de Jaffa. Il disait lui préférer ce qu’il appelle « la tromperie (обман) qui nous élève » . Le mot « élever » n’avait pas dans ce contexte de connotation étroitement scolaire, mais on peut le lui redonner.
La vérité peut-elle éduquer ? Ou ne vaudrait-il pas mieux la remplacer par une illusion soigneusement choisie ? Auquel cas, il faudra se demander : Choisie par qui ? En fonction de quels intérêts ? On peut prendre comme exemple ce que l’on commence à appeler le « roman national », le récit par lequel la IIIe République encore fragile faisait voir toute l’histoire passée de la France comme aboutissant à son achèvement justement dans cette République. On peut poser la même question à notre époque de repentance obligatoire devant les crimes du colonialisme, etc.
La valeur de la vérité repose elle-même sur l’idée de la bonté intrinsèque, quoique cachée, de la création. En termes scolastiques, sur la convertibilité des transcendantaux bonum et verum.
Je puis donc donner une première conclusion de principe en répondant à la question : Où est Dieu à l’école ? Pas nécessairement « dedans », comme une partie du programme, à côté de la géographie ou de la botanique. Il y est plutôt un peu « au dessus », ce qui est sa place naturelle selon les règles de la Royale, puisque Il est « plus ancien dans un grade plus élevé ». Il y est surtout, ce que l’on voit moins aisément, « en dessous », comme le fondement implicite de toute culture .
Vers le concret
Comment donc réintroduire Dieu à l’école et à l’Université ? Ma première réponse serait qu’en un sens nous n’avons pas à le faire, puisque Il ne les a jamais quittées, mais qu’Il s’y trouve enfoui, incognito. La tâche serait alors de faire reprendre conscience aux braves gens de la nécessité de Sa présence, et de Sa réalité immémoriale. Il y a là un vaste programme, qui ne vaut pas que pour l’enseignement, mais pour notre culture dans tous ses aspects, scolaires ou non.
Pour le réaliser, un facteur capital est le témoignage des établissements d’enseignement chrétiens et des enseignants chrétiens dans l’enseignement public. Ils n’ont pas la tâche facile, car le milieu « enseignant » leur est souvent hostile.
Cela ne vaut pas que de la « laïque ». Certains établissements privés, relevant de l’enseignement catholique, hésitent à afficher leur qualité confessionnelle. Il y a quelques années, l’Université de Louvain, ou plutôt de Leuven, la KUL de langue néerlandaise, donc, a été secouée par un débat à ce sujet. Des professeurs, et non des moindres, demandaient que l’on renonce à l’adjectif « catholique ». Aux États-Unis, des établissements initialement fondés par des ordres religieux remettent en question leur identité catholique ou la mettent discrètement entre parenthèses. En France, les Instituts Catholiques ayant été fondés comme tels, et avec cette dénomination, en 1875, et ayant reçu par une loi de 1880 l’interdiction de s’appeler « universités », peuvent difficilement se passer de l’adjectif qui les distingue.
Dans l’enseignement public, il faut souvent aux professeurs chrétiens être deux fois meilleurs que les autres pour se faire vraiment accepter. Et cela ne suffit pas toujours, l’expérience de Jean-François Chemain, qui a récemment pris la parole devant vous, le montre clairement.
Faut-il à l’école publique un enseignement de ce que l’on appelle le « fait religieux » ? La requête a été présentée il y a déjà des années, par des gens aussi connus que Régis Debray, qui d’ailleurs n’est pas croyant. Cela me semble à la fois souhaitable et peu faisable. Souhaitable, afin que le patrimoine culturel reste lisible par les générations à venir ; les anecdotes sur l’ignorance choquante des potaches, des étudiants, voire de leurs maîtres… en matière d’information religieuse se multiplient. Cela ne serait pas si catastrophique si le fait chrétien était un détail parmi d’autres présents dans le paysage culturel français. Cela l’est du fait que justement, ce paysage culturel—à commencer par le paysage au sens propre du terme—français est saturé de monuments religieux : églises, calvaires. Se priver de la compréhension de leur signification, c’est changer la France en un terrain vague.
Mais, pour souhaitable qu’elle soit, cette entreprise me semble également peu faisable à cause du fait que l’enseignant devra se positionner par rapport aux religions encore vivantes qui seront représentées dans leurs classes. Alain Besançon a mis en évidence cette difficulté, qui se présente quelle que soit l’opinion personnelle du maître. Si celui-ci est le fidèle d’une religion déterminée, il aura du mal à le cacher, et ses élèves, s’ils ne lui demandent pas, auront vite fait de le deviner. Car, et c’est la seconde difficulté, il sera sans le vouloir mieux disposé envers la religion qu’il exposera s’il se trouve que c’est la sienne. Si en revanche, le maître est un agnostique bien disposé envers les religions, qu’il considère comme toutes également vraies, et qu’il présentera en tableaux juxtaposés, il mènera ses élèves à un relativisme vague qui évacuera la question du sens qui taraude pourtant tout adolescent. Si enfin il est athée militant, et considère que les religions sont toutes également fausses, il présentera celles-ci comme des tissus d’absurdités, peut-être sans le vouloir, d’ailleurs, ce qui scandalisera une partie de ses élèves.
Alain Besançon conclut à l’opportunité de n’enseigner que les religions « mortes » : égyptienne, mésopotamiennes, grecque, romaine, pré-colombiennes, etc. et même mortes sans postérité, ce qui exclut la religion de l’ancien Israël à laquelle se rattache le judaïsme vécu aujourd’hui . Je partage cette conclusion.
Pour pallier l’ignorance des potaches en matière de religion, on pourrait peut-être se contenter de développer l’histoire de l’art en visitant des édifices religieux. On devra alors expliquer ce que représentent les tableaux et autres œuvres d’art, à quoi sert un calice, ce qu’abrite l’arche sainte dans une synagogue, pourquoi la qibla est indiquée dans une mosquée, etc. Encore faut-il que tous les élèves acceptent d’entrer dans le lieu d’un culte qui n’est pas le leur…
Échange de vues
Rémi Sentis : Il y a un sujet qui est corrélatif à celui de la religion, qui est celui de la morale, que vous avez aussi évoquée rapidement ; La question qui se pose : faut-il aussi un enseignement moral ? Sachant qu’il existe dans l’Éducation nationale à l’heure actuelle, comme chacun sait, un ersatz, un vague « enseignement morale et civique » (une EMC), dont personne ne sait très bien ce que c’est. Ce n’est qu’une activité, où l’on enseigne ni la morale traditionnelle, ni le civisme d’ailleurs.
Or autrefois l’école de la Troisième République avait un enseignement moral, il est mort ; la question est : est-ce qu’il faut le ressusciter ?
Rémi Brague : C’est une chose amusante, j’ai remis le nez récemment dans Le tour de France de deux enfants, par G. Bruno, pseudonyme de Madame Fouillée, la femme du philosophe Alfred Fouillée, un livre qui a été vendu je crois à 8 700 000 exemplaires, ce n’est pas mal. À côté du Petit livre rouge, ce n’est pas grand-chose, mais c’est quand même un bon début pour la France. C’est un livre qui sue la morale, il y en a quasiment à toutes les pages, c’est un enseignement, c’est vraiment de l’EMC. À savoir moral et civique, puisqu’il s’agit de former de bons citoyens. Dans le livre, la religion existait dans les éditions antérieures à 1906, et a disparu après 1906. Les deux jeunes alsaciens, échappant à la barbarie prussienne, visitent Notre-Dame de La Garde avant 1906, on leur parle de saint Vincent de Paul avant 1906, et ainsi de suite. Et après, tout cela disparaît des rééditions postérieures.
Effectivement, je suis de 47, j’ai juste 70 ans, je ne me souviens pas d’avoir eu un enseignement moral à l’école. En revanche, ma femme, qui a un an de plus que moi, se souvient de : « Tiret : Morale » ; suivait une maxime fort vertueuse, qui n’avait vraiment rien à se reprocher. Alors le problème est déjà un problème de principe. C’est que, d’une certaine manière, enseigner la morale, c’est favoriser le christianisme. Pour la raison simple que le christianisme n’apporte pas de commandement nouveau. Il n’a pas de commandement particulier, à la différence de ce que l’on appelle les deux autres religions monothéistes, qui introduisent des interdits alimentaires, des obligations vestimentaires (le voile), des obligations même capillaires, un bon musulman laisse pousser sa barbe et taille sa moustache, etc. Le christianisme n’a rien à dire sur ce genre de questions ; il fait confiance aux autorités subordonnées et compétentes, le diététicien, éventuellement dans le meilleur des cas le cuisinier, pour ce que l’on mange, le coiffeur pour la manière dont on s’occupe de son système pileux, le tailleur pour la manière dont on s’habille.
Donc la morale telle qu’elle était enseignée dans l’école de la Troisième République, et selon les dires même de Jules Ferry, – il y a une déclaration tout à fait célèbre de Ferry à ce sujet, où il dit, je ne sais plus quelle est exactement sa formule, « la bonne vieille morale de nos pères », – c’est une morale qui n’a pas besoin de se fonder sur autre chose que sur elle-même, ce qui est d’ailleurs la vérité vraie. Ce que le christianisme apporte est autre chose.
Faut-il un enseignement moral ? Si c’est un enseignement moral, méritant ce nom, il reprendra le contenu des dix commandements. Sans nécessairement le dire, même nécessairement sans le dire, mais ce sera le même contenu. Est-ce le rôle de l’école, c’est une autre question. On peut peut-être dire que si les familles cessent d’enseigner, si les pères cessent d’enseigner la « morale de nos pères », est-ce que c’est à l’école de prendre le relais ? Est-ce que les familles peuvent se défausser finalement sur l’école, ce qui est assez souvent le cas, les parents reprochant aux enseignants de ne pas élever leurs enfants, alors qu’ils sont quand même supposés arriver à l’école, non seulement propres, mais ayant certaines habitudes de respect, ne pas interrompre quelqu’un qui parle, dire bonjour, merci, au revoir, des choses évidentes comme cela. Alors je crains que cette demande d’une éducation morale à l’école ne soit un pas de plus dans cette politique générale de défaussement.
Est-ce qu’il serait bon de procéder à cet enseignement moral ? Je n’en sais rien, cela ne me gênerait absolument pas, on retrouverait de toute façon l’opposition de gens pour lesquels l’adjectif « traditionnel » est une insulte, et qui diraient « Vous voulez nous enseigner la morale traditionnelle », comme s’il y en avait une autre… Donc je n’y verrai aucun inconvénient. « Education morale et civique », le fait que l’on joigne les deux me semble cependant faire problème, parce qu’on est citoyen d’une cité déterminée, comme le mot l’indique. Est-ce qu’on peut avoir le même genre d’éducation civique par exemple dans un royaume comme la Belgique ? Ou dans un régime aristocratique, peu représenté dans le monde actuel ? Mais « civique » est nécessairement beaucoup plus restreint que « moral », « moral » est universel, « éducation civique », c’est l’apprentissage du métier de citoyen dans un système politique donné. Donc je crains un peu la juxtaposition des deux.
Françoise Seillier : Isabelle Mourral nous avait appris, en 2001, que la question métaphysique de Dieu avait été supprimée du programme des classes de Terminale dans notre pays. Je ne sais pas ce qu’il en est dans les autres pays d’Europe, mais en France pour la question rationnelle de l’être premier, dans les termes qu’Aristote et tant d’autres ont pensés, y-a-t-il des demandes de professeurs de philosophie pour réintroduire ce qui a été censuré sur l’interrogation de l’esprit humain ?
Rémi Brague : J’ai été professeur de lycée de 1972 à 1976, si ma mémoire est bonne, peut-être 1978, en tout cas j’ai passé quatre ans en lycée technique, à ce moment-là. Dieu, si je puis dire, était au programme de l’enseignement philosophique. Ce qui s’est passé depuis, j’avoue que je l’ignore, j’ai perdu le contact avec le secondaire depuis pas mal de temps. Mes propres enfants ont eu un cours de philo, la dernière étant née en 1983 elle a dû le subir au début des années 2000… C’était alors la métaphysique, ce n’était plus Dieu. Le mot « Dieu » n’apparaissait plus.
Je me souviens d’un examen, un oral, que je faisais passer à la Sorbonne, dans le cours de la conversation de l’examen je sors une banalité pascalienne, genre le nez de Cléopâtre, que tout le monde connaît, et je vois mon étudiant me regarder avec des yeux de poisson frit, « eh bien, Pascal ! », dis-je, il n’avait pas étudié Pascal au lycée ! Pascal a disparu des programmes de français… Il a fondu dans une absence épaisse.
Je serais tout à fait pour que l’on réintroduise la question de Dieu, non pas en tant que chrétien, mais en tant que professeur de philo, ne serait-ce que pour la raison que j’ai dite un peu rapidement, c’est que toute philosophie se bat avec l’Absolu, l’Absolu qui est un peu le pseudonyme philosophique de Dieu, si l’on peut dire. Parler de Kant sans sa théorie de la religion, parler de Hegel, même chose, Descartes… tous, tous, tous, y compris, comme je l’ai dit à la fin, sur les trois exemples d’Auguste Comte, de Nietzsche et de Heidegger, il y a du divin partout. Alors, ne pas mettre Dieu au programme, si je puis dire, c’est le reléguer dans l’irrationnel. C’est ne pas vouloir que l’on discute, pour ou contre.
La question n’est pas de savoir si l’on va considérer si les preuves sont contraignantes ou ne le sont pas. Les logiciens qui admettent le caractère contraignant de la preuve de Dieu qu’a formulée Kurt Gödel, ne sont pas nécessairement croyants. Ils réussissent parfois à mettre dans leur tête des cloisons étanches. Vous savez que Kurt Gödel, le grand logicien, celui du célèbre théorème qui porte son nom, a passé pas mal d’années de sa vie à faire une preuve de l’existence de Dieu, que je suis absolument incapable de comprendre, d’ailleurs. Mais les logiciens très très calés considèrent que cela marche. Mais cela ne veut pas dire qu’ils vont se mettre à genoux et prier le Dieu dont ils ont établi l’existence.
En tout cas, si l’on chasse Dieu des programmes, il va revenir ! Sous une forme perverse, disons un absolu de pacotille, un absolu sauvage, un absolu pervers, il va revenir. Alors je crois que même le bouffeur de curé le plus enragé aurait intérêt à ce que l’on débatte rationnellement pour ou contre, pour et contre, l’existence d’un absolu que l’on peut appeler Dieu. Faute de quoi il pourrait vraiment s’en mordre les doigts, à plus ou moins long terme.
Jean-Paul Guitton : Cet échange que nous venons d’avoir sur l’enseignement de Dieu à l’école, ou à l’université, me rappelle une question que nous avions posée il y a quelques années à un juriste à propos du droit naturel. Le droit naturel n’est plus enseigné à l’université depuis plusieurs décennies, et on se demande comment, sans référence au droit naturel, on peut aujourd’hui enseigner les fondements du droit.
Vous avez parlé des enseignants chrétiens dans l’enseignement public, c’est une façon de considérer Dieu à l’école, ou la religion, mais il y en a peut-être d’autres, que je voulais évoquer, en faisant référence à mon enfance, comme vous l’avez fait à la vôtre. J’ai appartenu à l’enseignement public, dans les années quarante, cinquante, et dans des lycées qui étaient de « bons » lycées ; la direction était favorable, souvent chrétienne d’ailleurs ; les professeurs étaient très majoritairement chrétiens, il y avait une chapelle dans le lycée, et un aumônier en soutane dans le lycée. Ça ne posait aucun problème. Cependant, dans les lycées techniques, déjà à ce moment-là, il n’y avait pas d’aumônier, puisqu’ils étaient postérieurs à la loi de séparation. J’ai été au lycée Carnot de Dijon, puis au lycée Michelet, que certains connaissent peut-être, à Vanves, puis j’ai été au lycée Louis-le-Grand, avec ce régime. Or j’ai appris, après 68, qu’au lycée de Vanves, l’aumônerie a quitté volontairement le lycée pour s’installer en face, dans une masure, et la chapelle a été désaffectée J’ai eu la bonne surprise, en allant à Louis-le-Grand il n’y a pas très longtemps, de constater qu’il y avait toujours une chapelle, et une chapelle fonctionnant en tant que chapelle. C’est aussi une façon de considérer Dieu à l’école, ou pas, et éventuellement, de l’exclure.
On pourrait parler aussi des signes religieux, car il y un signe qui est indubitable, c’est le costume. Si je dis cela, c’est que sous la Troisième République, peut-être encore sous la Quatrième, il y avait des membres du clergé dans l’enseignement public, des professeurs de Faculté prêtres. Je ne pense pas qu’il y en ait encore aujourd’hui, l’Église ne le souhaitant probablement pas. Là encore je citerai un exemple : il y a une cinquantaine d’années (aujourd’hui je ne sais pas si ça se ferait encore) il y avait à l’École polytechnique un Maître de conférences, le chanoine Boss, un éminent mathématicien, qui était doyen de la Faculté des sciences de la Catho. Il venait faire ses cours en clergyman, ça ne posait aucun problème. Je ne sais pas si aujourd’hui ça serait encore possible.
Mgr Philippe Brizard : Permettez à un ancien aumônier de lycée de dire qu’il y a une règle simple : les chapelles sont activées dans les lycées dès lors qu’il y a des pensionnaires. Fussent-ils des pensionnaires en prépa. S’il n’y a pas de pensionnaires, la chapelle n’est généralement plus en état de marche.
Rémi Brague : Je n’ai rien à ajouter à cela, si ce n’est que j’ai été au lycée Michelet de 1958 à 1964, puis au lycée Louis-le-Grand de 1965 à 1967. Mon expérience coïncide tout à fait avec la vôtre, mais à des faits, il n’y a rien à répondre. Je ne sais pas ce qu’il en est actuellement, je ne me suis pas assis sur les bancs d’un lycée depuis pas mal de temps.
Gérard Donnadieu : Je voudrais rebondir sur ce que vous avez dit au sujet de l’infaisabilité, ai-je compris, d’enseigner le fait religieux dans l’école publique, compte tenu de la trop grande diversité religieuse des élèves de ces écoles. Est-ce à dire que c’est impossible en soi, ou seulement relatif aux établissements du primaire et du secondaire ? Est-il vraiment impossible de concevoir un enseignement en sciences religieuses comme l’ont pourtant proposé un certain nombre de grands penseurs contemporains tels Mircea Eliade, Max Weber, Marcel Gauchet, René Girard, etc. ? Il me semble qu’une approche de type scientifique reste possible s’agissant de comprendre le phénomène religieux, avec par exemple une analyse comparative des mythes, des systèmes théologiques et même la construction de « modèles » tels que l’on peut en rencontrer dans les sciences et en particulier en physique. Est-ce impossible d’en faire une vulgarisation pour des élèves du secondaire ?
Rémi Brague : Il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’une science des religions. Elle existe. Vous avez cité Max Weber, qui a fait une sociologie des religions assez extraordinaire, vous avez cité Mircea Eliade, qui a décrit avec beaucoup de talent certaines idées fondamentales de la, ou des religions, le mythe, l’éternel retour, les dimensions de l’espace, cette sorte d’universaux anthropologiques.
Un enseignement de ce genre me semble se heurter à deux difficultés. D’une part, on aura une pure description, qui mettra entre parenthèses ce qui finalement nous intéresse tous, et je suppose intéresse aussi les élèves, à savoir la question de la vérité. Est-ce que ces histoires-là sont de belles histoires, des légendes agréables, voire des histoires qui contiennent ce que l’on appelle une vérité profonde. Vérité profonde, cela veut dire une vérité qui ne mange pas de pain, par rapport à laquelle on peut se positionner dans la situation de l’esthète. Je ne sais pas si beaucoup d’élèves, je parle des lycéens, accepteraient d’acheter cela.
Et puis la seconde difficulté, je n’en ai trouvé que deux, c’est que l’on va se condamner de la sorte à examiner ce que je viens d’appeler des universaux. Par exemple, j’ai reçu récemment le texte de quelqu’un qui fait partie d’une commission, de la même commission des sages, de la laïcité que votre serviteur, et qui propose une approche anthropologique de la religion, en donnant comme exemple le thème de l’eau. Les hindouistes se purifient dans le Gange, les chrétiens ont le baptême, on peut trouver de l’eau un peu partout. Effectivement, c’est un universel physique. Mais cela devient intéressant à partir du moment où l’on se demande quel est le sens du rite ? Par exemple, le fait de l’eau dans le baptême chrétien, comme vous le savez, pourrait laisser croire, – et je me demande si ce n’est pas ce que croyait l’auteur de la note qui m’a été envoyée, – que c’est la même chose qu’une purification. Alors que c’est le symbole, le fait de verser de l’eau, est le dernier reste du rite véritable, qui est de plonger dans l’eau, comme on plonge dans la mort, et d’en ressortir, comme le Christ en est ressuscité, comme nous espérons ressusciter nous aussi. Donc je crains qu’on ait d’une part du purement descriptif, parfaitement légitime, et d’autre part un refus d’entrer dans la question de la réalité ou non de ce que les symboles désignent. On risque donc de rester un peu sur sa faim. Et puis donc de se réfugier dans une sorte d’anthropologie générale, voire universelle, parce que toute l’humanité sait ce que c’est que du feu, toute l’humanité sait ce que c’est que de l’eau, toute l’humanité sait ce que c’est qu’un arbre, etc. Donc je répondrai à votre question : oui, bien sûr, c’est tout à fait possible, mais cela risque de s’arrêter au moment où cela deviendrait intéressant.
Laurent Grégoire : Comme membre du comité national de l’enseignement catholique, je voudrais vous remercier, de ce que vous avez dit sur les enseignants de l’enseignement catholique, qui je pense, au moins une bonne partie d’entre eux témoignent de ce qu’ils sont. Ce qui est évidemment beaucoup plus facile que dans le public. Je voudrais indiquer, pour ceux qui suivent de loin l’évolution des écoles et en particulier de l’enseignement catholique, qu’il y a eu d’énormes évolutions ces vingt dernières années. Et à ce propos, lorsque les pouvoirs publics ont décidé il y a quelques années qu’il fallait ajouter un an de formation aux maîtres, notamment dans le domaine de la pédagogie, à travers une année à faire à l’université, cela n’a pas été évident, mais il a été possible que les cinq universités catholiques en France puissent proposer cette année de formation ; et bien entendu, ceux qui souhaitent entrer dans l’enseignement catholique suivent plutôt cette année dans ces universités catholiques. Ce qui montre quand même que dans notre pays il y a pas mal d’arrangements de ce type. Sur la question des programmes puisqu’on en a parlé, les programmes c’est très important, mais cela ne limite pas tout. À juste titre, vous avez dit qu’un certain nombre de philosophes qui sont au programme, on ne peut pas en parler sans parler de Dieu, rien que parce qu’ils mettent le mot « Dieu » dans un certain nombre de leurs écrits. Je pense à Nietzsche, par exemple. Ensuite, il y a des enseignants qui lisent ces textes et qui ne réagissent pas sur le mot « Dieu », et il y en a qui réagissent, aussi bien dans l’enseignement catholique que dans le public. Cela relève plus des enseignants, le programme ne met pas mot par mot tout ce qui est dit dans chacun des cours. Ma question porterait, en reprenant ce qu’a dit M. Guitton sur les aumôneries et la présence de Dieu aujourd’hui dans l’enseignement public, dans les lycées notamment. En raison de la baisse des vocations, c’est le fait des laïcs essentiellement. Et je voudrais nous renvoyer la balle à nous tous, c’est notre responsabilité, si il n’y a pas assez de personnes qui témoignent de Dieu dans le public aujourd’hui. Effectivement les aumôneries sont faibles, elles concernent aujourd’hui assez peu d’élèves, faute de bonnes volontés. Il y va de notre responsabilité à nous tous, la possibilité existe, je ne suis pas sûr que nous la relevions totalement pour que l’Église catholique soit présente dans les lycées de France.
Rémi Brague : Je n’ai rien à ajouter à cela. Si j’ai bien compris votre allusion au début, vous avez parlé de l’évolution de ces vingt dernières années, elle est plutôt dans un sens positif ? L’enseignement catholique se reconnaît un peu davantage comme tel, c’est bien cela ?
Laurent Grégoire : L’enseignement catholique, au niveau des responsables, n’a pas connu en France ce qui existe dans d’autres pays, et les exemples que vous avez pris étaient notamment sur des questions en Belgique, mais malheureusement aussi un peu en Espagne aujourd’hui, etc. En France, l’évolution était positive, au niveau des enseignants. Notamment faute de trouver des enseignants, mais il y a eu effectivement une évolution positive, ces vingt dernières années, que ce soit dans les établissements congréganistes, où c’est un peu plus simple, parce qu’il y a une structure locale, mais également dans les établissements diocésains, il y a de plus en plus d’enseignants qui suivent une formation spécifique, bien entendu facultative, mais le pourcentage d’enseignants qui ont suivi ces formations pour voir comment ils peuvent témoigner de Dieu et mettre leur profession en lien avec leurs convictions, ce pourcentage croît d’année en année.
Rémi Brague : J’ai préféré ne pas parler du tout de l’enseignement catholique, parce que par définition, Dieu y est, on peut espérer en tout cas qu’il y est explicitement, et étant moi même un pur produit de « la laïque », je n’en ai pas l’expérience.
Annie Laurent : Que pensez-vous, ou que peut-on penser, du développement des écoles musulmanes hors contrat, par rapport à la société française ? Parce que je connais pas mal la situation, dans ces écoles, évidemment c’est le Dieu du Coran qui est enseigné. Et j’observe que dans les écoles catholiques en principe on accueille les élèves de toute confession, des élèves non croyants. Or dans une école musulmane, je ne vois pas comment des parents non musulmans iraient y mettre leurs enfants, à cause de l’emprise constante, quotidienne, de la religion musulmane. Est-ce qu’il n’y a pas un problème sur lequel on a évité de se pencher jusqu’à présent ?
Rémi Brague : Oui, certainement. Effectivement, je ne vois pas comment un non musulman pourrait suivre un enseignement explicitement musulman. Les écoles musulmanes hors contrat sont-elles tenues de respecter le programme de base de l’enseignement public ? Hors contrat, cela pose évidemment le problème de l’islam en général, que je ne prétends pas vous enseigner, – ce serait plutôt dans le sens contraire que cela pourrait se passer, – qu’il n’y a pas de domaine profane pour l’islam, c’est une civilisation « clés en mains », comme je l’ai dit dans d’autres circonstances. Donc d’une certaine manière, il y a une biologie musulmane, une astronomie musulmane, etc., sans parler bien entendu du domaine plus étroit de la croyance religieuse. Je me demande comment l’État français pourrait accepter des écoles dans lesquelles on enseignerait une autre civilisation que celle qui est la nôtre. Que l’État les accepte, c’est son problème, mais cela va être justement notre problème ! Cela risque de former des gens qui ne connaîtront pas les codes élémentaires de la vie française.
Jean-Pierre Brulon : Je voudrais essayer d’apporter une réponse à M. Guitton sur le sort des chapelles et des aumôneries en établissements publics d’enseignement, et c’est en réalité une intuition de profane, au regard du droit positif, et non pas du droit naturel. Je pense que le sort de ces aumôneries et de ces chapelles est lié en fait à la règle de l’affectation aux usagers du public, et qu’un directeur d’établissement qui se permettrait de fermer une chapelle ou une aumônerie s’exposerait à une censure administrative. Parce qu’il y a des usagers de cette chapelle, et aussi longtemps que cette chapelle peut être utilisée par ses usagers, sa fermeture s’expose effectivement à une censure. Mais cela c’est un regard de juriste, inspiré aussi par le droit naturel. J’ai une question pour les membres de l’AES en regardant le programme de toutes les communications : c’est en miroir de ce qu’a dit Rémi Brague, quelle est la raison pour laquelle vous n’avez pas prévu d’aborder la question de « la place de Dieu dans la famille ». Est-ce volontaire ?
Le président : La famille est partout, elle est transversale. Par définition la famille c’est le creuset de tout dans une société. Le lieu où sont transmises les bases structurantes de chaque membre, dans l’idéal bien sûr.
La famille est omni présente à l’école, à l’université, à l’Église etc. Faire une conférence sur Dieu dans la famille, cela me paraîtrait plutôt un cycle entier que nous devrions organiser en traitant ce thème sur tous ces domaines.
« Dieu dans la Cité », c’est vraiment Sa présence, acceptée, tolérée ou rejetée dans la vie de tous les habitants d’un pays chrétien dans son histoire.
Même si pour nous chrétiens, Dieu guide la vie de la Cité, sauf à ce qu’elle ne le veuille pas.
Jean-Paul Guitton : Lorsque nous avons établi le programme, nous avons écarté la notion de laïcité et retenu celle de la place de Dieu…
Serait-ce la place de Dieu dans la société ou la place de Dieu dans la cité ? Nous avons finalement opté pour ce dernier thème, déjà très vaste, qui nous permet d’examiner la place de Dieu dans l’État, de Dieu dans les hôpitaux publics, à l’école publique ou dans les armées. Et c’est ainsi délibérément que nous n’avons prévu de traiter de la place de Dieu ni dans la famille, ni dans l’entreprise.
Père Jean-Christophe Chauvin : Vous avez dit tout à l’heure que si on chassait Dieu des programmes, de l’école, de l’université, etc., il va revenir de façon perverse. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu mieux d’où vous tenez cela, ou à quoi vous pensez ?
Rémi Brague : C’est un thème que j’ai eu l’occasion de développer dans un livre qui est paru hier. Je vous y renvoie évidemment à ce livre, ne le lisez pas nécessairement, mais achetez-le surtout, parce que je ne touche pas 10% sur la lecture, mais simplement sur l’achat. Ceci dit, sans rire, nous ne manquons pas de dieux, avec un d bas de casse, mais des dieux qui font beaucoup de casse, si je puis dire. En ce sens que nous avons vu apparaître au XXe siècle en particulier, mais déjà au XIXe, sous une forme peut-être pas encore aussi virulente, des absolus de remplacement, qui ont pas mal de sang sur les mains. J’ai relu, non, j’ai lu, soyons honnête, non pardon, j’ai relu, parce qu’un bon universitaire ne lit jamais, il relit, il est toujours censé avoir tout lu, Les dieux ont soif, ce roman d’Anatole France, qui est bien fait, Anatole France n’était pas un immense écrivain, mais enfin c’était un bon écrivain, un bon artisan de l’écriture, il savait tenir la plume. Vous avez sous ce titre une description du tribunal révolutionnaire sous la Révolution française, dans lequel un peintre raté expédie allègrement à la guillotine pas mal de gens, au nom de la liberté, de l’égalité, etc., de choses très bonnes. Anatole France a écrit cela en 1912, donc on sentait déjà peut-être que…, évidemment c’est difficile de faire le prophète post eventum… mais il n’était pas le seul à sentir déjà qu’il y a quelque chose de désagréable qui allait se passer. Ce qui est absolument extraordinaire, c’est que le peintre raté, il était déjà vivant, le vrai peintre raté, et on sait ce qu’il a fait au nom de la race, alors que d’autres le faisaient au nom de la classe, au nom du progrès… J’ai constaté avec effroi qu’Hitler était progressiste. S’il fallait éliminer les juifs, c’est parce qu’ils étaient une puissance retardatrice, donc qui empêchait le progrès de l’humanité, non pas le progrès social, mais un progrès biologique. Le mot est dans Mein Kampf, à quatre reprises, donc il était progressiste. Alors, parmi ces dieux pervers, qui refont surface, il y a la classe, il y a la nation, il y a eu la race, peut-être les droits de l’homme, eux aussi sont tout à fait capables de devenir des démons. Ce ne sont pas les dieux pervers qui manquent.
Nicolas Aumonier : Vous avez parlé d’Alain Besançon qui énonce trois possibilités argumentatives toutes mauvaises pour l’enseignant parlant de Dieu. Il me semble qu’il convient de tenir compte aussi des élèves et étudiants pour lesquels le mot de « Dieu » est un mot vide, chargé de beaucoup de violence, auquel ils reprochent d’être non pluraliste et non démocratique. De quelle manière, lorsque le contenu d’un cours l’appelle, parler de Dieu lorsque l’auditoire ne peut entendre le maniement d’un mot qui lui paraît vide ? Ma seconde question porte sur la morale, lorsque vous avez dit que, par la « bonne vieille morale de nos pères », Jules Ferry entendait finalement la morale chrétienne. Aujourd’hui, après cinquante ans de bioéthique institutionnelle, il semble que le mot d’« éthique » a supplanté pour beaucoup le mot de « morale », par ce que l’« éthique » implique pluridisciplinarité, pluralisme, ouverture à la discussion. Mais la bioéthique est parfois un ensemble d’énoncés indéterminés à force de chercher à être consensuels, ou encore relativistes, qui n’ont plus grand chose à voir avec la morale que vous avez évoquée. Comment dès lors employer les mots de Dieu et de morale quand ils sont devenus inaudibles pour beaucoup de nos contemporains ?
Rémi Brague : Ce sont les mots qui m’ont été donnés comme sujet ! Celui de « morale » n’a pas été prononcé, ce n’était pas à mon cahier des charges, il est venu après dans les questions, donc j’ai essayé de traiter la question que l’on m’a posée… Comment faire ? Peut-être justement, si j’étais placé devant un auditoire d’étudiants, j’essayerais de leur faire prendre conscience du fait que justement, il y a des choses qu’ils considèrent comme absolues. Et j’ai pour cela un critère tout bête, c’est ce de quoi on ne rit pas, ce de quoi on n’a pas le droit de rire. Vous pouvez rire de n’importe quoi, sauf… alors de quoi ? Des droits de l’homme, par exemple, on ne rit pas des droits de l’homme, même quand on ne les respecte pas, – c’est une autre paire de manches, – il y a des notions devant lesquelles on est censé prendre un air grave, et hocher de la tête avec tous les signes extérieurs de l’approbation et du respect. Par exemple, être vegan, ou les droits des animaux…
J’essayerais, à partir de cela, de montrer, justement le côté souvent pervers de ce dont il s’agit, le côté autodestructeur de certaines pseudo-valeurs. À mon avis, toutes les valeurs sont pseudo, mais il y a des valeurs qui sont plus pseudo que les autres, enfin cela nous emmènerait un peu trop loin. Je critique la notion de valeur, pas leur contenu. Par exemple, j’essayerais de montrer que certaines divinités, ou pseudo-divinités, demandent des sacrifices humains ! C’est presque le critère de la perversité. La nation en a demandé pas mal, des sacrifices humains, la race, la classe, tout cela en ont demandés pas mal. La Terre, Gaïa, pour laquelle des gens ont eu la franchise d’utiliser le nom de la divinité païenne, pour la sauvegarder, il faudrait sacrifier toute l’humanité ! L’homme étant l’animal trouble-fête, prédateur universel, un sale type ! L’homme en tant qu’espèce, pas tel ou tel individu.
Ce serait amusant de se demander s’il y a des absolus qui, au lieu de demander des sacrifices humains, font vivre. Et à partir de l’idée d’un absolu qui fait vivre, je crois qu’on arriverait assez facilement à l’idée de Dieu. Je ne peux pas faire comme cela un cours improvisé, mais je crois que c’est un peu de cela que l’on pourrait partir. Quant à la morale ou éthique, effectivement cette éthique est bien étique…, sans h, c’est plutôt de l’ordre de la vache maigre que de la vache grasse, ou même de la vache folle, si je puis m’exprimer ainsi, en ce sens que là aussi, cela ne fait pas vivre. Le fait par exemple que certaines questions dites de bioéthique parlent plutôt de la mort que de la vie, me semble assez révélateur. Voilà, jetées comme cela en désordre, quelques idées qui ne peuvent pas aller au fond des choses.
Séance du 18 janvier 2018