Pascale Morinière, Présidente de la Confédération Nationale des AFC, médecin

 

Marie-Joëlle Guillaume[1]

Chers amis, avant de céder la parole à Antoine Renard, membre de notre Conseil, qui va se faire une joie de vous présenter Pascale Morinière, je voudrais dire à notre invitée tout le plaisir que nous avons de l’accueillir ce soir. Chère Pascale, nous vous accueillons en tant que personne, il va être question dans un instant de votre personne, mais c’est aussi une association amie que nous accueillons à travers vous. Or dans l’histoire chrétienne de la France au XXe siècle, les AFC, ce n’est pas rien. C’est donc à la fois une joie, un honneur et quelque chose de très significatif que, dans un programme d’année lourd en enjeux sur la transmission de la vie et ses implications démographiques, anthropologiques et sociales, vous partagiez avec nous le regard des Associations familiales catholiques. Mais je n’en dis pas plus, pour ne pas empiéter sur les propos de notre ami Antoine.

Présentation par Antoine Renard[1]

Merci madame la Présidente de la joie qu’en effet vous me donnez, en me confiant le soin de présenter une autre présidente, à qui me lie une amitié de plus de quarante ans. Cette amitié a dû commencer par l’accueil de Jean-Paul II au Parc des Princes puis au Bourget, et quelques années plus tard à Lourdes, aux côtés du ministre de l’Intérieur Gaston Defferre qui cherchait désespérément quelques sous dans sa poche pour honorer la quête… C’est une occasion de souligner la qualité des amitiés qui se nouent dans la cadre du scoutisme, “la plus universelle de fraternités de jeunesse” selon Pierre Rosanvallon, qui s’affranchit tout autant des différences sociales que des écarts d’âge ; notre oratrice est douée pour entretenir l’amitié, dont la maturité est savoureuse, et nos familles lui en sont reconnaissantes.

Chère Pascale, tu te présentes habituellement d’abord comme épouse et mère de trois enfants. Avec François, après la naissance et le début d’éducation de vos deux filles qui vous réjouissent profondément, vous décidez d’adopter un petit garçon, Cyril, un Géorgien, et découvrez les difficultés, mais aussi la grande joie de l’adoption, et en même temps les souffrances du handicap ; permets-moi de dire ici que vous êtes la preuve qu’avec beaucoup d’amour on peut changer des vies, changer le monde.

Mais tu es aussi médecin ; tu as exercé comme médecin généraliste en grande banlieue pendant dix ans, en Protection Maternelle et Infantile et en médecine scolaire, toutes expériences qui nourriront tes engagements ultérieurs.

Car tu es enfin championne en bénévolat ; entrée très jeune chez les SUF où tu as été jeannette, guide, cheftaine de guides, puis membre de l’Equipe nationale Guide, tu te vois proposer la responsabilité de Commissaire louveteaux ; comme tu as l’avantage de ne pas connaître, tu adoptes une méthode que tu utiliseras régulièrement : quand on ne sait pas, on s’informe, pour s’informer, on lit (Baden-Powell, Vera Barklay…), on rencontre, on discute, on partage, on comprend, et après seulement on agit.  Comme cela manquait, tu rédiges toi-même les Signes de piste pour les petits : quatre magnifiques petits tomes racontent les aventures de La sizaine des Bruns sur les traces de saint François, avec ce qu’il fallait de jeu, d’équipe, de mystère, d’engagement, de spiritualité, tout ce qu’il faut pour faire un homme,  tout ce qui, de l’enfance, devra rester dans le coeur d’un homme quand il sera entrepreneur, général, évêque … et surtout  père de famille.

Une petite pause pour épouser François et élever vos premiers enfants, et tu es vite rappelée au Conseil National des SUF dont tu seras vice-présidente de 1998 à 2009, aiguillon du conseil et plume du président : on te doit nombre des rapports annuels de la période.

En 2007 tu es appelée par ton mentor Gérard Bouet et sollicitée par les AFC pour prendre en charge le secteur éducation. Tu donnes un nouvel essor aux Chantiers Éducation, une activité phare du mouvement, et comprends très vite qu’un enjeu important à côté duquel nombre de familles sont malheureusement passées parce qu’elles se sentaient peu outillées, c’était l’éducation relationnelle, affective et sexuelle. Avec Laura Bertail vous rédigez Lucas et Léa, le cours de la vie, récit d’un riche dialogue au cours duquel un jeune garçon demande pour ses neuf ans à être informé des conditions de sa naissance :  les mots sont précis, le langage est clair… les parents sont enthousiastes. Il en sera fait une série de vidéos visibles sur le site internet, puis les modules de formation Grandir et Aimer.

Tu deviens vice-présidente en 2011 pour l’épopée du « mariage pour tous », puis élue présidente en 2019, et j’observe avec amusement que les féministes radicales, auxquelles il doit rester deux sous d’intuition féminine, ont manqué de célébrer la première accession d’une femme à la présidence de l’ancienne Association Catholique des Chefs de Famille.

Présidente des AFC, tu entreprends pendant ces cinq premières années de multiples initiatives pour relancer la machine, rajeunir tout l’ensemble, chose faite puisque nombre de présidents d’AFC aujourd’hui sont dans la quarantaine. Tu organises les premières “Familiades”, sessions d’été pour parents et enfants, lances les AFC jeunes puis AFCélib pour les jeunes adultes, et deviens chroniqueuse régulière sur RCF et Radio Notre Dame, et rédacteur dans la revue Capital Social de notre ami Joseph Thouvenel. Tu relances un groupe de travail sur le renouveau de la politique familiale, et crée une Fondation des AFC pour trouver les moyens nécessaires au développement des chantiers, à l’organisation d’un colloque annuel (le premier sur la démographie s’est tenu l’an dernier), et la création d’un laboratoire d’idées.

A la tête d’un mouvement rénové, grâce à tes talents, ton initiative, ta fermeté, ta capacité d’entraînement, ton sourire derrière lequel se cachent de petits yeux malicieux qui savent provoquer, y compris chez le président de la République auquel tu as fait tenir des propos qu’un président ne devrait pas tenir, tu interpelles parlementaires, ministres et évêques avec constance.

Il était donc tout naturel que notre Académie souhaite t’entendre, dans le cadre de son année consacrée à “La transmission de la vie : un défi aujourd’hui”.

Notre pays a longtemps été admiré et envié pour sa politique familiale et le dynamisme de sa natalité ; ce n’est plus vrai et la situation se dégrade rapidement.

Alors, chère Pascale, après dix ans dans la médecine, dix ans à la vice-présidence des SUF, et cinq ans à la présidence des AFC, nous sommes peut-être à mi-parcours, sur quels chemins allons-nous te suivre ? quelles seraient aujourd’hui les décisions politiques bénéfiques pour les familles, favorables à l’accueil des enfants, acceptables par l’opinion publique et soutenables par les décideurs politiques qui mériteraient d’être promues ?

[1] Membre du Conseil de l’AES

 

 

[1] Présidente de l’AES

 

 

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COMMUNICATION

 

Introduction

Madame la Présidente, mesdames et messieurs les académiciens, recevez toute ma gratitude pour m’avoir invitée à m’exprimer devant vous et tenter de répondre à la question : « Quels points d’appui pour une politique de la famille et de la natalité aujourd’hui en France ? »

Votre invitation est un honneur et une reconnaissance de l’expertise des Associations Familiales Catholiques qui au sein de l’UNAF (l’Union Nationale des Associations Familiales) contribuent depuis quatre-vingts ans à « défendre les intérêts matériels et moraux des familles présentes sur le territoire français », ainsi que l’indiquent ses statuts.

Les AFC, elles, portent la triple mission de promouvoir la famille, de la représenter dans les institutions et dans les lieux de décision sociaux et économiques et de rendre des services aux familles. La vision des AFC est celle de la pensée sociale de l’Eglise pour la famille et la société. Nous portons tout cela à travers nos 280 associations locales et grâce à nos 22 000 familles adhérentes, présentes sur tout le territoire français jusqu’en Outre-Mer.

Lorsque tout se passe bien, il s’établit un échange vertueux entre les familles et la société : la société donne les meilleures conditions de vie possibles aux familles, tout en respectant leur autonomie. Les familles, elles, apportent à la société de la vitalité et de la cohésion : de la vitalité parce qu’elles mettent au monde une nouvelle génération, et de la cohésion parce qu’elles humanisent et socialisent chaque nouvel être humain, rendant ainsi possible la vie en société.

Il me semble que la politique familiale est très exactement ce qui facilite cet échange vertueux ! Elle est classiquement soutenue par deux principes : l’universalité et la pérennité.

L’universalité la différencie d’une politique sociale palliative ou curative. La politique familiale, elle, est préventive et repose sur la solidarité horizontale entre les ménages sans enfant et les ménages chargés de famille. Question d’équité. La politique sociale a pour objet de venir en aide aux plus démunis de la société. Elle traduit la solidarité verticale et opère une redistribution des ménages aisés vers les ménages à revenus modestes. Question de solidarité.

Quant à la pérennité, elle est indispensable pour que les familles aient une vision claire et assurée sur la vingtaine d’années qui suit la naissance de leur enfant. La pérennité traduit la dimension d’investissement inhérente à la politique familiale.

 

J’ajouterai la lisibilité, indispensable pour rendre toute réforme compréhensible par le grand public et améliorer les taux de recours.

La politique familiale met en œuvre quatre objectifs :

  • Deux objectifs historiques :
  • Permettre le renouvellement des générations (2,1 enfants par femme sont nécessaires, mais le taux n’a été que de 1,68 en 2023 et cela fait cinquante ans que nous sommes en dessous du seuil de renouvellement des générations). Nous avons perdu 100 000 naissances entre 2012 et 2022 mais 48 000 rien qu’entre 2022 et 2023 – ce qui représente la ville d’Albi !
  • Maintenir le niveau de vie des familles qui choisissent d’accueillir des enfants, par rapport à celles qui en auraient moins ou pas du tout.

 

  • Depuis les années 90, deux objectifs s’y sont ajoutés, liés aux évolutions de la société :
  • Permettre la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle,
  • Soutenir les parents dans leurs tâches éducatives.

La politique des berceaux, c’est-à-dire la politique en faveur de la natalité est donc au cœur de la politique familiale mais n’est pas, au moins dans notre pays, une politique nataliste.

Les politiques natalistes revendiquées ont eu le vent en poupe très longtemps jusqu’après la Seconde guerre mondiale, puisqu’il s’agissait encore selon de Gaulle en 1945 « d’appeler à la vie les douze millions de beaux bébés qu’il faut à la France. » La DSE rappelle (n°234), elle, que « seuls les époux peuvent juger de l’intervalle entre les naissances et le nombre d’enfants à procréer. C’est leur droit inaliénable, à exercer devant Dieu, en considérant leurs devoirs envers eux-mêmes, envers les enfants déjà nés, la famille et la société. »

Il me semble d’ailleurs qu’on ne peut pas déplorer les politiques coercitives et malthusiennes comme celle de l’enfant unique en Chine (1979 à 2015) et soutenir une politique nataliste : ce sont les deux versants d’un même travers !

La notion de « désir d’enfant » est certainement plus juste pour développer des politiques de soutien à la natalité. Elle permet de sortir du débat néo-malthusien des féministes ou des écologistes d’une part, comme des tentations natalistes qui contreviennent à la dignité de la personne et à l’autonomie des parents, d’autre part.

Enfin, après les principes et les objectifs de la politique familiale, il me semble utile de vous donner ses instruments d’action pour que le cadre de notre réflexion soit tout à fait complet :

  • Le quotient familial qui a pour but de tenir compte des charges de famille pour l’établissement de l’impôt sur le revenu ;
  • Les Allocations familiales versées à toutes les familles indépendamment de leurs ressources ;
  • Des prestations spécifiques liées non aux ressources mais à la spécificité de certaines familles (familles ayant des enfants handicapés par exemple) ;
  • Des mécanismes destinés à favoriser la conciliation de la vie familiale et professionnelle ;
  • Des mécanismes de soutien à la parentalité.

Pour répondre à la question de cet exposé, je vous propose de revisiter les quatre objectifs de la politique familiale pour regarder où pourraient porter les efforts de l’exécutif ou des législateurs.

  1. Permettre le renouvellement des générations

Ce n’est plus le cas depuis cinquante ans mais ce phénomène s’est accéléré sur un temps relativement court, ces dernières années. Quelles en sont les conséquences ?

a. Faut-il soutenir la natalité ?

Une natalité tonique répond à quatre besoins : le désir d’enfants des familles, la nécessité de faire perdurer notre modèle social, les besoins de l’économie, le moral, l’optimisme de la nation.

  • Le désir d’enfants

On comprend aisément que s’appuyer sur le désir d’enfants des parents est un argument précieux en matière de communication à l’époque de l’absolutisation du désir. C’est quasiment irréfutable même par les féministes !

L’UNAF a pris l’habitude de chiffrer à intervalles réguliers le désir d’enfants des Français. En 2011 comme en 2020, il était de 2,39 enfants par Français. En 2023 il était en légère baisse, ayant été évalué à 2,27 enfants.

En 2011, l’indice de fécondité était de 2,01 enfants par femme, en 2020, il est passé à 1,87 et en 2023 à 1,68 enfant par femme.

La différence entre le désir d’enfant et la réalisation de ce désir a augmenté dans le même temps. Elle correspond à la différence entre le désir d’enfant et l’indice de fécondité : 0,38 en 2011, 0,52 en 2020, 0,61 en 2023.

Tout se passe comme si les Français souhaitaient avoir des enfants mais ne pouvaient, et de moins en moins, réaliser ce souhait. Autrement dit, cette différence traduit la perte d’efficacité de la politique familiale.

Je ne reviens pas sur les causes de la dégradation de la politique familiale ni sur le lien entre natalité et politique familiale qui ont été présentés par le recteur Gérard-François Dumont.

  • La nécessité de faire perdurer notre modèle social

Le premier à avoir rendu compte de cette question de manière argumentée est François Bayrou[i]  qui a publié en mai 2021 une note du Haut-Commissariat au Plan « La démographie, une clé pour préserver notre modèle social », dans laquelle il appelait à un nouveau pacte démographique afin de préserver notre système fondé sur le « tous pour chacun ».

Il soulignait, chiffres à l’appui, que notre modèle est fondé sur la solidarité entre les générations, pour les retraites bien sûr et aussi pour les autres branches de la sécurité sociale. C’est le choix généreux que notre pays a fait à l’issue de la seconde guerre mondiale en créant un pacte solidaire entre tous les Français. Cette solidarité n’est possible qu’avec une pyramide des âges équilibrée. Si en 1960, une retraite était soutenue par 4 actifs, elle est aujourd’hui soutenue par 1,7 actifs. C’est aussi le cas pour la branche maladie et la branche autonomie à laquelle les plus jeunes contribuent pour les plus âgés. En revanche, pour la branche familles, ce sont plutôt les jeunes foyers en charge de famille qui sont bénéficiaires.

  • Notre dynamisme économique

La question de la natalité a des conséquences sociales mais aussi des conséquences économiques directes. Le Professeur Jean-Didier Lecaillon vous a éclairés sur ce sujet. Un pays qui se développe construit des crèches, des écoles, des hôpitaux, investit dans tous les champs de la vie de la nation.

La dynamique inverse est déjà à l’œuvre. Par exemple, selon le ministère de l’éducation nationale qui a publié deux études début 2023, le nombre d’élèves allait diminuer de 400 000 en primaire et de 110 000 dans le secondaire entre 2023 et 2027[ii] essentiellement en raison de la chute démographique.

  • Le moral de la nation

Une nation avec une natalité dynamique se projette dans le futur, imagine, se donne du mal pour les jeunes générations. A l’inverse, un pays avec une pyramide des âges déséquilibrée a davantage le regard vers le passé et muséifie son histoire. Avec des commémorations mémorielles à outrance et de la repentance …

Le dilemme aujourd’hui, présenté par François Bayrou dans son étude, consiste entre un soutien à la natalité vu comme très onéreux, et l’accueil d’une population étrangère adulte directement employable et donc contribuant immédiatement au système économique et social.

Outre le fait que les récents débats sur la loi immigration ont montré que les Français y étaient globalement opposés, sans mettre en place une immigration choisie, directement employable et donc manquant aux pays d’origine, ce n’est pas imaginable. On connaît l’échec de cette politique en Allemagne, par exemple. Même l’Institut Montaigne ne soutient plus l’idée selon laquelle l’immigration bénéficierait à l’économie française. Et nous connaissons le coût social et culturel de la pression migratoire inégalée atteinte aujourd’hui en France. La politique familiale ne peut se développer sans une politique migratoire réaliste quant aux capacités d’accueil et d’intégration de notre pays.

L’exécutif n’a pas tranché entre politique migratoire et politique familiale.

b. Comment soutenir la natalité ?

Il faut écouter les familles !

Les AFC ont fait une étude en juillet 2023 avec Jérôme Fourquet, directeur de l’IFOP, pour comprendre pourquoi les Français renonçaient à avoir un enfant ou un enfant de plus. Nous avons sondé un groupe de 2000 personnes de moins de 50 ans et retenu celles (300) qui avaient renoncé à avoir un enfant ou un enfant de plus. Les raisons du renoncement sont citées en fréquence comme suit (3 causes pouvaient être données) ou par ordre de priorité (en rouge) :

  • Des difficultés d’accès ou de coût des modes de garde 8
  • Des difficultés économiques ou d’emploi 1
  • Le fait d’être seul 2
  • Des raisons de santé 3
  • Un désaccord du conjoint 5
  • La crise climatique 5
  • En raison de problèmes de fécondité 3
  • Séparation d’avec le conjoint 7

Retenons les premières causes invoquées par les parents. Ils attendent un soutien à l’emploi avec des salaires décents et des aides financières, des modes de garde accessibles, un soutien quant à la santé et la fécondité. Le phénomène des no kid bénéficie d’une attention surestimée.

Nous avons déjà là des pistes concrètes d’amélioration.

  1. Maintenir le niveau de vie des familles qui choisissent d’accueillir des enfants.

a. Simplifier

C’est le rôle du Quotient Familial pour les familles qui ont un niveau de vie suffisant pour être soumises à l’impôt et celui des Allocations familiales pour les familles ayant un niveau de vie plus faible. Mais pas seulement ! De nombreuses aides existent pour aider les familles au plus près des besoins identifiés, chacune avec des périmètres différents créant un maquis très complexe. Jean Benoît Dujol, DG de la Cohésion sociale, lors d’une réunion sur la monoparentalité au ministère des familles, reconnaissait avec fatalisme, le 29 mars dernier, que cette complexité allait jusqu’à entraîner des difficultés de lisibilité et même de recours pour les familles bénéficiaires.

b. Ne pas détourner la politique familiale et l’indexer sur les salaires

Si la politique familiale est née pour tenir compte des charges familiales dans la rémunération des salariés, le gouvernement ne s’en est vraiment emparé dans les années 1930 que pour des raisons natalistes. Les détournements restent une tentation récurrente ! Plus récemment, ils consistent à utiliser la politique familiale pour lutter contre la pauvreté, réduire les inégalités homme-femme, centrer les aides sur les familles monoparentales ou utiliser la branche famille (excédentaire) pour diminuer les déficits ou charges des autres branches de la sécurité sociale.

Comparées aux salaires, et notamment au SMIC, les allocations familiales ont, en trente ans, perdu les deux tiers de leur valeur. Il y a une sous-indexation des prestations familiales depuis 7 ans dans le PLFSS, à rebours de ce que stipule le code de la SS (indexation sur le coût moyen des biens de consommation).

Le HCFEA (Haut Conseil de la famille) a d’ailleurs évalué que la « revalorisation des plafonds et seuils de ressources des prestations familiales entre 1998 et 2019 était inférieure de 4% à l’inflation, de 17% à l’évolution du niveau de vie moyen et de 21% à celle du salaire moyen »[iii].

c. Ne pas donner les Allocations familiales au premier enfant

On préconise de plus en plus de donner des allocations familiales dès le premier enfant. Cela aboutirait à lisser ces allocations quel que soit le rang de l’enfant, sous forme de forfait pour chacun des enfants de la famille ; et donc à centrer les Allocations familiales sur l’enfant et non sur les besoins de la famille. Par principe, une politique familiale ne peut s’accommoder de l’individualisation des droits ou des aides, car la famille est un tout.

Or, le niveau de vie des ménages diminue en moyenne lorsque le nombre d’enfants augmente : le taux de pauvreté est quasi équivalent pour les familles monoparentales et les familles de 3 enfants et plus. Il est plus juste d’aider les familles en fonction de leurs besoins, c’est-à-dire les familles nombreuses et les familles monoparentales qui sont les deux types de familles pauvres.

Nous préconisons de simplifier les différents types d’aides financières, de garder des aides selon le rang de naissance, de soutenir en priorité les familles nombreuses et les familles monoparentales.

  • Rétablir le principe d’universalité (2015) et supprimer la mise sous conditions de ressources des allocations familiales ;
  • Remonter le plafond du quotient familial à 2500 € par demi-part (Il est de 1759 €) ;
  • Familialiser la CSG ;
  • Instaurer une progressivité du montant des allocations familiales en fonction de l’âge pour tenir compte de la variation des charges liées à l’éducation et jusqu’aux 22 ans de l’enfant ;
  • Indexer les prestations familiales sur les salaires plutôt que sur l’inflation ;
  • Supprimer tout ou partie des droits de mutation quand la famille s’agrandit ;
  • Attribuer des pensions de retraite équitables tenant compte de l’investissement des familles qui élèvent des enfants (compenser en partie les moindres revenus et/ou capacité d’épargne des familles ayant élevé des enfants) ;
  • Réserver les excédents de la branche famille à la branche famille.

 

  1. Conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle

Il nous faut ici discuter du bien-fondé du « congé de naissance » annoncé par Emmanuel Macron le 16 janvier et le 7 mai 2024. Ce sujet est intimement lié à celui de la natalité puisque c’est la seconde cause en fréquence de citation pour les parents ayant renoncé à un enfant. Quand on interroge, comme nous l’avons fait dans notre étude IFOP[iv], les parents qui ont renoncé à avoir un enfant ou un enfant de plus, la moitié (48%) aurait fait un autre choix s’ils avaient pu prendre un congé parental. Parmi eux, 61% auraient pris un congé de 2 ou 3 ans. Ils le souhaitent en moyenne financé à hauteur de 1100 € (le SMIC est à 1400 €).

Ce congé de naissance serait de trois mois pour chaque parent. Il serait mieux rémunéré que l’actuel congé parental. Outre le soutien à la natalité, l’objectif avancé serait de ne pas éloigner trop longtemps les femmes du marché du travail. Mais c’est aussi une mesure d’économie sur le dos des familles.

Le congé parental peut aujourd’hui être pris pendant deux ans, puis éventuellement un an supplémentaire pour l’autre parent. Il est rémunéré 448 € par mois pour un travail à temps plein (c’est la PreParE, Prestation Partagée d’Accueil de l’Enfant).

Ce congé de naissance ferait suite aux congés paternité et maternité, et serait de neuf mois et une semaine au plus. Il inclut la suppression des congés parentaux longs, au-delà des neuf mois.

La rémunération est annoncée à 50% du salaire antérieur avec un plafonnement à hauteur de 1900 € par mois.  C’est mieux que la PreParE, bien sûr. Mais personne n’a jamais demandé la suppression des congés longs, bien au contraire !

En 2021, 56% des enfants de moins de 3 ans étaient gardés par leurs parents la majeure partie du temps ou tout le temps[v] . Mais seuls 36% des parents avaient posé ce choix volontairement : Pour les 20% restant, il s’agissait d’une situation par défaut en raison de l’insuffisance des solutions de garde. Comment imaginer qu’il serait possible de disposer d’un mode de garde pour tous les enfants de 9 mois à 3 ans alors que les possibilités d’accueil par les EAJE (Etablissements d’Accueil des Jeunes Enfants) ou par les assistantes maternelles (dont 40% vont prendre leur retraite d’ici 2030) sont déjà insuffisants ?

Sans mode de garde au bout des neuf mois, les parents diffèreront la naissance ou les femmes quitteront le marché du travail, soit l’inverse des objectifs recherchés !!

Quelles solutions ? Une place de crèche coûte 18 000 € par an à la collectivité. Si la PreParE était réévaluée à 1100 € par mois, l’effort financier serait bien moindre que le financement d’une place de crèche ! Le mode de garde le moins onéreux est la famille : pourquoi cette donnée n’est-elle pas prise en compte ?

Enfin, que feront les mères ou les pères qui souhaiteront s’occuper de leur enfant plus longtemps que les six mois du congé de naissance, par exemple dans le cas où leur enfant serait prématuré, adopté, porteur de handicap ou tout simplement dans le cas où ils auront envie de le voir grandir ? Quelle solution leur restera-t-il si ce n’est celle de renoncer à leur emploi ? Le même phénomène de retrait de l’emploi a déjà eu lieu en 2014 lorsque Najat Vallaud Belkacem a transformé le Congé parental d’éducation en PreParE. Cette réforme a fait baisser de 46%[vi] le nombre d’utilisateurs, alors que l’Etat bénéficiait, lui, d’un milliard d’économies. L’exécutif a la mémoire courte puisque l’intention affichée alors par la ministre était de faciliter le retour des femmes à l’emploi en limitant à deux ans leur congé et en obligeant le conjoint à prendre la troisième année. Faute de modes de garde, de nombreuses femmes ont dû renoncer à leur emploi, à rebours de l’ambition affichée. Entre 2013 et 2017, la proportion de femmes au chômage est passée de 10,4 % à 13,3%.[vii] Cette réforme a été une mesure d’économies sur le dos des familles. L’actuelle réforme qui a le même affichage pourrait avoir les mêmes effets.

Nous préconisons :

  • Le libre choix des parents entre le père ou la mère (ne pas mélanger les objectifs),
  • Un congé court de 6 mois à 1 an, rétribué à 75% du salaire antérieur,
  • Un congé long indemnisé 1100 € par mois (somme moyenne demandée par les parents dans notre étude).
  1. Soutien à la maternité et paternité

Attention à ne pas se substituer aux pères et mères de famille ! Le premier soutien consisterait en messages positifs aux pères, aux mères et aux familles. La famille est plébiscitée sondage après sondage. Le sondage Opinion Way d’octobre 2023 pour Le Parisien montrait que la famille est très importante pour 83% des personnes sondées. Mais la parole publique sur la famille est rarissime, ou alors elle concerne les familles dysfonctionnelles, abusives ou la monoparentalité.

Nous soutenons les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents créés en 1999 à la suite de diverses initiatives : les Maisons vertes, les lieux d’accueil parents-enfants, la médiation familiale ou les groupes de parole destinés aux parents. Avec les CAF, ils soutiennent les initiatives qui prennent appui sur les parents et valorisent leurs compétences. Les Chantiers-Education font partie de ce réseau.

  1. Soutien à la durabilité conjugale

Nous avons parlé de quatre objectifs assignés à la politique familiale. Nous militons pour l’ajout d’un cinquième objectif : le soutien à la durabilité conjugale ou la lutte contre les ruptures conjugales.

La puissance publique intervient après l’annonce d’une rupture par la médiation familiale et l’aide aux familles monoparentales, mais elle s’interdit d’intervenir en amont au nom de la liberté !

On compte aujourd’hui 25% de familles monoparentales. La fragilité des liens conjugaux est donc le premier facteur d’appauvrissement des foyers : selon les chiffres de l’Insee, les personnes isolées avec plusieurs enfants ont un niveau de vie moyen inférieur de 36 % à l’ensemble de la population. De même, le rapport du Credoc d’avril 2023 notait qu’il y avait 2,1 millions de personnes pauvres vivant en familles monoparentales en 2019. Ce nombre a quasiment doublé depuis 1996. La séparation conjugale appauvrit la famille tout en entraînant d’autres conséquences négatives : des difficultés sociales, éducatives et sanitaires qui impactent l’ensemble des membres de la famille. Des efforts financiers toujours plus importants sont consentis par les pouvoirs publics pour compenser les différents risques qui impactent les familles monoparentales.

Notre pacte social compense heureusement les accidents de la vie. Mais lorsque cela en vient à concerner un quart des familles, il devient plus que nécessaire de s’interroger sur le bien-fondé de cette seule politique palliative. Une politique préventive serait de plus long terme, sans doute moins rentable politiquement mais certainement bien plus utile à la société. Moins de séparations, cela signifie moins de conflits et moins de violences intrafamiliales, moins d’appauvrissement, moins de souffrances psychologiques et sociales, moins de difficultés éducatives et scolaires et de meilleures chances pour les enfants de ces familles.

Les AFC plaident pour la valorisation du mariage civil, dans sa préparation et dans sa célébration, ainsi qu’une nette différentiation entre les régimes du mariage, du Pacs et du concubinage. Elles organisent en octobre 2024 un colloque à l’Assemblée nationale sur la prévention des ruptures sur le thème « Lien conjugal et paix sociale », pour alerter les parlementaires sur le « maillon faible » que sont devenus trop de couples.

Par ailleurs, les AFC ont présenté deux propositions lors des élections présidentielle et législatives de 2022.

  • Mieux préparer les couples à la vie conjugale et proposer une préparation à la conjugalité

en mairie lors du dépôt d’un dossier de mariage ou de Pacs, ou d’une demande de certificat de vie commune. Ce serait l’occasion d’informer les couples sur les droits et les devoirs de chacun des trois régimes juridiques, concubinage, Pacs et mariage, afin qu’ils puissent faire des choix en connaissance de cause et connaître ce à quoi ils s’engagent. Cette préparation à la conjugalité permettrait aussi de proposer une formation à la résolution des conflits afin de prévenir la maltraitance. Il pourrait ainsi se diffuser une culture de la résolution des conflits de manière plus paisible au sein des couples et dans les relations parents-enfants.

 

  • Une autre proposition consisterait à organiser un remboursement des séances de conseil

conjugal par les Caisses d’allocations familiales. En effet, les conseillers conjugaux et familiaux constatent bien souvent que les couples viennent les consulter très tardivement, alors que la relation est déjà très dégradée. Il est devenu plus simple, voire banal, d’aller chez le psychologue, ce qui n’était pas le cas il y a vingt ou trente ans. Il serait donc bien qu’une même logique soit mise en place pour les couples. Le remboursement créerait ainsi comme une normalisation de l’acte et une facilitation. Il donnerait aussi un signal clair, celui que « la société se préoccupe du bien-être des couples, qu’elle prend soin d’eux et qu’elle met des moyens pour assurer leur stabilité ».

 

Conclusion

La politique familiale à la française, enviée par les autres pays, a été déconstruite au fil des ans et l’effondrement récent de la natalité en atteste. De nombreuses pistes et idées existent pour améliorer la situation. Il y a urgence ! Les autres pays qui investissent tard le font en pure perte. Quand une nation perd le goût de la famille, il devient très difficile d’inverser la tendance. Le monde occidental n’a pas encore réussi à élaborer un modèle associant prospérité et accueil généreux de la vie. Sa survie en dépend.

 

 

Echanges de vues

 

 

Marie-Joëlle Guillaume

Merci beaucoup, Pascale, pour cet exposé extrêmement au fait des problèmes de la prévention et de la conjugalité, et pour ces préconisations très simples finalement, qui se situent clairement du côté du soutien du lien, alors que tout est fait pour casser les liens depuis bien des années… J’ai une question à vous poser avant de donner la parole à nos amis : c’est au sujet des fameux « 1 000 premiers jours de l’enfant », je suis mal informée là-dessus. Il me semble qu’il s’agissait plutôt d’ingérence de la part de l’État que de véritable soutien, mais j’aimerais savoir ce qu’en pensent les Associations Familiales Catholiques.

 

Pascale Morinière

Il faut savoir que la commission qui a travaillé sur les « 1000 premiers jours » était composée aux trois quarts de psychiatres ou de psychologues. Quant à moi je suis médecin, or on ne voit que la pathologie quand on est médecin, en particulièrement les psys, qui ne voient que les familles dysfonctionnelles. C’est pourquoi tout ce qui est dit là-dedans est à la fois très juste, incontestable, et en même temps réducteur ; quand j’en ai parlé avec le ministre de l’époque Adrien Taquet, j’ai eu l’impression qu’il découvrait des choses que les médecins savaient depuis très longtemps, mais sous un angle très pathologique. Quand je me suis amusée à lire le rapport et à noter tous les adjectifs qui qualifiaient les parents, j’ai trouvé cela incroyablement négatif : ils étaient démunis, dépassés, tellement seuls les pauvres, et à aucun moment n’était pointées les compétences des parents, comme s’ils n’en avaient pas ; nulle part n’apparaissait le bien qu’ils font en se levant six fois par nuit quand le petit est malade par exemple, le dévouement pourtant bien réel dont ils font preuve au quotidien. Ce n’était jamais reconnu. Mais il y avait tout de même de bonnes choses, comme par exemple le fait de souligner le besoin essentiel de l’enfant, jusqu’à l’âge d’un an, d’être en famille. C’est d’ailleurs cet argument-là que l’on utilise contre le congé de naissance – 3 mois plus 3 mois – qui représente au mieux 9 mois avec tous les congés cumulés. Mais donc, à quoi bon entreprendre une telle étude si c’est pour faire tout à fait autre chose après !

 

Pierre Deschamps

Ce n’est pas une question, c’est une perplexité que je voudrais exprimer, sur l’idée de la prévention des ruptures conjugales : cela me semble une idée intéressante, accessoirement d’ailleurs elle aurait sans doute un effet positif sur la question du logement, puisqu’une rupture entraîne le besoin de deux logements. Mais ce n’est pas notre sujet du moment. En revanche, est-ce que c’est à l’État, aux services publics plus qu’aux pouvoirs publics même, d’aller s’immiscer dans les relations internes d’un couple ? Je vous pose malgré tout la question.

 

Pascale Morinière

Mais l’État s’immisce déjà énormément, et le fait d’avoir facilité le divorce à outrance l’oblige maintenant à aller organiser la vie des familles recomposées. On s’est donc habitué au fait que l’État s’occupe de la vie des familles et on compte dessus. Même chose en ce qui concerne la monoparentalité, à trop faciliter les séparations, eh bien l’État est obligé de s’occuper de toutes ces femmes ! Il y avait hier à Matignon beaucoup de femmes d’associations monoparentales avec leurs enfants, il y avait eu la même chose un mois plus tôt, même genre de grand-messe au ministère de la Famille. Et il y avait une femme avec un rôle de porte-parole, le verbe haut, qui revendiquait non seulement le droit pour ces femmes à être écoutées au nom de leur expérience mais en même temps à recevoir l’argent de l’Etat ! En réalité, à trop faciliter les ruptures et à trop les laisser faire, eh bien on arrive à cette situation. Donc, je crois en effet qu’il faut essayer de les éviter… sinon l’on est dans une impasse !

 

Pierre Deschamps

De quelle manière éviter les ruptures ?

 

Pascale Morinière

A partir de toutes les idées que j’ai suggérées : préparer à la conjugalité, soutenir, rembourser le conseil conjugal, etc. Il est plus facile de faire cela que de revenir sur les lois sur le divorce : cela ne passera jamais. Je pourrais dire qu’il faut arrêter le divorce sans juge, mais ce sont des paroles qui ne servent à rien, ce sont des propositions vaines, on n’arrivera jamais à faire passer une telle mesure. En revanche, travailler sous l’angle de la prévention des ruptures, donc de la bientraitance, me paraît être acceptable.

 

Marie-Joëlle Guillaume

Il me semble que ce dont parlait Pierre Deschamps, c’était de l’immixtion de l’État dans l’intimité des familles. Or notre invitée suggère par exemple de proposer le remboursement du recours à un conseil conjugal. Le conseil conjugal n’est pas l’État, donc en réalité il s’agirait plutôt de favoriser une prise en main du couple par lui-même.

 

Rémi Sentis

J’avais juste une petite remarque sur la prévention des ruptures, qui regarde la question de la pornographie. Tout le monde reconnaît en effet aujourd’hui qu’elle représente un phénomène de masse, que nous sommes face à un véritable déferlement pornographique. C’est bien sûr catastrophique, car c’est la source de beaucoup de violence, d’addictions terribles, d’inhibitions dans beaucoup de couples qui reculent devant le mariage, etc. Or les pouvoirs publics ne font rien, et ont même l’air de s’y complaire.

Par ailleurs j’ai une question : vous avez très justement parlé de la question de la solitude de la mère célibataire, des familles monoparentales, et de la question du ciblage des mesures familiales en faveur d’une monoparentalité, mais il me semble qu’il y a aussi une dimension symbolique là-dedans. On a l’impression que depuis une quinzaine d’années, l’Etat essaie délibérément de déconstruire la paternité – la loi de la PMA sans père déconstruit bien sûr un peu plus la paternité -, le mariage, etc. On voit encore dans ces mesures symboliques la manière avec laquelle l’administration, par des dispositions très coûteuses, va favoriser la création de familles monoparentales qui sont d’ailleurs en l’occurrence la conséquence de la loi PMA. Chaque PMA sans père a un coût extrêmement important, qui est d’ailleurs difficile à chiffrer précisément. Mais l’État, avec l’argent public, favorise délibérément la naissance d’enfants qui seront toujours privés de père, non du fait des aléas de la vie, mais par une volonté délibérée des pouvoirs publics. Qu’en pensez-vous ?

 

Pascale Morinière

Que du mal bien sûr ! Et cela illustre en effet la schizophrénie de l’État. On nous répond en général que les femmes ayant recours à la PMA sans père ont des métiers et de l’aide, c’est tout. On s’est battu pendant deux années contre cela, et l’on n’a pas obtenu gain de cause. Quand je parle d’idéologie, force est de constater que celle-ci est vraiment à l’œuvre ; et l’allusion qu’a faite Antoine tout à l’heure est révélatrice. Quand j’ai interpellé le Président de la République sur ces questions-là, il m’a en effet répondu : « Votre problème, c’est que vous croyez qu’un père est forcément un mâle » ! Agnès Buzyn avait déjà fait ce genre de déclaration et l’on pensait à l’époque qu’elle devait avoir un peu dérapé ; or en réalité c’est une vision des choses qui est partagée au sommet de l’État, ce dont nous avons pris conscience à ce moment-là.

 

Antoine Renard

Le pire, c’est que le Président pense que c’est à nous que ça pose un problème, il ne voit pas que c’est à lui que ça en pose un, assez grave.

 

Pascale Morinière

Oui, et il réduit aussi la paternité à une croyance : « Vous croyez… »

 

Jean-Paul Guitton

S’agissant de la politique familiale actuelle, je suis assez perplexe, car il n’y en a pratiquement plus, quand on pense à la grande politique familiale de l’après-guerre, « que le monde entier nous envie ». Je voudrais attirer l’attention sur le langage, par lequel nous sommes tous piégés : par exemple Rémi Sentis qui a parlé à l’instant de la monoparentalité, s’est repris ; il avait dit « mères célibataires », puis il a utilisé l’expression « familles monoparentales ». Et nous utilisons tous cet oxymore. Or la famille monoparentale n’existe pas. Avons-nous parfois le courage de le dire ? Oui, le père est absent de la politique familiale (sauf à lui faire jouer le même rôle que la mère). Plus généralement, c’est la définition de la famille qui n’est pas faite. Vous avez pris soin, chère Pascale Morinière, de ne pas définir la famille, et vous avez bien fait, parce qu’on ne peut plus définir la famille en France. La France est incapable aujourd’hui de définir juridiquement la famille !

Pascale Morinière

J’ai essayé de ‘’vendre’’ au directeur de cabinet d’Emmanuel Macron une définition de la famille, en lui expliquant que la famille était une communauté de vie et d’amour, qui par ailleurs, pour les AFC, était aussi « fondée sur le mariage entre un homme et une femme ». Mais je l’ai encouragé à reconnaître au moins cette notion de communauté de vie et d’amour ! En réalité j’ai rencontré plusieurs fois ce Monsieur Strzoda, et cette fois-là c’était juste après les confinements et les discours d’Emmanuel Macron du type « Nous sommes en guerre, nous sommes en guerre », « Rentrez chez vous et prenez soin de ceux qui habitent dans votre maison ou votre appartement », etc. Or quand je parle, personnellement je ne dis pas « ceux qui habitent dans ma maison » mais tout simplement « ma famille » ! C’est pourquoi j’ai dit à Monsieur Strzoda qu’il s’agissait tout de même d’une périphrase un peu longue et qu’il pourrait suggérer de s’inspirer de ma définition…qu’il m’a fait répéter pour la prendre en note très soigneusement ! J’ai ensuite guetté les prises de parole ; il y a eu une petite vidéo en direction des familles avant les présidentielles, sans doute pour nous amadouer ; mais l’expression « communauté de vie et d’amour » n’est jamais sortie, parce qu’en fait ils n’arrivent plus à dire quoi que ce soit d’autre que « les » familles ! J’avais précisément taclé Adrien Taquet sur ce sujet-là quand il était ministre de l’enfance et des familles. J’avais souligné devant lui la contradiction dans le fait de parler de l’enfant au singulier, et des familles au pluriel ! Or il n’y a pas qu’un enfant ! Il n’était pas très content.

 

Jean-Paul Guitton

En 2005 il me semble, l’UNAF a tenu son assemblée générale à Nantes, dont le maire était alors Jean-Marc Ayrault. Ce dernier avait expliqué à cette occasion sa conception de la famille. Il n’était pas encore Premier ministre, mais une famille, pour lui, c’était un ou plusieurs adultes qui élèvent un ou plusieurs enfants. On doit reconnaître que cette définition a le mérite de donner toute sa place à l’éducation. Par ailleurs, le désir d’enfant, dont on parle beaucoup, est certes une très belle notion, mais il me semble qu’en milieu catholique on pourrait quand même rappeler de temps en temps que l’enfant n’est pas d’abord le fruit d’un désir, mais un don reçu !

 

Pascale Morinière

Je suis d’accord, bien sûr, mais mon propos se situait dans la perspective du dialogue que nous menons avec le monde, pas dans celle d’un entre-soi. Or dans le dialogue avec le monde, si je parle de don reçu, on me renverra à mes études !

Jean-Paul Guitton

Je voulais également en venir à la parentalité. Il s’agit d’un terme odieux. Vous vous êtes reprise tout à l’heure, vous avez parlé de « la paternité et la maternité ». La notion de « parentalité » est en fait le résultat d’une pression égalitariste absolument odieuse. Dans cette salle il y a une vingtaine d’années, on parlait dans une séance de l’égalité entre l’homme et la femme. Deux personnes du sexe féminin ont dit dans cette salle, il y a vingt ans, que cela ne les choquait pas que les salaires féminins ne soient pas les mêmes que les salaires masculins. Aujourd’hui il n’y aurait probablement plus personne pour le dire. Le travail familial devrait être reconnu, je ne parle pas nécessairement d’un salaire maternel, mais il faudrait étudier la question et y apporter des solutions. Vous l’avez dit, il faudrait pouvoir choisir, mais combien choisissent d’élever leur enfant ? De moins en moins, il y a quelques années c’était 15 %, je crois.

 

Pascale Morinière

Les familles n’ont pas les moyens de le faire.

 

Jean-Paul Guitton

Si l’on veut…

Jeune marié j’ai habité la Bretagne, et en Bretagne il y avait à l’époque beaucoup de jeunes couples issus de familles nombreuses de la campagne qui vivaient dans des petites maisons qu’ils avaient construites avec l’héritage anticipé de leurs parents, et ils avaient deux enfants –déjà il y a 50 ans. Quand on leur demandait pourquoi ils ne voulaient pas davantage d’enfants, leur réponse m’avait frappé à l’époque : en fait ils invoquaient la peur de l’avenir, alors qu’ils avaient vécu leur jeunesse dans les dures conditions de l’après-guerre, mais connaissaient le confort bien meilleur des années 70 qu’ils craignaient de ne pouvoir assurer à leurs enfants…

Le dernier terme que je voulais souligner c’est celui de « conciliation » : quand on demande quelle est la politique familiale aujourd’hui, on invoque la nécessaire conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Je renvoie à ce que je viens de dire, il n’y a pas à concilier sur un plan d’égalité ; effectivement il y a une conciliation à trouver quelque part, mais tout ce qui pousse à négliger la vie familiale est problématique. Quand on rencontre des responsables politiques, ils vous reçoivent gentiment en donnant l’impression qu’ils sont d’accord avec vous, alors qu’en réalité il n’en est rien et que leurs paroles ne sont guère suivies d’effet. Je pense que la plupart des hommes politiques ne savent même plus pourquoi il existe un mariage civil, ni à quoi il sert ; il faudrait le demander à Aude Mirkovic, que j’ai entendue plusieurs fois, et peut-être ici même, expliquer ce que le mariage civil apporte à la société. Donner les avantages du mariage aux pacsés et aux concubins, c’est en effet aberrant !

Marie-Joëlle Guillaume

Je me permets de renvoyer à l’exposé de Pascale qui explique effectivement qu’il faut travailler sur la préparation au mariage civil, ce qu’en réalité les AFC ont dit depuis longtemps, à un moment où on s’entendait répondre qu’il s’agissait surtout de préparer au mariage chrétien, etc. Or le mariage civil, déjà – entre un homme et une femme bien sûr – demande à être valorisé. Il y a une chose qui m’a frappée dans ce que vous disiez tout à l’heure, à savoir que seulement 1 % des hommes prenait le congé parental. Ainsi la nature se venge, puisqu’il est tout à fait normal que ce soit plutôt des mères qui le prennent. En revanche la mesure ainsi conçue est très astucieuse financièrement pour faire gagner de l’argent à l’Etat sur le dos des familles, et d’ailleurs aussi pour insuffler l’idéologie selon laquelle « l’homme et la femme, c’est pareil ». J’aurais pensé que ce pourcentage serait supérieur, je suis frappée par un si faible chiffre.

 

Pascale Morinière

C’est 0,8 % exactement.

 

Marie-Florence Duprieu

Il y a très longtemps, le centre de préparation au mariage qui est rue Jean-Bart, près de Saint-Sulpice, éditait des documents de préparation au mariage civil que je trouvais fabuleux. Mes enfants et moi avons suivi les cours de préparation au mariage catholique, qui sont l’occasion de traiter de sujets qu’on n’ose pas trop traiter quand on se regarde dans le blanc des yeux et qu’on se trouve mutuellement merveilleux : tout ce qui concerne l’argent, la sexualité, on ne l’aborde pas, et on est acculé à en parler sans doute trop tard, si on n’en a pas parlé avant. Vous avez aussi évoqué le conseil conjugal, c’est-à-dire la prévention des ruptures, or c’est un point clef : au lieu d’aller voir un avocat, il faudrait peut-être déjà commencer par aller voir un conseil conjugal. J’ai été membre d’un conseil municipal pendant 6 ans, à la campagne, et la mairie faisait des propositions de médiateur ou de médiatrice familiale. C’est important, mais en même temps il s’avère très difficile d’aller voir un médiateur en disant, « je ne m’en sors pas, aidez-moi ». Surtout dans une petite commune où tout le monde va tout savoir. Cela a tout de même le mérite d’exister ; or c’est l’État, ou plus précisément la commune qui propose cette action. Ainsi tout ce qui peut être fait préventivement auprès des jeunes devrait être une priorité. On sait aujourd’hui que les garçons sont de plus en plus violents et de plus en plus ‘’machos’’, c’est terriblement grave, et c’est à l’adolescence qu’il faut commencer le travail de prévention.

 

Pascale Morinière

Sur le conseil conjugal, en fait c’est Antoine Renard qui avait promu cela quand il était président des AFC, ou plutôt la préparation au mariage civil, avec Roseline Bachelot qui avait repris l’idée. On avait fait peu de publicité pour ne pas se mettre en avant, pour que ce ne soit pas entaché du fait que c’était les ‘’cathos’’ qui en faisaient la promotion, etc., mais il y avait tout un document de préparation au mariage civil, avec la Marianne de la République, qui avait été diffusé à tous les maires de France. Cela a perduré ; du temps de Laurence Rossignol cela existait encore, puis ça a disparu ensuite. Donc il faut à nouveau refaire ce travail-là.

 

Nicolas Aumonier

Vous avez cité l’Italie en disant qu’ils étaient descendus trop bas pour obtenir, au bout de seulement deux années de politique familiale plus généreuse, une remontée de leur natalité. Nous avons entendu évoquer il y a un peu plus d’un mois un exemple de politique de natalité, plus que de politique familiale, très volontariste. Est-ce que vous pourriez donner votre sentiment précis sur la politique hongroise, même si vous l’avez déjà dit entre les lignes ? Et puis, deuxième question, pensez-vous que des incitations sont de nature à aider ces courbes à remonter, pouvons-nous encore avoir confiance dans des mesures incitatives au sens large, est-ce que des incitations incitent encore à quoi que ce soit ?

 

Pascale Morinière

La politique hongroise très volontariste a fait changer les choses, mais il est vrai que leur natalité était tombée très bas, même si je n’ai plus tous les chiffres en tête. Et donc leur taux de natalité a augmenté, mais il stagne aujourd’hui autour de 1,5 de mémoire, sans parvenir à augmenter encore. Une chose m’a gênée dans l’exposé de Georges de Habsbourg, c’est lorsqu’il a répondu à une question en disant que les personnes ont des enfants parce qu’on les paye. J’ai eu des échanges avec plusieurs d’entre vous depuis, et c’est pour cela aussi que j’ai insisté sur l’idée du désir d’enfant, qui est différent – ou le souhait d’accueillir un enfant, si le mot « désir » vous gêne. Or je pense qu’il est meilleur que les politiques publiques s’appuient sur l’espérance d’enfant, pour le dire de manière plus chrétienne, que sur des incitations financières répondant à un besoin d’enfants. Parce que ce raisonnement conduit vite à la coercition, même si ce n’est certes pas ce qui est fait en Hongrie. Mais je pense par exemple aux prêts non remboursables à partir du xième enfant, etc. : eh bien supposez qu’un couple attende un enfant mais qu’il y ait une fausse couche, un drame ; il faudra en plus que le couple rembourse son prêt…Donc il y a aussi tout cela derrière, toute cette dimension humaine qui n’a pas l’air d’être prise en compte, ce qui me met un peu mal à l’aise. Mais il est vrai que je connaissais un peu la politique hongroise qui de fait a le plus développé les aides, avec des idées nouvelles ; c’est la Hongrie qui a le plus travaillé, et il y a beaucoup de choses chez elle qui ressemblent à des propositions que nous avons pu mettre en place, beaucoup de bonnes choses aussi.

 

Nicolas Aumonier

A propos de l’incitation qui n’incite pas… ?

 

Pascale Morinière

Jusqu’à il y a quelques années, on entendait régulièrement dire qu’il n’était pas sûr que la bonne politique familiale fût la raison de la haute natalité, or je trouve qu’on a au moins montré, en déconstruisant la politique familiale, que la natalité plongeait. Aurait-elle plongé en d’autres circonstances ? Evidemment, personne ne peut le dire, mais ce que l’on sait tout de même, c’est que dans les pays qui remettent des mesures de politique familiale en place, si celles-ci sont suffisamment précoces et suffisamment énergiques, elles entraînent une hausse de la natalité, comme ce fut le cas en Allemagne, un peu en Hongrie et puis dans des pays comme la Roumanie ou la République Tchèque qui vont bientôt nous dépasser parce qu’ils ont mis en place des politiques énergiques. Je fais simplement le constat que l’Italie s’y est prise assez tard, car traditionnellement il n’y avait pas du tout de politique familiale. En effet c’étaient les grand-mères, les nonnas, qui gardaient les petits, mais tout cela ne fonctionne plus si bien, car les nonnas travaillent maintenant, elles aussi. Aussi des mesures ont-elles été prises, mais très tardivement, dans un pays déjà très vieux ; des mesures sans doute insuffisantes même si eux ont eu l’impression de donner une somme assez élevée – mais je ne saurais plus vous dire laquelle – chaque mois, dès 7 mois de grossesse, jusqu’aux 20 ans du jeune.

Et donc je pense qu’il y aurait un travail préalable d’études très affinées à faire auprès des parents : leur demander pourquoi, dans quelles circonstances ils auraient préféré accueillir un enfant, qu’est-ce qui les aurait fait changer d’avis, etc. Il y a tout cela à faire pour mettre en place des politiques adaptées, et non – pardonnez-moi l’expression familière –  des politiques « au doigt mouillé », comme lorsqu’on se fie aux propagandes « no kid », etc. Ce n’est pas du tout le sujet, ou très peu le sujet, car le vrai sujet est financier et tient à l’organisation des familles pour faire garder leurs enfants quand elles sont au travail, si vous n’aimez pas le mot « conciliation ». C’est là que sont les sujets, en tout cas en France.

 

Dans la salle

Ne croyez-vous pas qu’il suffirait de donner aux gens les chiffres établissant qu’une personne retraitée était il y a quelques dizaines d’années soutenue par quatre actifs, tandis qu’elle l’est aujourd’hui par seulement 1,7 actif ? Car cela suffit à expliquer tous les problèmes des retraites, c’est tellement parlant !

 

Père Jean-Christophe Chauvin

Quant à moi je vous félicite, parce qu’avec une telle opposition idéologique depuis des années, qui détruit un à un tous les aspects de la famille, et peu à peu tous ses garde-fous – la GPA est d’ailleurs en perspective…-, il est vraiment courageux de continuer à essayer de trouver un langage qui rejoigne le plus grand nombre et qui aille dans la bonne direction, à travers des éléments de bon sens. J’ai d’ailleurs trouvé très intéressant d’entendre qu’un enfant gardé en crèche coûte 1500 € par mois à ses parents ; et qu’un sondage auprès des familles montre que les parents sont prêts à garder leurs enfants eux-mêmes pour 1100 € par mois, ce qui ferait donc faire des économies ! On va nous répondre que cela augmenterait le chômage…

Et puis, bravo pour ce que vous faites en matière de prévention, et qui n’est pas pour moi une ingérence de l’État dans les affaires des familles, mais une façon d’aider les familles à résoudre leurs problèmes, ce dont l’État a bien le droit. A priori une famille qui s’aime, où l’on élève correctement ses enfants, ce sont des futurs citoyens, et aussi des tas d’économies, etc. C’est pourquoi je vous félicite, malgré l’évident découragement que pourrait provoquer une telle situation politique, de continuer à essayer de combattre en vous mettant au niveau de vos interlocuteurs, en essayant de faire passer des choses qu’ils peuvent accepter, qui soient positives.

 

Pascale Morinière

Merci à vous pour cet encouragement.

 

Jean-Luc Bour

Antoine Renard nous avait depuis longtemps sensibilisés à la question de l’écart entre le désir d’enfant et le taux de fécondité réel. Je me demande donc comment on pourrait faire monter le désir d’enfant ; en effet pour obtenir un meilleur taux de fécondité, peut-être faudrait-il agir sur ce désir d’enfant ? Le Père Chauvin a un peu introduit la question en évoquant la lutte idéologique qu’il y a autour de la famille et le fait d’avoir des enfants ; les médias y jouent un rôle important. Aussi, que pourrait-on faire pour stimuler ce désir d’enfant, et le faire monter à trois enfants par couple ? Cela serait bien d’en avoir trois, peut-être qu’à ce moment-là le taux de fécondité au lieu d’être à 1,68, monterait à 2 ? Voilà une façon d’aborder un peu autrement ce sujet.

 

Pascale Morinière

Quand on veut faire boire un âne qui n’a pas soif, il faut mettre à côté de lui un âne qui va avoir soif et boire goulûment. Donc je crois qu’il faut que les familles témoignent. C’est notre responsabilité, avec nos familles, de montrer des familles heureuses, ouvertes aux autres, qui ne sont pas rabougries et qui donnent envie. Et puis après, il y a évidemment tout le champ de la culture où l’on pourrait aussi intervenir Il faudrait donc pouvoir investir tout ce champ de la culture, or je crois qu’il y a des investisseurs aujourd’hui qui sont prêts à mettre de l’argent sur ces questions-là. Je pense à Monsieur Bonassies dont on parle ces jours-ci, à Pierre-Édouard Stérin, il y a un certain nombre d’investisseurs chrétiens qui ont pris la mesure du problème et qui sont prêts à investir sérieusement. Quant à nous aux AFC, nous avons des idées, donc cela tombe bien, on va essayer de les inspirer dans ce sens, car je crois que la culture fait beaucoup. Ce qui est sûr, c’est que nous avons une responsabilité ; on ne peut pas toujours dire que ce sont les autres qui sont responsables. Qu’est-ce qu’on montre de nos familles ?

 

Dans la salle

Je pense que nous avons tous, autour de nous, remarqué des familles chrétiennes ferventes dans lesquelles il y a 6, 7, 8 enfants. On a aussi remarqué des familles « très musulmanes », dans lesquelles il y a 6, 7, 8 enfants. Vous avez parlé tout à l’heure en Israël des familles dans lesquelles il y avait au minimum trois enfants. Y a-t-il un lien avec la foi ? Qu’est-ce qu’on peut en dire, et que peut-on faire avec cela ?

 

Pascale Morinière

Il peut y avoir une militance des berceaux, car je pense qu’en Israël c’est le cas. Mais est-ce que les chrétiens ont des enfants par militance, je n’en suis pas sûre ! Par espérance, plutôt. En fait, je pense que les choses ne sont pas de même nature entre ces différentes religions. Cela dit, les familles très nombreuses, même chez les chrétiens, sont devenues quand même très rares. Et l’on a vu le même phénomène en beaucoup moins de temps au Canada, au Québec, où les familles sont passées de 10 enfants à un enfant. Cela a été encore plus rapide, c’est-à-dire en une génération. Et donc quand la foi recule, la foi en la vie recule aussi, je crois. Je ne peux pas répondre pour l’islam, je n’en sais rien.

 

Dans la salle

Un signe de désespérance que vous n’avez peut-être pas évoqué, ce sont ces gens, notamment ces jeunes femmes aujourd’hui qui sont de plus en plus nombreuses à ne pas vouloir d’enfants « pour sauver la planète ». Vous l’avez évoqué rapidement. En revanche je veux vous donner un signe d’espérance, à savoir que depuis un certain nombre d’années ou même de décennies, le premier enfant arrivait vers les 30 ou 31 ans de la mère. Or de nouveau il semble que les jeunes se marient tôt ; j’ai plusieurs exemples de jeunes qui se marient à 22, 23 ans, et qui auront vraisemblablement des enfants avant 31 ans. Il est sûr que quand on commence à 31 ans, on a moins d’enfants.

 

Pascale Morinière

Ce sont de jeunes catholiques dont vous parlez, c’est-à-dire d’une toute petite minorité. La moyenne d’âge de naissance des enfants pour les femmes est de 30,9 ans, ou à peu près. Donc je crois que vous êtes très optimiste sur ce point.

 

Marie-Joëlle Guillaume

Restons-en néanmoins pour ce soir à ce trait d’optimisme, en considérant que la bataille pour la vie et l’espérance ne fait que commencer ! Merci beaucoup, Pascale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[i] Démographie : la clé pour préserver notre modèle social | info.gouv.fr

[ii] Croguennec Y., 2023, « Prévisions d’effectifs d’élèves du premier degré : la baisse des effectifs devrait se poursuivre jusqu’en 2027 », Note d’Information, n° 23.10, DEPP. https://doi.org/10.48464/ni-23-10

[iii] https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/l_evolution_des_depenses_sociales_et_fiscales.pdf

[iv] « Le congé de naissance, une réforme insuffisante pour les familles » (la-croix.com)

[v] https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_-_synthe_se_et_propositions-3-2.pdf

[vi] Source UNAF

[vii] Voir le rapport du HCFEA de 2019 sur les congés parentaux pages 158-159 :

Source : Enquêtes Emploi en continu de 2013 à 2017, calculs du secrétariat général du HCFEA.

Champ : mères ayant au moins un enfant âgé de moins de 3 ans au moment de l’enquête.