Par Jean-Marc Nesme, Député-maire de Paray-le-Monial
« Comment l’action politique peut-elle être le domaine de la Vérité ? Comment le législateur peut-il mettre à hauteur d’homme les nouvelles découvertes scientifiques, technologiques, bio-médicales, économiques et financières ?
Comment résister au prêt-à-penser, à la pensée unique, au relativisme diffusés largement par la machine médiatique qui impose ses croyances ? Pourquoi les grands prêtres siégeant au tribunal de l’inquisition médiatique, ont-ils réussi à imposer le politiquement correct ?
La prolifération juridique contemporaine qui ressemble à une panique normative n’est-elle pas le signe du manque d’une croyance partagée ?
La croyance ne relève pas seulement du spirituel et du religieux.
Elle concerne également le rapport que nous entretenons avec ceux qui nous entourent dans la cité. Elle concerne donc l’action politique et l’engagement qu’elle induit. Éthique de vérité, éthique de responsabilité et éthique de résistance vont de pair. »
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Marie-Joëlle Guillaume : Au moment d’accueillir M. Jean-Marc Nesme, député de Saône et Loire, maire de Paray-le-Monial, la vérité m’oblige à dire que, pour nous, Monsieur, avant d’être l’homme politique qui répondra à la question de Pilate, vous êtes déjà, aux yeux de beaucoup de nos amis, l’homme qui ne s’est pas lavé les mains du danger pesant sur les enfants.
En effet, en 2006, – le grand public l’a su et ne l’a pas oublié -, vous avez été le fondateur et l’animateur de l’Entente parlementaire pour la défense du “droit fondamental de l’enfant d’être accueilli et de s’épanouir dans une famille composée d’un père et d’une mère”. Le titre est un peu long, mais il dit bien ce qu’il veut dire. Et 316 parlementaires de droite avaient signé ce texte.
Déjà, cela montre que vous êtes courageux.
En mars 2009, quelques jours après la présentation par la Secrétaire d’État à la famille, Nadine Morano, de l’avant-projet de loi sur le statut de beau-parent, vous avez fait circuler une pétition au Parlement qui s’intitulait “Manifeste” et qui dénonçait : « Une voie ouverte à l’‘homoparentalité’ ».
Autrement dit, non seulement vous êtes courageux, mais vous êtes tenace.
Mais d’abord : qui êtes-vous ?
Vous êtes né le 23 mars 1943 à Lyon.
Vous êtes licencié en droit, diplômé de l’Institut politique de Lyon.
Vous êtes marié et avez une fille.
Vous êtes entré à la Chambre d’Agriculture de Saône et Loire, vous en êtes devenu le sous-directeur de 1971 à 1988.
Mais déjà vous étiez entré aussi dans la vie politique, puisque vous êtes adjoint au maire de Paray-le-Monial de 1983 à 1989. Et en 1989 – une année importante à bien des égards, mais pour vous aussi – vous devenez maire de la ville du Sacré-Cœur. Vous serez constamment réélu à ce poste et vous y êtes toujours.
Vous avez pleinement conscience de la vocation spirituelle de votre ville puisque vous avez tenu, en 2003, à la jumeler avec Bethléem. La cité du Sacré-Cœur jumelée à la cité de la Nativité, c’est une belle enseigne commune et c’est un beau travail de maire.
C’est aussi l’occasion pour moi de noter, en écho à une remarque que vous avez faite à notre secrétaire général, Jean-Paul Guitton, et à moi-même lorsque nous nous sommes rencontrés, que votre saine conception de la laïcité – c’est-à-dire une conception qui n’exclut pas la reconnaissance du fait religieux – est partagée par vos administrés. Car vous nous avez raconté que lors des élections municipales de 2001 vous aviez mis dans votre programme la rénovation du musée Eucharistique du Hiéron. Or vous avez été élu au premier tour avec plus de 60 % des voix.
Votre commentaire à ce sujet a été très simple : « Il faut dire les choses telles qu’on les pense et les faire de la même façon ». Nous constatons que, même électoralement, ce n’est pas un désavantage.
Voilà pour l’édile de Paray-le-Monial. L’élu régional et national, à présent.
En 1986 vous êtes élu au Conseil régional de Bourgogne, vous assumez la vice-présidence chargée de la culture puis la vice-présidence des finances jusqu’en 2002, date à laquelle vous abandonnez votre mandat régional pour vous mettre en conformité avec la loi sur le cumul des mandats. En effet, dès 1988, vous avez été élu député de la Saône et Loire, dans la 2e circonscription du département.
En 1993, vous êtes réélu dès le premier tour. En 1997, le contexte général n’est pas très favorable et vous en pâtissez aussi. Bref, votre circonscription suit le mouvement général à gauche et vous perdez votre fauteuil de député.
Vous le retrouvez en 2002 puis en 2007 avec quelques émotions ou selon ce qu’on pourrait appeler “la joyeuse incertitude du sport” puisque vous nous avez précisé qu’en 2002 vous aviez été réélu avec seulement 66 voix d’avance et 80 en 2007. Mais vous avez été réélu ! En démocratie, à une voix près, ce peut être Austerlitz ou la Bérézina. Pour vous le résultat fut donc positif.
Vous aimez faire remarquer que les gens ont du bon sens, qu’ils veulent savoir à qui ils ont affaire et qu’ensuite ils savent faire confiance. Je crois que vous en êtes la preuve.
Lorsque M. Jean-Paul Guitton et moi vous avons rencontré, vous veniez de faire, quelques semaines auparavant, une conférence au Centre éthique lyonnais sur le thème “Conviction et Compromis”. Cela touche un peu à notre sujet de ce soir. A vous entendre évoquer cette conférence, nous avons compris tout de suite que vous n’êtes pas de ceux qui confondent compromis et compromission, ni même de ceux chez qui la saine préoccupation du compromis fait s’évanouir les convictions.
En tout cas comme parlementaire, comme maire, vous nous avez avoué qu’il y avait toujours une question que vous vous posiez devant un problème politique, même et surtout s’il est complexe : « Où est le bien commun ? ».
Vos centres d’intérêts parlementaires illustrent bien cette préoccupation du bien commun qui est la vôtre.
Vous appartenez à la Commission des Affaires étrangères depuis la précédente législature. Vous êtes vice-président des groupes d’amitié France-Vatican, France-Irak, France-Palestine ainsi que du Groupe des Droits de l’Homme et du Droit des enfants, ce qui montre que vous vous préoccupez des lieux et des sujets qui touchent profondément à la condition humaine, à la paix – à tous les grands problèmes d’aujourd’hui.
Vous avez été membre de deux Commissions, sur l’accompagnement de la fin de vie et sur le droit des enfants. Et nous savons que les travaux de ces deux commissions ont permis de faire adopter à l’unanimité deux propositions de loi : l’une sur les malades en fin de vie et les soins palliatifs, l’autre sur la protection de l’enfance.
Vous êtes aussi très sensible au fait religieux. Vous nous disiez que l’opinion n’attachait pas assez d’importance au fait religieux dans les relations internationales. Le jumelage de Paray-le-Monial avec Bethléem et votre groupe d’amitié montre qu’en ce qui vous concerne, il n’est pas question d’ignorer le poids du fait religieux.
Vous ne négligez pas non plus la philosophie. Je n’étonnerai donc pas nos amis en citant cette phrase, à la fois roborative et inattendue de la part d’un député occupé en principe à faire cent choses à l’heure : « Le seul moyen de prendre du recul et de la distance – dites-vous -, c’est de lire ». Et vous lisez !
Alors, Monsieur le Député : qu’est-ce que la vérité ?
Jean-Marc Nesme : Terrible question ! S’il n’est pas simple d’atteindre la vérité, c’est qu’il est d’abord difficile de vouloir la chercher tant les obstacles sont nombreux sur la route de l’élu politique.
Parler de vérité, c’est se heurter immanquablement à cette « cage d’acier » dont parle le sociologue Max Weber qui affirme « qu’elle écrase la poitrine de l’individu moderne en réduisant l’idéal humain à une pétrification mécanique ».
On pourrait penser qu’en démocratie, le fait majoritaire conduit à la vérité, la majorité ayant toujours raison. Mais qui peut croire comme Rousseau que la volonté majoritaire du peuple est « toujours droite » ? Les moines d’Occident, qui depuis saint Benoît élisaient leur supérieur, disaient, sur les traces d’Aristote, que le nombre est « présomption » d’opinion droite et non preuve.
À ce stade de mon propos, je dirai qu’il faut d’abord être vrai avec soi-même et que le binôme vérité-sincérité est une force en politique pour convaincre mais aussi pour décider.
Cela n’élude pas le doute. Par exemple, pour sortir de la crise internationale d’aujourd’hui, faut-il appliquer les préceptes classiques :
➢ de Alfred Marschall qui prône une croissance reposant sur l’investissement donc sur l’épargne privée qui le finance.
➢ de John Keynes qui met en exergue le seul investissement public en le finançant par une augmentation d’impôts.
➢ de Milton Friedman qui affirme qu’une augmentation de la masse monétaire permet de financer le déficit public tout en créant l’inflation.
➢ de Joseph Stiglitz qui déclare que la politique budgétaire reste l’outil de référence pourvu que l’on compense les déficits par des excédents en période faste.
On doit à la vérité de dire que c’est en marchant que s’élabore vraisemblablement le nouveau modèle économique qui façonnera aussi les relations sociales. Mais le vrai modèle économique de demain devra être celui qui sera à « hauteur d’homme » c’est-à-dire à son service en tant que personne « sacrée » pour reprendre le mot de Jean Vanier, fondateur de l’Arche, c’est-à-dire aussi en fonction de la vérité, au sens de valeur humaine.
Le doute existe en politique. Récemment, l’expérimentation et les études d’impact sont devenues la règle avant l’adoption et la généralisation de certains textes de loi ce qui permet de considérer que l’évidence d’une idée considérée comme vraie par une majorité ne suffit pas.
La puissance et la rapidité extraordinaires des nouvelles découvertes scientifiques, technologiques et bio-médicales nous sont souvent présentées comme des seuls savoirs alors qu’elles sont, dans les faits, sous-tendues par des convictions et qu’elles se permettent, comme le dit l’écrivain Jean-Claude Guillebaud « comme autant de variantes de la vérité, en toisant avec dédain toutes les croyances humaines, renvoyées à un rang subalterne ».
Il faut y ajouter un nouveau pouvoir, celui de l’appareil médiatique qui joue le rôle d’un magistère dont la tendance est d’imposer sa loi.
Le législateur se trouve au centre de ces forces dont les titulaires qui en ont la maîtrise pensent pouvoir posséder le gouvernement des hommes.
Pour tenter d’atteindre la vérité, on se heurte à une multitude d’obstacles qui sont autant de pressions exercées sur le législateur.
Quels sont ces obstacles ?
1. La technoscience et la marchandisation mondialisée induisent une modification profonde des rapports humains. Le vocabulaire, lui-même, subit des changements rapides. Tout devient mesurable, quantifiable, évaluable. Le vocabulaire s’informatise. Les observatoires se multiplient. Les comités d’évaluation se trouvent là où on ne les attend pas. La statistique est devenue un curseur institutionnel. Les sondages d’opinion, rendus publics ou non, sont des boussoles censées donner la bonne direction sans pouvoir vérifier leur objectivité et leur valeur scientifique.
2. Un obstacle à la recherche de la vérité d’un type nouveau surgit pour imposer ses croyances. La sphère médiatique est d’une ampleur considérable et ce phénomène n’est pas sans relation avec celui du marché et des technosciences. Le choix des informations à traiter se décide en fonction de critères qui n’ont rien à voir avec une délibération rédactionnelle raisonnée mais qui reposent sur la concurrence, l’audimat, l’impact publicitaire et ses recettes, sur l’imitation mais surtout sur l’émotion. On parle de démocratie d’opinion, sachant que les opinions que crée et recycle en permanence l’appareil médiatique sont à la fois individualisées et nomades ce qui fragilise la démocratie représentative et la gouvernance d’un pays.
L’écran donne la visibilité sociale. Être, aujourd’hui, c’est paraître.
L’écran est un magistère, avec ses grands prêtres et avec ses croyances qui reposent sur la fluidité, la légèreté éphémère, la fugacité. L’appareil médiatique fonctionne dans la « culture du flux » par opposition à la « culture du stock » qui est celle de l’école, du livre, des arts et de la tradition. Jean-Claude Guillebaud écrit que « les croyances qui habitent l’univers de la communication sont changeantes, immédiates, amnésiques, insaisissables. Elles sont faites de sincérités successives, d’opinions effaçables, de points de vue approximatifs et réversibles ».
3. Le troisième obstacle aux convictions et à la recherche de la vérité qui découle du précédent se décline dans le champ politique, de la manière suivante.
L’action politique tend à émigrer vers les plateaux de télévision, en se soumettant aux règles langagières et rhétoriques qui prévalent dans les médias si bien que, le rapport entre le politique et le médiatique s’inverse progressivement en faveur du second. La salle des Quatre colonnes de l’Assemblée Nationale avec son fourmillement médiatique est aussi importante que l’Hémicycle pour lancer des messages.
Les Croyances diffusées ou imposées par l’appareil médiatique sont fluides, éphémères, fugaces et les opinions qui en découlent peuvent avoir les mêmes qualificatifs. Alors, la réponse du politique est parfois la « langue de bois » qui est le contraire de la conviction solide, structurée, raisonnée et permanente. Le relativisme culturel qui en découle met la démocratie en danger dès lors qu’elle aboutit, par exemple, à rejeter l’universalisme des valeurs, notamment celles attachées à la dignité de la personne humaine pour préférer les vérités partielles et provisoires dictées par la mode, le prêt à penser et la pensée unique pré-fabriquée sur l’émotion instantanée.
La dictature de la rumeur médiatique – souvent dogmatique – possède une autre logique qui, complétée par les sondages, repose sur la recherche de l’opinion moyenne : voici la moyenne, voici la solution. Il s’agit d’un esclavagisme soft au sein duquel chacun a peur de s’écarter de la norme c’est-à-dire du plus petit dénominateur commun.
Le temps médiatique pose un autre problème : celui de l’urgence et de l’immédiateté qui submerge chacun d’entre nous. La conséquence : nous n’acceptons plus d’être liés par nos propres convictions, par nos fidélités, par nos engagements à long terme et par notre histoire. Nous sommes ballottés au gré du zapping, enfermés dans des figures imposées où, comme l’écrit l’écrivain Alain Reyes « les misères du monde sont le divertissement caché de l’homme moderne. Et dans ses divertissements affichés éclate sa misère ».
4. Le quatrième obstacle aux convictions et à la recherche de la vérité est le politiquement correct dont les grands prêtres siègent au tribunal de l’inquisition médiatique. Ils veillent à maîtriser le discours public, d’interdire les mots, les thèmes, les idées qu’ils veulent faire disparaître. On assiste parfois à un appauvrissement progressif du langage politique dans lequel le consensus est devenu la règle.
À une époque où le mythe de la transparence et de l’immédiateté oblige tout décideur à se dévoiler en temps réel au mépris de la réflexion préalable, la langue de bois est devenue un art du camouflage.
Cet antidote au harcèlement médiatique comme l’écrit l’historien de la presse, Christian Delporte, « est à la vérité ce que les codes non écrits de civilité sont au conflit : un aimable détour ». Les chemins de traverse ne mènent pas à la vérité parce que ce sont des chemins faciles alors que la recherche de la vérité est un combat difficile en ces temps troublés et un combat permanent sans fin.
Ce qui est symptomatique aujourd’hui c’est non seulement le relativisme culturel où tout se vaut mais c’est aussi la neutralité. C’est mon choix, c’est le sien… et alors ! Henri Madelin écrit que la croyance a été plongée dans un « immense bain d‘épuration ». « On la loue encore pour ce qu’elle apporte de merveilleux au temps de l’enfance ; mais justement, devenir adulte, c’est quitter ces royaumes enchanteurs, c’est habiter un univers qui n’a plus besoin, pense-t-on, de références ultimes, de paroles non conformes, de symboles dépassés ».
Une nouvelle disposition au bonheur personnel, un « souci de soi », un consumérisme de tous les instants et de toute nature donnent à l’égo une dimension telle qu’elle submerge racines historiques, culturelles et morales pour conduire à une société éclatée et sans repères collectifs où le narcissisme et le communautarisme font loi. En y ajoutant le corporatisme, la Nation perd progressivement sa fonction de référence.
Quel peut être le rôle du politique, ou plus précisément celui du législateur, dans une société où les forces centripètes et centrifuges sont de plus en plus puissantes ?
On doit à la vérité de dire que la règle législative n’est pas seule à pouvoir répondre au désenchantement actuel. Le grand juriste unanimement reconnu, le doyen Jean Carbonnier, a toujours reconnu que la prolifération juridique contemporaine ressemble à une panique normative qui « n’est jamais que le signe d’un manque ». Quel est ce manque ? « Le droit, disait-il, est plus petit que l’ensemble des relations entre les hommes. Le droit ne peut se substituer à la norme véritable qui relève, elle, d’une croyance partagée ». Émile Durkheim allait plus loin encore lorsqu’il déclarait que « cette foi réclame d’être consistante, proclamée et lisible ». Un politologue allait plus loin encore en déclarant : « une démocratie se meurt quand le parti des incroyants y devient majoritaire ».
L’éditorialiste Jacques Julliard écrivait dans Le choix de Pascal : « on assiste à un véritable épuisement de la transcendance collective sur laquelle est fondée la nation. La séparation de l’Église et de l’État est une bonne chose. La séparation de l’État et de la tradition chrétienne est une absurdité ».
C’est dans cet esprit que j’ai proposé à mes collègues parlementaires, en 2008, de signer un Manifeste en faveur des chrétiens d’Orient et de la liberté religieuse dans le monde. 184 parlementaires ont signé ce Manifeste rendu public. J’ai rappelé les principales motivations qui m’ont conduit à prendre une telle initiative dans un article publié dans le Figaro du 25 décembre 2008 (extraits) :
« La déchristianisation rampante, la sécularisation affadie de notre quotidien et l’inculture religieuse font que Noël n’est, pour beaucoup, qu’illumination et cadeaux, et pour les vacanciers qu’un hasard du calendrier.
Or, le christianisme a pénétré en profondeur, pendant plus de 2 000 ans, la société en façonnant notre culture, notre façon de vivre ensemble, notre droit, notre architecture, notre littérature, notre musique, notre peinture, notre sculpture, nos fêtes, notre histoire, notre civilisation.
Nos racines sont chrétiennes. Si, par malheur, une nation en arrivait à ignorer, définitivement et totalement, l’héritage spirituel et religieux de son histoire, elle commettrait un crime contre elle-même. Couper les racines et donc admettre que l’on vienne de nulle part affaiblirait pour toujours le sentiment d’identité nationale. […] Dénier notre ascendance qui fait pourtant partie de notre intimité collective telle que l’histoire l’a faite, rend incompréhensible notre environnement présent et futur, rend inexplicables les mouvements profonds de notre monde incertain et rend impuissantes les solutions aux problèmes qui secouent notre planète. »
À propos de la place des religions dans un monde en crise, il convient d’affirmer, sans crainte, comme l’a écrit le Père Samuel Rouvillois, que « le politique, s’il ne sait pas se mettre à l’écoute des sagesses religieuses, perdra de vue une compréhension du monde qu’il ne parvient pas à avoir par lui-même ». Félicitons-nous que le Ministère des Affaires Étrangères ait créé, en été 2009, un « pôle des religions ».
Comme l’écrit Régis Debray dans son rapport de 2002, « l’histoire des religions peut prendre sa pleine pertinence éducative, comme moyen de raccorder le court au long terme, en retrouvant les enchaînements, les engendrements longs, propres à l’humanitude, que tend à gommer la sphère audiovisuelle, apothéose répétitive de l’instant ».
À ce titre, la République doit être accueillante et médiatrice c’est-à-dire capable de mobiliser les familles spirituelles au service de la refondation du lien social, capable de renouveler la pratique d’une laïcité ouverte qui pourrait être la base d’une reconnaissance de la contribution des religions à la vie publique.
Cela implique de la part de l’élu politique un esprit de résistance face à certains courants de pensée au sein desquels la laïcité s’est traduite en profession d’athéisme, courants de pensée encore très vivants dans la sphère politique.
Comment refonder l’action politique dans une société troublée et désenchantée mais qui, néanmoins, recherche un sens, c’est-à-dire la vérité ?
La croyance ne relève pas seulement du spirituel, de l’éthique ou du religieux. Elle concerne aussi le rapport que nous entretenons avec ceux qui nous entourent, dans la cité. Elle concerne donc l’action politique et l’engagement qu’elle induit. Éthique de conviction et éthique de responsabilité vont de pair.
L’esprit de “résistance” au prêt à penser est aussi une des composants de l’action politique. Mais, reconnaissons en même temps, que l’action politique est au cœur d’une tension entre capacité d’écoute et fermeté de soi, entre doute modeste et conviction forte, entre détermination et risque du compromis sans parler du risque de compromission, entre l’imperfection d’une cause et la force d’une conviction.
Jean-Claude Guillebaud rappelle que « la réflexion du philosophe allemand Paul-Louis Landsberg, qui sera reprise par Emmanuel Mounier, conduit à récuser tout aussi bien l’intolérance dogmatique que l’inaction de la belle âme qui attend de pouvoir s’appuyer sur des valeurs absolues et des moyens irréprochables avant de consentir, comme du bout des doigts, à l’action. Une telle exigence conduit en général à ne pas agir du tout… quand je suis fanatique, je me ferme à autrui ; quand je doute top, je m’en désintéresse. Dans les deux cas, je m’emprisonne. Le concept de “cause imparfaite”, cher à Landsberg, ouvre une issue à cette prison. Il permet à l’engagement – qui affronte mais respecte – d’être autre chose qu’une passion triste ».
Cette issue, on la trouve, en lisant le document publié, en 2004, par La Commission Théologique Internationale (C.T.I.)
Si l’ordre politique n’est pas le domaine de la vérité ultime, il doit cependant rester ouvert à la recherche perpétuelle de la Vérité et de la justice. La « légitime et sainte laïcité de l’État » consiste dans la distinction de l’ordre surnaturel de la foi théologale et de l’ordre politique. Il ne peut jamais se confondre avec l’ordre de la grâce auquel les hommes sont appelés à adhérer librement. Il est plutôt lié à l’éthique humaine universelle inscrite dans la nature humaine, la loi naturelle qui est à la base de l’ordre social et politique ne réclame pas une adhésion de foi mais de raison ou, si possible, une double adhésion.
La loi positive, elle, ou loi humaine est celle que le législateur écrit et vote soit librement et en conscience soit sous la pression.
La séparation entre loi humaine et loi positive trouve aujourd’hui son aboutissement dans ce que l’on appelle les grands problèmes de société et plus particulièrement, dans ce qui concerne la personne humaine : mariage et adoption par des homosexuels, euthanasie et suicide assisté, risques eugéniques, en sont quelques exemples.
Comment en est-on arrivé là ?
Un courant de pensée tendant à “déconstruire” traverse la société contemporaine et le Parlement est confronté à la puissance de cette nouvelle “croyance” : il faut déconstruire les “oppositions binaires” fondées sur une métaphysique de l’être que sont les différences hommes-femmes, corps-âmes, bien-mal, tradition-progrès, enfant-adulte, hétérosexuel-homosexuel, vie-mort… autant d’oppositions qui n’appartiendrait pas à la nature humaine en soi : elles n’existeraient que d’un point de vue moralisant et social et n’étant que le résultat instable des évolutions culturelles. Il n’y aurait plus, pour les déconstructionnistes, dont le philosophe Jacques Derrida est le maître à penser, « d’identité et de vérité à intégrer mais des choix culturels à expérimenter librement ».
Une dictature du relativisme s’est installée, nourrie par l’appareil médiatique dont je parlais au début de mon propos : la négociation de la vérité se répand rapidement, la vérité n’étant qu’un mythe régulateur. La postmodernité doit, alors, rejeter la notion d’universalité, la vérité et, évidemment, la loi naturelle commune à tous les hommes alors même, que la loi naturelle facilite le dialogue entre tous les hommes.
Aujourd’hui, l’essentiel n’est plus de lutter contre les totalitarismes tels que le XXe siècle les a connus mais de se battre contre les particularismes et les communautarismes qui se répandent en ce début du XXIe siècle en faisant abstraction de toute raison.
La résistance du Parlement face aux revendications du mouvement gay, lesbien, bi et trans.
En 2006, je crée avec Bernadette Dupont, sénateur, une Entente Parlementaire fondée sur un Manifeste pour la défense du droit fondamental de l’enfant a être accueilli et de s’épanouir dans une famille composée d’un père et d’une mère. 314 parlementaires y adhèrent ce qui a une double conséquence. La Mission parlementaire “la famille et les droits de l’enfant” abandonne toute velléité de proposer le mariage et l’adoption homosexuelle ; le projet politique de la Droite pour les élections de 2007 ne retient aucune revendication du mouvement gay.
Que dit le Manifeste ?
« Le déni de la différence sexuelle, du sens de la procréation et de la filiation laisse entendre que le désir d’avoir un enfant serait suffisant pour devenir “parent”. Ainsi, la promotion de l’adoption par des partenaires de même sexe, de la procréation médicalement assistée, du “tourisme procréatif” et de la gestation pour autrui se répand. Cette promotion est en totale contradiction avec le Code Civil, le Droit de la Famille, avec les Textes Internationaux signés par la France et avec les principes universels d’indisponibilité et de non-patrimonialité du corps humain et de ses éléments.
L’ÉTAT ET LE LÉGISLATEUR n’ont pas à ériger en NORMES ce qui relève de la vie privée et des choix individuels. C’est pourquoi, la République protège la liberté individuelle TOUT EN EXCLUANT TOUTES LES FORMES DE COMMUNAUTARISME.
À propos de “l’égalité des droits” : le discours en faveur de la possibilité de “produire de l’enfant hors sexe repose sur le fait que les partenaires de même sexe, placés parmi les partenaires “stériles” seraient en droit de réclamer des réparations : le droit à l’enfant est alors présenté comme un dû. Or, ces personnes ont choisi une vie sans possibilité d’enfants ; qu’ensuite, ils souhaitent avoir à la fois le lien et les enfants que ce lien exclut est, sans doute, une contradiction douloureuse mais la Société ne peut l’accepter sans remettre en cause les REPÈRES sur lesquels elle est fondée et sur lesquels elle construit son avenir.
À propos des “discriminations” : sous prétexte de lutter contre une discrimination, il ne serait pas acceptable d’en créer une autre entre les ENFANTS. Il serait, en effet, établi par la loi que certains enfants pourraient grandir sur le socle de la relation entre deux parents – homme/femme – père/mère – et que d’autres seraient privés de cet atout, privés de ce lien fondamental reposant sur la lisibilité de leur filiation et sur le modèle de l’altérité. En tout état de cause, le principe de précaution, inscrit dans notre Constitution, s’impose.
Il ne nous paraît pas conforme à l’INTÉRÊT DE L’ENFANT de permettre son inscription dans une filiation qui ne serait pas structurée sur l’altérité sexuelle des parents, et ce au risque de rendre sa généalogie incohérente et de l’exposer dangereusement à des difficultés d’identification et de structuration de sa personnalité. »
Le Parlement est face à de redoutables interrogations sur l’homme et sur son avenir, notamment dans le domaine de la bioéthique.
C’est, cette année, que le Parlement procédera à la révision des lois bioéthiques de 2004. Le 15 octobre 2008, l’Assemblée nationale a mis en place une mission d’information sur cette révision. Elle vient de rendre son rapport dont s’inspirera le Gouvernement dans le projet de loi qu’il déposera, sans doute avant l’été.
À la question : faut-il légiférer ? je réponds : oui
➢ Serait-il licite, acceptable éthiquement, de mettre en application systématiquement les résultats des progrès de la recherche en sachant que ceux-ci ont une évolution exponentielle et que ainsi tout deviendrait possible, y compris la création de la vie, sans s’inquiéter du devenir de l’espèce humaine ? On ne peut se laisser aller et s’abandonner à ce vertige. La loi, sera, là, pour le rappeler.
➢ Beaucoup de scientifiques font en sorte que tout ce qui est possible techniquement ne soit pas pour autant autorisé. Ils peuvent arriver à cette décision à la suite de réflexions menées par des groupes religieux, ou laïcs ou philosophiques ou strictement scientifiques. Cette attitude nouvelle existe parmi les scientifiques les plus pointus et dans tous les domaines des sciences de la vie et de la santé.
➢ Néanmoins, il existe, ici ou là, une tentation très forte pour certains à vouloir créer un “transhumanisme” ou un “posthumanisme”. Nous sommes arrivés à un stade de technicité tel que ces scientistes pensent que nous sommes capables de créer un autre homme quittant la branche humaine actuelle pour en créer une autre, de toutes pièces. Cette famille de pensée est nourrie aux États-Unis par exemple et, dans certains autres pays, par des budgets colossaux. La loi sera, là, pour faire obstacle à ces dérives.
Comment légiférer ?
Légiférer sur un sujet, quel qu’il soit, exige de s’appuyer sur la connaissance particulière du domaine considéré. Or l’éthique biomédicale a cela de remarquable qu’elle ne se contente pas de définir un champ d’applications scientifiques au même titre autres champs de l’éthique. La législation qui la concerne est originale. Les manipulations génétiques pourraient ainsi, pour la première fois, modifier le visage du genre humain pour les générations futures.. Si les projets de loi sur l’éthique biomédicale doivent répondre à un ensemble de demandes médicales, sociales, politiques et juridiques, celles-ci dépendent à leur tour d’une exigence éthique plus haute, qui met en jeu l’idée de l’homme dans sa globalité. Par suite, toute législation dans cette matière renvoie aux principes mêmes qui fondent universellement l’éthique.
Il appartient ainsi au corps social de fixer les limites au-delà desquelles il ne reconnaît plus la forme de l’humaine condition. En d’autres termes, les pratiques en matière d’éthique biomédicale doivent être définies, sur le fondement d’un principe de responsabilité. Ce dernier se décline en une responsabilité de la représentation nationale par rapport aux mêmes citoyens, du médecin par rapport aux malades, des citoyens par rapport aux générations futures.
Les principes fondamentaux non négociables.
Légiférer sur un domaine aussi complexe que le biomédical et éviter de se perdre sur des chemins de traverse ou déviances demande que l’on ait comme repères – ou balise – ou boussole, quelques principes fondamentaux non négociables.
1) « La médecine et la recherche biomédicale sont deux formes éminentes, essentielles, du service de l’homme. »
2) L’indisponibilité du corps humain est corrélatif de celui de la dignité de chaque personne appelant un consentement éclairé.
3) L’unité de la personne humaine est un autre principe intangible. Ce principe s’oppose souvent aux diverses formes du dualisme qui dissocient le corps et l’esprit. Ce dualisme réapparaît de nos jours chaque fois que le corps humain, même en ses commencements, est perçu comme un instrument au service de visées techniciennes, fussent-elles médicales. De la reconnaissance de la dignité et de l’unité de la personne humaine découle l’affirmation du respect qui est dû à la vie humaine à tout stade de son développement, même lorsque l’autonomie est très faible ou quasi-nulle.
4) La raison et la foi enseignent qu’une authentique sagesse commune à tous les hommes se fonde sur le respect du plus faible. Cette intuition est présente dans le cœur de chaque homme. D’un côté, la raison constate dans sa réflexion historique, politique, philosophique et scientifique les graves conséquences du mépris des droits des plus faibles. D’un autre côté, la foi chrétienne affirme que dans le plus petit, Dieu voit son propre Fils confié à l’humanité. La raison et la foi peuvent proclamer ensemble qu’une éthique commune trouve son fondement dans le respect inconditionnel de l’être humain vulnérable, du membre le plus infime de l’espèce humaine, comme l’écrit Monseigneur d’Ornellas dans “Bioéthique, propos pour un dialogue”.
5) La vigilance consiste à attirer l’attention sur certaines dimensions de la dignité humaine qui peuvent être perçues par l’intelligence mais que les pressions culturelles, sociétales, médiatiques et financières peuvent conduire à négliger, comme le déclarait Xavier Lacroix, lors de son audition.
6) Aux principes de dignité et d’unité, s’ajoute le principe de la cohérence de la filiation, comme l’a indiqué Xavier Lacroix devant la mission parlementaire, « Que l’enfant naisse de deux corps, ou même de deux cellules, masculine et féminine, est chargé de sens et de valeur. Les trois dimensions, biologique, sociale et affective de la filiation ne doivent pas être dissociées a priori. Dans une culture et dans une civilisation où la dimension interpersonnelle des liens familiaux est un héritage précieux, il est de la responsabilité du législateur de soutenir l’institution qui assure la cohérence entre ces liens. Puisque ce sont des liens qui sont en jeu, ils sont nécessairement institués. Le lien social passe par la sauvegarde d’un socle anthropologique commun ».
7) Si nous croyons aux principes normatifs minimaux évoqués plus haut – le bien et le mal – il faut admettre en même temps un devoir qui transcende autant les hommes d’aujourd’hui que leur lointains descendants : le devoir qu’il y ait une humanité tout au long du temps et que cette humanité ne soit pas déformée ou transformée en fonction de besoins individualisés qui, eux restent liés au seul temps présent. Il s’agit d’une éthique de responsabilité qui, articulée à une éthique de conviction, doit servir de fil conducteur pour que les recherches biomédicales soient au service de l’homme, de l’avenir de l’humanité et du genre humain.
À l’heure où l’ingénierie génétique est en mesure de fabriquer des individus, ce sont les notions élémentaires de la transmission, de la filiation, de la cohérence généalogique, de l’anthropologie humaine qui sont en question. Le glissement de la génération de l’homme à sa fabrication, selon les termes de la philosophe Sylvianne Agacinski, représente ainsi une interruption inouïe des formes élémentaires de la transmission. « Si l’on n’y prend pas garde, il y aurait là, à l’évidence, l’exercice d’un biopouvoir, non pas sur soi-même selon l’argument libertaire individualiste, mais sur les hommes à venir, fabriqués, sélectionnés et modulés » écrivait la philosophe.
En guise de conclusion, je terminerai ainsi : il n’existe pas de liberté sans vérité. Il n’y a pas à choisir entre la vérité ou la liberté ; il faut reconnaître la vérité au cœur de la nature humaine, l’accueillir pour donner à la liberté son caractère le plus humain possible.
Rechercher la vérité est un face à face personnel avec sa conscience. C’est à l’opposé du prêt à penser, de la pensée unique, du compromis qui sont autant de pièges rencontrés, sur sa route, par l’élu politique.
Aujourd’hui, les Institutions sont fragilisées : les partis politiques, les syndicats, l’école, la famille, l’État lui-même sont de moins en moins reconnus parce que tous sont entrés dans le processus de décroyance collective et de méfiance.
Alors, comme pour s’excuser, on fait appel aux experts et à leurs expertises fondées, non pas sur le « croire » mais sur le « savoir ». Or le monde des experts est un monde froid parfois déshumanisé alors que le monde de la conviction est un monde chaud qui donne la force de se réaliser. Le premier se veut dépositaire du « vrai » alors qu’il n’est que factuel. Le deuxième fait appel à l’engagement fondé sur la sincérité, sur la liberté donc sur la vérité.
Le relativisme éthique postmoderne ne fait pas une société heureuse.
Servir le bien commun est la vraie mission qui habite chaque élu politique. Et faire le bien fait beaucoup de bien dès lors que l’on agit en vérité c’est-à-dire dans le respect de la nature humaine, à l’abri de toute manipulation idéologique, scientifique et médiatique.
En politique, la vérité n’est jamais un acquis définitif. La recherche de la vérité est permanente afin de faire face, en toutes occasions, à une décision arbitraire ou un abus du plus fort qui seraient contraires au bien commun fondé sur la loi naturelle dont Thomas d’Aquin disait « qu’elle est une ordination de la raison en vue du bien commun ».
Le grand philosophe René Girard pense que les Évangiles sont une théorie de l’homme avant d’être une théorie de Dieu. Dans le dépérissement des pensées modernes, les Écritures Saintes seraient-elles les seules à tenir debout ? Oui, je le pense.
Échange de vues
Rémi Sentis : Vous avez mentionné votre combat contre le mariage homosexuel, nous vous sommes gré de ce travail très important que vous avez accompli.
Mais ne pensez-vous pas que nous aurons une nouvelle difficulté avec l’Europe, plus exactement la Cour européenne de Strasbourg qui a l’air d’être très en pointe sur ce sujet ?
Jean-Marc Nesme : Je pense que sur ce sujet se profilent à l’horizon deux difficultés.
Ces revendications de l’adoption et du mariage homosexuel, comme d’ailleurs de la gestation pour autrui vont redevenir d’actualité à l’approche des élections de 2012, qu’elles soient législatives ou présidentielles.
Donc, avec mes collègues, on va être très vigilant et s’il faut réactiver l’Entente parlementaire, on le fera et je pense que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, en 2012, en tout cas dans une partie de la sphère politique, nous obtiendrons le même résultat.
Deuxièmement, vous avez raison de poser la question parce qu’on sent bien que le lobby en question existe d’ailleurs dans tous les pays de l’union européenne et qu’il coordonne leurs actions.
Je répondrais simplement une chose. Dans l’état actuel du droit et des différents traités européens, le droit de la personne et le droit de la famille sont de la seule compétence des États. Ce n’est pas une compétence transférée à l’Union Européenne.
Mais c’est vrai qu’il faut rester très vigilant pour les deux raisons que je viens de vous indiquer.
Il y a un piège qui nous est tendu en permanence de la part du lobby homosexuel : « vous nous discriminez ». Et dans le texte que j’ai fait adopter par une grande majorité de mes collègues députés et sénateurs, il y a un paragraphe concernant cette discrimination.
Voilà ce que ce paragraphe dit à propos de discrimination : « Sous prétexte de lutter contre une discrimination, il ne serait pas acceptable d’en créer une autre entre les ENFANTS. Il serait, en effet, établi par la loi que certains enfants pourraient grandir sur le socle de la relation à deux parents homme/femme ou père/mère et que d’autres seraient privés de cet atout, privés de ce lien fondamental reposant sur la lisibilité de leur filiation et sur le modèle de l’altérité. En tout état de cause, le principe de précaution, inscrit dans notre constitution, s’impose ».
« Il ne nous paraît pas conforme à l’INTÉRÊT DE L’ENFANT de permettre son inscription dans une filiation qui ne serait pas structurée sur l’altérité sexuelle des parents, et ce au risque de rendre sa généalogie incohérente et de l’exposer dangereusement à des difficultés d’identification et de structuration de sa personnalité ».
J’ai eu beaucoup de débats à la télévision, à la radio, avec les associations homo-sexuelles, notamment la plus importante en France : gay, lesbien, bi, trans… et quand je leur répondais sur cette discrimination entre les enfants, ils n’avaient aucune réponse.
Mais dans des combats aussi difficiles, il faut faire de la résistance.
Il faut en tout état de cause respecter les personnes qu’on a devant soi.
Je peux vous assurer que pendant de nombreux mois, on a cherché un ou des arguments permettant de m’envoyer devant la justice, pour discrimination. Un de mes collègues a connu cette situation.
Les associations homosexuelles m’ont dit : on ne trouve rien parce qu’on a le sentiment que vous nous respectez en tant que personne.
Dans les combats politiques et notamment sur les combats sociétaux, il faut d’abord être sincère. Il ne faut pas essayer de faire des coups politiques sur des sujets comme ça. Ça ne passe pas.
Le Président : Juste une petite remarque sur la sincérité.
En vous écoutant, j’ai particulièrement apprécié le lien que vous établissez entre liberté et vérité ; il est essentiel me semble-t-il. Mais vous associez aussi vérité et sincérité. Bien que j’ai été éclairé par ce que vous venez de dire sur la sincérité, je crains une certaine confusion : n’est-ce pas ambigu d’associer vérité et sincérité ? Ne risquons-nous pas d’avoir à faire à des personnes qui diront que c’est sur le même plan et qui, avec sincérité certes, défendrons l’indéfendable ?
Jean-Marc Nesme : Oui, mais ce n’est pas antinomique. En tout cas, pour moi, ça va ensemble.
Alors, le mot “sincérité”, on peut lui donner plusieurs significations. Moi, je vous ai parlé de la sincérité dans l’action politique
Si vous voulez faire un coup politique, vous allez dans la salle des Quatre colonnes, devant les caméras de télévision : vous pouvez faire un coup politique ! Vous pouvez dire quelque chose auquel d’ailleurs vous ne croyez pas du tout
Le Président : Je ne voyais pas les choses dans cette optique. Je veux seulement dire que nous pouvons être avec sincérité dans l’erreur.
Jean-Marc Nesme : Il vaut mieux être sincère dans la vérité.
C’est pour ça que je dis : dans le combat politique, pour arriver à faire passer ses propres arguments, il faut être sincère. C’est-à-dire qu’il faut que l’interlocuteur comprenne que ce qu’on lui dit, ça sort de ses tripes. Ce n’est pas un coup. C’est ce qu’on ressent au plus profond de soi-même.
Le Président : Merci de cette précision. Nous sommes en parfait accord.
Nicolas Aumonier : Je crois que vous venez de répondre à la première question que je voulais vous poser qui était un embarras de philosophe, au sujet de la langue de bois. J’ai bien aimé ce que vous avez dit sur la langue de bois comme marque de civilité.
Finalement, quand nous observons de l’extérieur les campagnes électorale, nous voyons bien que les arguments échangés à 20 h diffèrent beaucoup des arguments beaucoup plus apaisés, beaucoup plus intelligents entendus vers 23 h. Le métier politique ne semble-t-il pas imposer la langue de bois comme tentative d’unification de toutes ces différences ? Comment additionner, agréger des opinions si différentes en un vote sans utiliser la langue de bois ?
N’est-elle pas le prix à payer pour vivre en démocratie ?
Ma deuxième question porte sur un point d’actualité bioéthique. Votre action politique en faveur de l’enfance s’étend-elle à la défense des embryons surnuméraires ?
Ma troisième question concerne la loi du 17 janvier 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse. Une Assemblée nationale principalement composée d’hommes a répondu à la détresse de femmes qui ne souhaitent pas garder leur enfant d’une seule manière : la suppression de l’enfant, censée supprimer le problème. Mais les associations sur le terrain connaissent bien les souffrances psychologiques et morales des femmes qui ont choisi d’interrompre leur grossesse, bien souvent parce qu’aucune autre solution ne leur a été proposée que cette violence machiste légalisée. Des travaux, des initiatives parlementaires se préparent-ils pour apporter un peu de pluralisme en ce domaine, en ayant le courage politique de soutenir des solutions plus humaines ?
Jean-Marc Nesme : Je vais commencer par répondre à votre dernière question.
Nous en sommes, en France, à 250 000 avortements par an. Nous battons tous les records en Europe.
D’abord, il faut savoir que, dans le milieu médical, il y a de plus en plus de médecins qui font jouer la close de conscience face à l’augmentation vertigineuse des IVG. Dans certains départements aujourd’hui, les établissements qui pratiquent l’IVG sont de plus en plus rares, faute de praticiens qui acceptent de pratiquer l’IVG, systématiquement. Donc, dans le milieu médical, les interrogations sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus importantes, sur le fond.
Deuxièmement, je sens depuis un an ou deux, c’est tout à fait récent, et grâce notamment aux actions menées par diverses associations qui luttent contre l’avortement de confort, une interrogation croissante sur cette pratique et sur ses conséquences.
Grâce à ces association, le gouvernement et le Parlement, commencent à se demander quelles sont les structures d’accueil à mettre en place pour accompagner et aider la femme à accueillir son enfant et, ainsi, éviter l’avortement qui est toujours une source de détresse.
Cela n’a pas de traduction aujourd’hui sur le plan législatif, pas de traduction sur le plan réglementaire. Mais le mouvement associatif actuel va vers le bon sens.
Je pense aussi que, pour faire accélérer ce mouvement, les femmes qui ont fait l’objet de cette interruption, puissent également témoigner.
Il y a quelques semaines, on m’avait demandé de parrainer une remise de diplôme de l’ILH (Institut Léon Hamel). Et puis au moment de l’apéritif, une jeune femme s’est approchée de moi ; on ne se connaissait pas ; elle avait peut-être entendu parler de moi ; elle me dit : je veux vous parler. Elle m’a expliqué qu’elle avait été l’objet d’une interruption de grossesse et elle me dit : « j’ai envie de témoigner parce que j’ai un poids et je voudrais témoigner pour qu’on arrête cette pratique ».
Donc, on sent aujourd’hui un mouvement face à la détresse de nombreuses femmes qui ont eu une IVG.
Je vous rappelle que la loi Veil – je n’étais pas parlementaire à l’époque – autorise l’interruption volontaire de grossesse, non pas pour des raisons du confort, pour des raisons médicales pour l’enfant ou la mère.
C’est après, en application de cette loi que l’on a commencé avec les dérives. Et un des dangers, quand on légifère, c’est de ne pas se rendre compte des dangers pour les années futures.
Il y a eu un combat à l’Assemblée Nationale à l’époque, c’est vrai. Mais je suis bien convaincu que les parlementaires de l’époque n’imaginaient pas qu’il y aurait 250 000 IVG aujourd’hui en France, et de plus en plus souvent chez des mineures.
Je veux dire par là que, quand on adopte un texte, il faut non seulement penser au moment présent mais aussi bien réfléchir aux conséquences de ce texte pour les années suivantes.
Alors, votre deuxième question concerne les embryons sur-numéraires.
Je vais être honnête avec vous ; pour le moment, je n’ai pas de réponse à la question : que faut-il faire des embryons surnuméraires.
J’ai lu beaucoup à ce sujet, y compris le texte de la conférence des Évêques. Je n’ai trouvé aucune réponse si ce n’est d’interdire la recherche sur l’embryon et d’en faire un objet de laboratoire. Je partage cette position.
Toutes les manipulations sur l’être humain ne sont pas sans conséquences pour l’avenir.
Imaginons un instant qu’on légalise la gestation par autrui. On met à bas tout le droit de la famille et de la filiation. L’on considère, en Droit, que la mère de l’enfant est celle qui accouche de l’enfant.
Autrement dit, si on légalise la gestation pour autrui, on fait tomber un pan entier du droit de la famille tel qu’il existe aujourd’hui, mais je dirai aussi un pan entier de l’anthropologie humaine et de la cohérence généalogique.
On a auditionné, pour la révision des lois de bioéthique, un couple qui a bénéficié de la gestation pour autrui. Mais visiblement, ce couple n’avait aucune notion de ce qu’est la filiation, de ce qu’est la généalogie, de ce qu’est l’anthropologie.
J’ai demandé à cette dame : « Madame, quelle est la mère de votre enfant ? » Alors, elle m’a répondu : « C’est comme une adoption ». Non ! Au sens juridique du terme l’adoption permet de donner une famille à un enfant. Or la gestation pour autrui est de donner un enfant à une famille. Ce n’est pas la même chose ! L’enfant devient un objet dans le deuxième cas, pour satisfaire une famille.
Je comprends parfaitement qu’une famille qui ne peut pas avoir d’enfant, ce soit douloureux. Mais il y a l’adoption pour cela. Il y a des enfants orphelins qui méritent d‘avoir une famille.
Et on peut très bien répondre à la douleur de ces parents qui ne peuvent pas avoir d’enfant par la voie de l’adoption. On donne une famille à un enfant et non pas l’inverse. C’est notre corpus juridique.
C’est pour cela que je dis qu’il faut prendre énormément de recul par rapport à tous ces problèmes, non seulement en prenant en compte la problématique compassionnelle, mais aussi bien réfléchir aux conséquences pour la société.
C’est mon quatrième mandat de député. Les deux dernières élections pour moi furent difficiles. Et, j’ai gagné parce que je me suis prononcé clairement sur un certain nombre de sujets sociétaux.
Nos compatriotes – je le constate depuis quelques années déjà – et cela va crescendo, attendent, veulent avoir devant eux des responsables politiques qui disent les choses comme ils les pensent, clairement, sans vouloir passer à travers les gouttes, sans langue de bois, avec sincérité.
Les gens sentent la langue de bois. Ils sentent quand les élus ne sont pas sincères. Et ils n’ont pas confiance.
Vous citiez le musée eucharistique. La commune de Paray-le-Monial est sans doute la seule commune qui ait mis près de 4 millions d’euros pour rénover un musée eucharistique. C’est à dire un musée de civilisation, 2000 ans d’histoire du christianisme. Et des personnes de ma liste, au moment de ma campagne électorale, me disaient : « mais il ne faut pas annoncer ce projet ! Je n’ai pas calé ; on a mis noir sur blanc le programme : rénovation du musée eucharistique qui était la propriété de l’évêché. Cela ne nous a pas empêchés d’être élus au premier tour, avec 65 % des voix.
Je dis à des jeunes qui voudraient se lancer aujourd’hui dans la vie politique : « Soyez vous-mêmes. Ne cherchez surtout pas à vouloir satisfaire 100 % des gens. Ce n’est pas possible. » Et les gens attendent du responsable politique qu’il soit lui-même. Même s’ils n’approuvent pas telle ou telle thèse, mais quand ils sentent qu’ils ont devant eux, un homme ou une femme qui est sincère, qui ne cherche pas à passer à travers les gouttes, qui n’a pas la langue de bois, cela rassure les gens.
Et à une époque où les gens sont désenchantés, ils cherchent des repères ; ils cherchent du sens. Ce n’est pas avec la langue de bois qu’on va le leur donner !
En tout cas, j’arrive à la fin de ma carrière politique, je ne suis pas un jeune poulet de l’année, mais c’est vraiment une leçon que je retire de mes 4 mandats de député, de mes quatre mandats de maire, de mes trois mandats de conseiller régional.
Quant il y a des jeunes qui viennent me trouver, c’est le langage que je leur tiens : soyons nous-mêmes, surtout ne suivez pas les modes. Sinon, vous êtes prisonnier. Vous n’avez pas à être prisonnier, vous êtes libres !
Le seul moyen d’être libre, c’est de bosser d’abord, c’est de réfléchir, c’est de lire. Souvent, je leur dis : « lisez le dernier bouquin de René Girard, vous aurez tout compris sur les conflits qui peuvent exister dans le monde, les querelles qui peuvent exister en France ou à l’intérieur des autres pays. ».
Il y a aussi les Écritures Saintes, bien sûr. Et Girard en parle excellemment bien. Alors en lisant « je vois tomber Satan comme un éclair », l’on comprend les problématiques humaines.
La théorie de René Girard tourne autour de deux notions, la théorie du bouc émissaire et la théorie du mimétisme. Avec ces deux théories, vous comprenez les conflits qu’il y a dans le monde. Vous comprenez les tensions sociales dans les pays, y compris le nôtre.
René Girard va très loin lorsqu’il dit que les Écritures Saintes, c’est avant tout une théorie de l’homme avant d’être une théorie de Dieu. Dans le dépérissement des pensées modernes, les Écritures Saintes sont les seules à tenir debout depuis 2000 ans.
Jean-Paul Guitton : C’est un réel plaisir de vous écouter et, si c’était nécessaire, vous nous réconcilieriez avec la vie parlementaire : selon vos propres mots, « il ne faut pas désespérer des parlementaires ! »
Je voudrais cependant vous inciter à manquer un instant à la charité chrétienne, et vous faire réagir sur une certaine vision du parlementaire qu’a l’homme de la rue : en politique, la vérité c‘est ce qui réussit ! D’ailleurs vous-même ne nous avez-vous pas dit : « en politique la vérité n’est jamais un acquis définitif » ?
Faudrait-il en conclure que la vérité, cela change ? Ce qui est tenu pour vrai un jour, ne l’est plus dans d’autres circonstances, notamment après un changement de majorité. Cela renvoie par exemple à la fameuse déclaration d’André Laignel à l’opposition : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires ! ». Il faut reconnaître que, démocratiquement, il n’avait pas tort.
Je me réfèrerai enfin à Mgr Rouet qui, dans un livre récent, raconte avoir un jour été questionné par un élève de seconde qui lui a dit : « vous ne pouvez pas dire la vérité, vous êtes obligé de dire la parole de votre parti ». Certes Mgr Rouet n’appartient pas à un parti, mais voilà comment les jeunes de 15 ans voient les politiques (… et accessoirement l’Eglise !).
Henri Lafont : Je voudrais faire deux observation à la réponse que vous avez faite à Nicolas Aumonier.
D’abord votre intervention sur les embryons sur-numéraires.
Vous avez dit : « Je n’ai pas de remède ». En effet, ceux qui existent sont actuellement dans des congélateurs où il n’y a pas de réponse. Vous n’êtes donc pas le seul à ne pas avoir de réponse.
Mais il y a quand même une réponse à donner au problème des embryons sur-numéraires : c’est de ne plus en fabriquer, ce qui est parfaitement possible, ce qui se fait déjà dans deux pays d’Europe, je crois, l’Allemagne et l’Italie.
Cela, il faut le dire et insister car, à tout point de vue, ne féconder qu’un ou deux ovocytes transférés sur la femme, cela n’oblige pas à une préparation hormonale coûteuse et sévère telle qu’on la fait actuellement, et cela permet, s’il y a eu échec, de renouveler sans médication extrêmement traumatisante.
Ma deuxième remarque : vous êtes longuement intervenu sur l’entrée dans la vie parlementaire et les responsabilités que cela donne. Pour la loi Veil, j’ai un peu tiqué quand vous nous avez dit : « On n’a pas réfléchi aux conséquences ».
J’ai participé à ce combat acharné sur la vie entre 1972 et le 25 décembre 1974 ; tout a été dit sur les conséquences futures, tout a été imaginé et tout s’est passé comme prévu.
Mais ce qui s’est passé, c’est qu’au parlement, on a vécu dans le mensonge intégral, et notamment sur le nombre d’avortements clandestins. Par conséquent, je crois qu’il faut le dire, la vérité n’est pas toujours reçue au Parlement comme elle devrait l’être et on ne fait pas assez la chasse aux mensonges.
Catherine Rouvier : D’abord, je vous remercie pour ce remarquable exposé. J’ai beaucoup aimé cette notion d’ »humanité durable », en quelque sorte, que vous avez développée.
Sur la liberté d’expression au sujet de la possibilité d’adoption par des parents homosexuels, malheureusement, en tant que juriste, je ne partage pas tout à fait votre optimisme.
Vous avez rappelé le cas de votre collègue Christian Vanneste. Il se trouve en effet que la Cour de cassation a tranché en sa faveur. Par ailleurs vous avez raison de dire que les politiques familiales, ce n’est pas encore du ressort de l’Europe.
Néanmoins, il y a au niveau européen le principe de non-discrimination et il y a surtout, en France, la loi de 2004 contre l’homophobie.
Alors, quand vous dites : « l’adoption par les couples homosexuels fera une discrimination entre enfants, entre ceux qui auront effectivement une famille composée d’un homme et d’une femme, donc d’un père et d’une mère au sens classique du terme et les enfants qui ne l’auront pas », si on vous dit : » en quoi la situation d’un homme et d’une femme ou deux hommes ou deux femmes est négative ? » qu’allez-vous répondre qui ne constitue pas un « jugement négatif » au sens de la loi ?
Jean-Marc Nesme : Certaines s’appuient sur des études américaines en disant : il n’y a pas de différence pour les enfants. Ces études faites aux États-Unis, ont été commandées et financées par le lobby homosexuel. On est en droit de douter de leur objectivité.
Inversement, quand vous interrogez les éducateurs, les pédiatres, les psychologues, etc. La très grande majorité dit qu’un enfant se construit sur l’altérité. L’adulte aussi se construit sur les différences, toute sa vie. L’apprentissage de la différence et le respect de la différence, c’est la première étape de l’épanouissement de l’enfant.
Catherine Rouvier : Nous en sommes convaincus ! Simplement, est-ce que vous ne risquez pas de vous retrouver devant un tribunal parce que vous exprimez une idée négative de l’influence d’un couple d’homosexuel sur l’enfant ?.
Jean-Marc Nesme : Non, ce qui m’intéresse, c’est l’intérêt des enfants.
C’est toujours ce que j’ai répondu. J’ai même participé à un débat sur la chaîne de télévision “Pink TV”. Ce n’a pas été facile, je peux vous le dire, parce que le public ne m’était pas acquis. Cela s’est bien passé. Je n’ai défendu que l’intérêt des enfants. Je n’ai pas défendu l’intérêt des adultes ! J’ai défendu l’intérêt du plus faible.
Et l’altérité, parmi beaucoup d’autres arguments, c’est un argument qui, à mon sens, est incontestable L’altérité des parents dans l’intérêt de l’enfant, c’est incontestable ! C’est la nature humaine ! C‘est la loi naturelle.
Catherine Rouvier : S’il s’agit d’adoption, vous pouvez justifier votre refus par l’intérêt de l’enfant , mais pas quand il s’agit du « mariage » homosexuel…..
Jean-Marc Nesme : Si, Madame ! Le mariage est une institution avant d’être un contrat. Le Pacs, c’est un contrat, ce n’est pas une institution.
Le mariage est une institution constituée d’un homme et d’une femme, comme l’indique le Code Civil. Si on veut mettre à bas une institution dans notre pays, on est libre de le faire mais ce ne sera pas sans conséquences sur la société.
J’ai dit lors d’un débat, je crois que c’était sur “canal +” au porte-parole de LGBT : « si on vous suit bien, pourquoi ne pas légaliser la polygamie ? Depuis 2 000 ans, notre droit est fondé sur des critères : un homme et une femme créent une famille composée d’enfants.
Pourquoi ne pas légaliser l’adultère ? Si on met le doigt dans l’engrenage, en légalisant le mariage et l’adoption homosexuels , on risque d’ouvrir la boîte de Pandore et de créer une société éclatée.
Catherine Rouvier : Certes mais ne le déconstruit on pas lorsque même les textes touchant à la famille aujourd’hui ne définissent plus le couple comme“un homme, une femme” mais comme l’ »union de deux personnes » ?
Jean-Marc Nesme : Je ne dirai jamais “oui” !
Je n’ai pas parlé de vérité variable. J’ai parlé de la difficulté de l’atteindre en politique parce que les événements qui nous entourent sont changeants. Et cela va très vite. C’est lié à la société de communication et à la mondialisation dans lesquelles nous vivons.
La vérité ne change pas, par contre il est de plus en plus difficile de l’atteindre parce que l’environnement, le contexte sont de plus en plus changeants et que nous sommes l’objet de pressions. Je vous ai notamment cité la pression médiatique, celle des lobbies financiers et de beaucoup d’autres courants de pensée qui sont très présents dans la sphère politique et notamment le déconstructionnisme.
Je dis souvent à des collègues plus jeunes que moi, qui viennent d’être élus, que pour tenir debout et droit, il faut avoir soi-même des repères sinon, on peut vaciller très facilement si on n’est pas solide, si on n’a pas soi-même des repères… J’ai des repères, vous l’avez bien compris. Je ne suis pas tout seul. Là aussi, ne désespérez pas de la classe politique.
À l’Assemblée nationale, je pense que nous constituons un noyau de 30 à 40 parlementaires qui se retrouvent très souvent chez le Père Matthieu Rougé, qui est le Directeur du Service Pastoral d’Études Politiques. Donc, je ne suis pas tout seul. Par contre, ce que je constate – et ce n’est pas propre au Parlement – c’est l’inculture religieuse ! A fortiori chez les adolescents, c’est grave ! Ils ne savent pas ce qu’est une église, pourquoi une église a été construite.
Et si les gens, dans le futur, ne comprennent pas les raisons pour lesquelles tel édifice a été construit, pourquoi telle peinture représente tel sujet, etc, vont-ils comprendre l’environnement dans lequel ils vivent ? Mettre dans l’Enseignement, l’éducation obligatoire des faits religieux, était déjà un progrès. C’était vers 2003.
La grande difficulté en ce domaine, c’est que l’Éducation Nationale ne trouve pas d’enseignant formé pour cela.
Séance du 6 mai 2010