par le TRP Abbé YOU
TRP. Fançois You : Je ne suis pas un philosophe, je ne vais donc pas vous faire un exposé théorique pour un sujet si profond. Par contre je me propose de vous donner le témoignage de notre évolution communautaire, qui reflète bien le lien entre le travail de la terre et l’harmonie entre frères d’une même communauté, et même qui ouvre sur notre relation à Dieu. Nous retrouvons là trois axes principaux de l’écologie intégrale telle que le Pape François la définit dans Laudato Si’ : rapport à la nature, rapport aux autres hommes, rapport à Dieu, « tout est lié ».L’expérience montre que ce que vit une communauté monastique peut éclairer toutes sortes de groupes humains, non pas en les poussant à imiter les moines, mais en les aidant à donner du sens à leurs comportements.
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Pour commencer, quelques mots de présentation de notre communauté. Nous sommes une vingtaine de moines, sans rupture de générations, insérée au cœur d’un village landais. Nous suivons la Règle de saint Benoît, dans la Congrégation olivétaine, peu répandue en France (trois communautés : L’Abbaye du Bec Hellouin et celle de Maylis, et le Prieuré du Mesnil saint Loup). Notre activité financière a longtemps été unique, dans la culture et la commercialisation d’une plante aux vertus détoxifiantes reconnues, « la Plante de Maylis ». Cette dimension agricole nous permet d’entretenir des liens étroits avec nos voisins, par des échanges de conseils ou de matériels. Depuis l’an 2000 nous avons aussi lancé une petite activité de fabrique et commercialisation de cire encaustique pour l’entretien du bois.
Le temps de la fondation de la communauté
Notre présence à Maylis remonte à 1946. Nous avons évidemment cherché un moyen de subsistance, et très vite nous avons découvert dans notre propriété une plante aux vertus bénéfiques pour purifier le sang. Comprenant qu’il s’agissait là d’un don de Dieu, bien sûr pour ceux qu’elle soignerait, mais d’abord pour nous moines car elle était en mesure de nous faire vivre financièrement, nous avons construit notre équilibre de vie sur son exploitation par nos soins.
Par ce travail agricole, nous avons appris à dépendre de la météo, et de la nature en général. C’est Dame Nature qui rythmait notre temps : « C’est le moment de repiquer, c’est le moment de désherber, c’est le moment de récolter ! » Nous devions obéir sous peine de voir notre plante dépérir. Ainsi, quand bien même il faisait froid, ou chaud, ou humide, nous partions aux champs pour accompagner la croissance de notre plante. Et nous partions en communauté, car il s’agissait d’un travail nécessitant une main d’œuvre importante. Nous avions dès le début choisi d’œuvrer aux champs en moines, c’est-à-dire de travailler en silence, d’y prier nos offices. En ce lieu de travail, tout s’unifiait, à la fois dans la peine et dans la joie.
Ce lien à la terre a développé chez nous un style de vie bien caractéristique, marqué par la simplicité, le sens du réel, des joies simples. Pour travailler un sillon, chacun va s’y donner selon son tempérament : l’un baisse la tête et ne la relèvera que lorsque son sillon sera achevé, un autre sera plus sensible à tout ce qu’il découvrira sur son itinéraire et rendra grâce au Seigneur, un troisième sera toujours à la peine, etc. Chacun manifeste son don personnel, nos différences se complètent en une belle harmonie.
Notre disponibilité à l’imprévu nous a donné une souplesse, dans notre manière de concevoir l’aménagement du temps, que bien des communautés nous envient. De plus, notre activité agricole nous permet une proximité professionnelle avec nos voisins, favorisant un fort ancrage dans le territoire local.
La culture de notre Plante s’est développée paisiblement pendant cinquante ans, puis nous avons commencé à éprouver de plus en plus d’ennuis : maladies, vieillissement des pieds qui devenaient moins toniques, etc. Malgré tous nos efforts, nous ne parvenions pas à revigorer la plantation. Parallèlement à ces difficultés, la communauté elle-même avait vu partir tous ses fondateurs, elle était en recherche d’un second souffle spirituel. Je ne savais comment faire.
C’est alors qu’en 2015, l’Encyclique pontificale Laudato Si’ sur l’écologie nous a profondément rejoints. Personnellement je sentais que ce texte contenait un message pour nous, je percevais qu’il nous appelait à une conversion, mais je ne voyais pas du tout en quoi, ni comment. J’ai longuement commenté ce document aux frères, et je sentais que cela résonnait en eux. Ils percevaient comme moi qu’il y avait là quelque chose qui nous était destiné, mais nous ne savions pas quoi. Nous avons donc programmé deux sessions de formation pour nous nourrir d’une saine vision de l’écologie, l’une avec un ingénieur agronome converti au bio, et l’autre avec une économiste sociale et solidaire.
Changement de regard sur notre plante :La relation à la nature
Le premier formateur nous a aidés à porter sur notre plante un autre regard que simplement intéressé (soit par les efforts physiques à fournir, soit par le rendement économique). Il nous a appris à regarder notre plante comme un vivant qui avait besoin d’être aidé pour surmonter les défis qui s’offraient à lui. Il faut dire qu’à l’époque, la plante était très malade et ne résistait plus aux attaques du « mildiou ». Elle dépérissait d’année en année. Très rapidement notre spécialiste nous a donné comme consigne : « Il faut redonner vie à votre terre » ! Effectivement, quand nous creusions une tranchée dans notre terrain, il y avait bien peu de ces petits êtres vivants qui d’ordinaire habitent la terre ! C’était un domaine quasi-mort. Aujourd’hui, pour un seul coup de pioche donné, nous dérangeons un ou deux vers de terre qui cherchent aussitôt à se mettre à l’abri. Les vers de terre sont importants, car ils creusent des galeries qui aèrent la terre, mais surtout ils viennent chercher de la nourriture en surface, puis ils descendent et évacuent leurs déchets à quelques dizaines de cm en profondeur, fécondant ainsi le terrain.
Alors, qu’avons-nous fait pour redonner vie à notre terre ? Nous avons récupéré les déchets alimentaires de la communauté dans un compost. De même, les feuilles des arbres et les branches taillées ont été réutilisées pour nourrir le sol tout en empêchant les herbes non désirées de pousser. Puis nous avons fait venir nos brebis sur les lieux pour mettre de l’engrais avant que la plante ne pousse. Ce sont donc tous les déchets de la communauté que nous avons réutilisés au service de notre plantation. Jusqu’à présent, nous nous en débarrassions d’une manière ou d’une autre, dorénavant ils vont être réinvestis au service de la vie. Vous percevez à travers ce récit le changement du regard que nous portions sur notre Plante. Autrefois, nous la considérions comme un problème qui nous causait beaucoup de soucis, maintenant elle est devenue comme la dernière-née de notre exploitation, au profit de laquelle on fait collaborer toutes les autres forces, pour lui permettre de se développer. Parallèlement nous avons veillé à répartir autour d’elle des « plantes compagnes », qui appellent certains insectes ou en repoussent d’autres, afin de faciliter son développement.
Vous comprenez bien que, par-là, c’est toute notre attitude devant notre plante qui a changé. Autrefois, le frère responsable des cultures surveillait la plante, et quand il décelait des défauts, il téléphonait au conseiller agricole, lui décrivant les symptômes. Son interlocuteur répondait : « C’est telle maladie, alors prenez tel produit, diluez-le à tel dosage et répandez cela pendant telle durée, et si cela ne donne pas de fruits, nous doublerons la dose ! » Il s’agit là d’une attitude volontariste. L’agriculteur se situe au-dessus de sa plantation et veut lui faire produire ce qu’il attend ; et il la force dans ce sens.
Aujourd’hui, qu’en est-il ? On considère que si la plante est malade, c’est qu’il lui manque quelque chose, il faut la nourrir pour qu’elle retrouve sa force, et soit capable de résister elle-même aux attaques d’un virus ou d’un insecte, ou encore de champignons ravageurs. Alors nous travaillons à donner vie à nos sols, nous choisissons d’autres plantes compagnes, nous allons peut-être faire venir des animaux pour féconder le terrain (poules ou autres), etc. C’est tout un écosystème qui est mis au service de la plante pour lui permettre de donner son fruit.
Arrivés à ce stade de mon partage d’expérience, nous pouvons nous poser la question : est-ce que ce changement de perspective agricole n’aurait pas son parallèle dans une autre communauté humaine (famille, profession, association …) ?De fait, tout supérieur peut regarder les autres « de haut », en leur imposant de produire ce qu’il attend d’eux, en agissant de manière volontariste. On entend parler, de temps en temps, d’entreprises où les employés sont pressurisés de la sorte. À long terme une telle entreprise ne peut durer. L’exemple donné ci-dessus montre un état d’esprit différent. Si une plante est malade, c’est qu’il lui manque quelque chose pour savoir résister aux attaques. Il s’agit de trouver ce qui manque et de le lui fournir. C’est tout un écosystème qui est mis au service de la plante malade, pour l’aider à être vigoureuse et donner le meilleur d’elle-même.
N’en irait-il pas de même dans un groupe humain ? Au lieu de forcer chacun à produire le fruit attendu par l’autorité, ne serait-il pas plus naturel, plus sain et même plus efficace à long terme, d’envisager le travail comme une collaboration, en créant les conditions permettant à chacun de donner le meilleur de lui-même ? Ce n’est certainement pas possible en toutes circonstances, mais dans la majorité des cas, la question vaut la peine d’être posée.
Travail avec des coachs, laïcs : La relation aux autres.
Parallèlement aux deux sessions suivies sur l’écologie, j’ai demandé aux frères ce qu’ils en retenaient pour nous, en quoi cela pouvait nous interpeller. Les premières réponses concernaient notre nourriture. Il nous fallait revenir à une cuisine faite par nous-mêmes, et donc à cultiver un potager pour produire nos propres légumes, et à partir de là, avoir un poulailler, un cochon, un buffle (?)Puis un frère a élargi la question : « L’écologie ne se limite pas au soin des plantes, n’y a-t-il pas une dimension humaine ? Ne sommes-nous pas trop écrasés par le travail, par des responsabilités multiples qui nous écartèlent ? Ce n’est pas pacifiant ! »Un autre a rétorqué : « Est-ce que notre équilibre de vie entre prière, travail, détente, vie communautaire, ne serait pas à repenser ? »
Là, nous avons compris que notre travail de conversion devait commencer par une réflexion approfondie sur nos priorités, sur nos choix de fond, sur notre organisation interne.
Je ne nous sentais pas en mesure de conduire seuls un tel travail paisiblement. Il fallait nous faire aider. Pourquoi ne pas faire appel à des gens formés, qui nous aideraient à nous poser les bonnes questions, et à faire émerger de nous les décisions à prendre ? Nous ne voulions pas dépendre d’experts laïcs qui nous imposeraient leur vision des choses, nous avions besoin de méthode pour bien réfléchir nous-mêmes, et pour nous accompagner dans les choix que nous ferions. Nous avons choisi le cabinet Ezalen, habitué à travailler avec des monastères, et où ils viennent à deux, l’un spécialiste en organisation et l’autre psychologue, donc compétent pour aider à faciliter les relations communautaires. En gros, ils viennent deux jours chaque trimestre, et rencontrent soit la communauté, soit des groupes, soit des individuels. Cela dure depuis presque trois ans.
La première réflexion qui nous est venue à l’esprit donnait l’axe de notre travail : nous ne voulons pas devenir des « écolos habillés en moines ». Nous voulons que notre conversion nous enracine dans notre vocation monastique, et par là nous rende plus sensibles aux exigences de l’écologie intégrale. Chacun a donc été invité à exprimer ce qui, pour lui, paraissait le plus important dans sa vie monastique. Qu’est-ce qui lui a permis de durer, pendant ses périodes de crise ? A quoi tient-il vraiment ? Pourquoi est-il entré à Maylis et non ailleurs ?etc. En fait, nous étions invités à partager aux autres frères la manière dont Dieu s’y était pris avec chacun de nous, pour nous faire entrer dans cette communauté de Maylis. Nous nous« reconnections » ainsi à notre appel, reconnu à travers le concret de notre vie.
Une deuxième question portait sur la façon dont nous voyions notre vie monastique : qu’est-ce qui est porteur de vie, qu’est-ce qui lui donne du souffle, de l’authenticité ? Ensuite, à quels défis serons-nous affrontés dans un avenir à moyen terme ?De ces interrogations a découlé une liste de sujets qu’il nous faudrait aborder. Les deux premiers thèmes sur lesquels nous nous sommes penchés étaient formulés ainsi :Equilibre de vie, entre travail, prière, détente et communauté ; et Comment améliorer la communication entre nous.
Ce qui est frappant, c’est qu’immédiatement, c’est le second sujet qui s’est imposé comme prioritaire. Si nous voulions nous poser des questions de fond, il nous fallait auparavant apprendre à mieux communiquer entre nous. En raison des besoins de silence, nous étions habitués à travailler chacun sur son domaine, mais sans suffisamment savoir ce que les autres vivaient. Des décisions se prenaient sans que la communauté en soit informée ou sans qu’elle ait beaucoup son mot à dire. Ainsi, l’esprit communautaire manquait de consistance, des frustrations ne s’exprimaient pas, mais elles abîmaient la paix intérieure.
Nous avons donc mis en place des espaces de communication (par exemple un partage des agendas pour la semaine à venir). Nous avons appris à dialoguer de manière plus paisible, en nous écoutant davantage. Nous avons ainsi établi progressivement un climat où chacun puisse davantage exprimer devant tous sa vulnérabilité, ses pauvretés, ses limites, ses joies et espérances etc. Le résultat ne s’est pas fait attendre : le climat de paix s’est beaucoup approfondi, la prière s’est détendue. L’organisation communautaire a évolué dans la manière de prendre des décisions : c’est rarement une personne seule qui décide, ce sont davantage des petits groupes concernés par la décision.
En considérant ce travail communautaire, on peut être porté à regarder cela de haut : « Que font-ils d’extraordinaire ? Ils en restent au niveau psychologique. Pour des moines, c’est un peu dommage. Est-ce que leur Règle ne leur donne pas suffisamment de motifs surnaturels pour se convertir sans cesse ? »etc. La liste des arguments peut facilement être allongée. Essayons de poser un autre regard sur cette évolution communautaire. Constatons d’abord que les frères ont appris à faire circuler l’information entre eux. Ils se sont organisés pour que chacun participe davantage aux décisions, ou au mûrissement qui les prépare. Très nettement l’esprit communautaire s’en est trouvé renforcé. Faisons le parallèle avec le travail agricole. « Il vous faut redonner vie à votre terre » nous répétait-on à l’envi. Alors nous avons investi dans cette préoccupation tous les déchets de la communauté pour qu’ils servent à féconder les sols : déchets alimentaires, déchets végétaux, déchets animaux … C’est tout ce rebut qui a redonné vie à la terre !N’en va-t-il pas de même au niveau communautaire ? En apprenant à discuter entre nous, au point d’accepter de nous montrer vulnérables les uns devant les autres, ne sont-ce pas nos déchets que nous avons mis en commun ? L’un a exprimé son incapacité à réfléchir quand les décibels montent trop haut. Un autre, à quel point il était encore bloqué devant un frère qui l’a, autrefois, rabroué trop fortement et de manière injuste. Un troisième a osé dire la pression démesurée qu’il se met lui-même quand on lui confie une tâche, etc. Ne sont-ce pas nos pauvretés, nos déchets, que nous mettons en commun ? Mais alors notre communion ne repose plus sur les réussites brillantes des uns ou des autres. Elle émane de la confiance mutuelle qui va jusqu’à parvenir à se désarmer les uns devant les autres.
Ne croyez-vous pas que tout ce travail de communication, finalement, a renforcé la vie de notre communauté ? Là aussi, nous avons travaillé à « redonner vie à notre terre » ! Au niveau agricole, cela se manifeste par l’apparition de vers de terre et d’insectes multiples…,mais au niveau d’une communauté humaine, on perçoit ce renouveau à la qualité de communion entre nous, à la capacité de partager nos vulnérabilités, au climat de paix et d’entraide mutuelle émanant de chacun.
Si, au niveau agricole, nous avons modifié notre manière de faire, passant de plus en plus à des techniques de culture qui respectent l’environnement et chaque plante, au plan communautaire, c’est le partage des informations qui a été modifié : il a pris une part beaucoup plus grande dans notre organisation, depuis le simple échange sur les agendas jusqu’à la manière de prendre des décisions. Nous sommes passés de : « Celui qui sait et a la responsabilité décide pour les autres »à « Celui qui sait partage ses informations avec d’autres responsables, pour réfléchir ensemble puis décider. »Finalement nous sommes passés de « agir pour (les autres) » à « agir avec (les autres) ». La communauté en tant que telle a repris vie. Elle est devenue davantage partie prenante de son avenir.
La relation à Dieu
Quand on regarde l’ensemble de l’évolution de la communauté depuis Laudato Si’, on peut se poser la question : « Ils ont modifié leur relation à la nature. De là ils sont passés à la relation entre eux. Mais est-ce que cela reste à ce niveau humain ? Qu’en est-il de leur relation à Dieu ? »
J’ai déjà exprimé que par le climat de paix qui s’est approfondi dans la communauté, le climat de prière s’est vu, lui aussi, modifié. Si les frères sont plus paisibles entre eux, ils arrivent à la prière avec l’esprit et le cœur plus libres pour accueillir la parole de Dieu et se laisser façonner par elle.
Parallèlement à cela, dans notre travail avec les coachs, nous avons abordé la question de notre équilibre de vie. Il nous semblait que le travail avait pris une place prédominante, qu’il nous fallait lui mettre des limites, pour préserver le sens profond de notre vocation monastique. Notre activité professionnelle est au service de la prière. Elle doit rester seconde par rapport à cette priorité. Nous avons donc pris des mesures pour nous redonner des espaces de liberté où chacun puisse librement vaquer à Dieu, à sa manière personnelle. Le lundi sera vécu dans ce sens. Le mois de janvier, l’hôtellerie sera fermée. Les heures d’accès à internet seront plus restreintes, en particulier pour ne pas empiéter sur le temps du grand silence nocturne où la relation à Dieu est plus libre.
Autant de mesures qui furent prises sans difficultés. L’amélioration du dialogue communautaire a ainsi ouvert la voie à une intensification de la relation à Dieu. Mais quand on regarde l’ensemble du processus, le point de départ est un changement de regard sur nos plantes, sur la nature. C’est à partir de là que s’est amélioré le climat communautaire et que s’est établi un équilibre de vie mettant davantage Dieu à la première place. Oui,« tout est lié ». Le Pape le répète souvent dans son encyclique, mais nous le vérifions dans notre évolution communautaire. Notre qualité de relation entre nous est liée au regard que nous portons sur la nature, elle est également liée à notre relation à Dieu.
Mais il manque un élément dans cette chaîne d’interdépendance réciproque, c’est celui de notre relation à nous-mêmes. Quel regard chacun de nous porte-t-il sur lui-même ?
La relation à soi-même
Si les frères acceptent de partager leurs zones de vulnérabilité les uns devant les autres, c’est parce qu’ils ont confiance dans le fait que les autres n’en profiteront pas pour les écraser. C’est dire qu’ils ont droit à avoir ces zones d’ombre en eux. Ce n’est pas une catastrophe, personne ne nous mettra au ban de la communauté pour cela. C’est dire que chacun a droit à avoir ses pauvretés, chacun a le droit d’ « être moche » quelque part ! Mais alors chacun peut s’aimer soi-même, avec ses zones sombres … Dans un tel climat écologique, le regard que chacun porte sur soi-même peut ainsi être modifié lui-aussi, profondément, et changer bien des choses !
Tout est lié, et la conversion à laquelle nous appelle le Pape est quelque chose de très large, qui englobe toute notre vie. Il parle quelque part de révolution culturelle ! « Ce qui arrive en ce moment nous met devant l’urgence d’avancer dans une révolution culturelle courageuse »(LS 114). Autant dire que la démarche de conversion dans laquelle notre communauté est engagée n’est qu’un tout petit point de départ. Sur cette voie, d’autres sont bien plus avancés que nous, d’autres le sont un peu moins. Le travail est infini, il pourrait nous décourager. Mais l’expérience montre que dans ce processus, ce qui est important c’est de se mettre en marche, de faire le petit pas que nous voyons devant nous, aujourd’hui. De là un pas suivant nous apparaîtra, puis un troisième, etc. Et c’est ainsi que l’on se met en marche !
Oui, notre relation à la terre est fondamentale pour l’équilibre individuel et communautaire de la société. C’est à travers elle que s’expriment et se construisent nos relations à nous même, aux autres humains, et même à Dieu !
Qu’il le veuille ou non, l’homme est une créature. Il est fruit du même acte créateur de Dieu que l’ensemble de l’univers. Il est régi par la même pensée créatrice, par le même « logos ». On ne peut penser la vie humaine qu’en lien avec toutes ces ramifications dans l’univers. Celui-ci forme un tout. Certes l’homme en est le sommet, il en est aussi le gérant, mais en demeurant soumis à l’acte créateur, jamais au-dessus